Personne ne peut reprocher aux Etats-Unis ou à tout autre Etat leur droit de collecter des informations sur leurs ennemis ou de les espionner.
Ce genre de pratiques, on le sait, occupe une place centrale dans les conflits et les guerres qui occupent à leur tour une place centrale dans l'ensemble de l'activité humaine. Cependant, il n'est ni connu, ni familier ni moral pour un Etat de se conduire ainsi, et si massivement, à l'encontre de ses alliés qu'ils soient des Etats, des citoyens ou des institutions militaires ou économiques, et même à l'encontre de ses propres citoyens.
L'ampleur du scandale n'a pas permis au gouvernement des Etats-Unis de nier l'implication de leurs agences de renseignement, et tout particulièrement, la NSA, dans ces activités qui, sous la forme de plusieurs milliards d'opérations, ont visé des responsables et des individus ordinaires dans tous les continents. Il s'est donc employé à limiter les dégâts politiques et diplomatiques consécutifs à ces activités et à détourner l'attention de l'opinion des questions sensibles qui mettent en évidence le développement de la tendance policière à l'intérieur des appareils de renseignement aux Etats-Unis.
C'est dans ce sens que la chancelière allemande Angela Merkel, dont le téléphone portable, ainsi que ceux d'autres chefs d'Etats européens et non Européens, était visée par les écoutes de la NSA depuis plus de dix ans, a fait remarquer qu'elle n'a connu ce genre de pratiques qu'en Allemagne de l'Est. On sait à ce propos que des millions de dossiers sur la surveillance des citoyens allemands et des visiteurs en RDA ont été découverts après la chute du régime communiste.
Après l'échec des tentatives menées par les plus hauts responsables étasuniens, dont le président Obama lui-même, pour se mettre hors de cause, une tendance a été observée de présenter l'affaire comme une mesure défensive justifiée par le fait que les Etats-Unis eux-mêmes font l'objet de pratiques d'espionnage dirigées par des alliés. A l'appui, des responsables étasuniens ont rappelé l'affaire Jonathan Polard, cet agent de la CIA qui a été accusé d'espionnage au profit des «Israéliens» et condamné à la prison à perpétuité en 1986.
Certes, les alliés européens ne pouvaient que réagir à ces pratiques d'espionnage qui constituent une grave atteinte à la souveraineté de leurs pays et à la confiance qui devrait régner au niveau des relations entre alliés. Des hauts responsables européens ont émis des déclarations dans ce sens, mais ils n'ont rien trouvé à dire face à la réponse étasunienne qui s'est montré acerbe et agressive dans la mesure où elle était réduite à une seule expression : «Tout le monde en fait autant». Un argument si écrasant qu'il les a convaincus au point qu'ils se sont mis à répéter avec tout ce qu'il signifie en matière de la docilité du «Vieux continent» à l'égard du grand frère américain. Seuls, quelques commentateurs européens ont signalé -tout en reconnaissant que «tout le monde en fait autant»- la grande disproportion entre les moyens mis en œuvre dans ce domaine de part et d'autre par l'Europe et les Etats-Unis. Là où le budget que l'un ou l'autre des pays européens consacre à ses services secrets se limite à quelques dizaines, voire au mieux, à quelques centaines de millions de dollars, le budget de la seule NSA qui n'est que l'une de 16 autregences de renseignement étasuniennes actives dans le domaine de l'espionnage visant les alliés et les ennemis, atteint 80 milliards de dollars.
Il est vrai que les responsables européens ne se sont pas contentés d'émettre de timides déclarations et qu'ils ont œuvré, dans une réunion au niveau du Conseil d'Europe, dans le sens de finaliser d'ici la fin de l'année une initiative franco-allemande visant à discuter avec Washington un «cadre de coopération» dans le domaine des renseignements. Mais tout cela reste loin de constituer une riposte à l'affront que représentent l'hégémonie et le mépris qu'imposent les Etats-Unis à leurs pays.
Il était normal pour la faiblesse de la position européenne d'encourager les Etasuniens à passer de la justification des activités d'espionnage et de surveillance à louer ces activités et à glorifier leur rôle, par le passé, dans la défense de l'Europe contre le fascisme et le communisme, et actuellement dans la lutte contre le terrorisme.
Des responsables étasuniens ont essayé d'encenser davantage ces activités en laissant entendre que les attentats du 11 septembre 2001 pouvaient ne pas se produire si les agences d'espionnage étaient mandatées de collecter des informations sur les appels téléphoniques passés aux Etats-Unis. Une inadvertance manifeste dans la mesure où l'on reconnait involontairement, puisqu'on est en train de justifier l'espionnage visant les «alliés», que ces attentats étaient le fait de parties alliées.
C'est une expression claire de l'inconséquence du discours des Occidentaux et de leur conduite dans les conditions de leur reculade actuelle. Elle s'ajoute à une autre expression d'inconséquence : Si l'on justifie l'espionnage visant les alliés par des raisons sécuritaires, qu'en est-il alors de l'espionnage visant leurs entreprises industrielles et économiques ? Sauf si l'on admet que, lorsqu'on est en état de recul généralisé, les alliances ne résistent point face aux intérêts égoïstes.
Source : Al-Ahednews
par Akil Cheikh Hussein
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