Blogger Tips and TricksLatest Tips And TricksBlogger Tricks

11 nov. 2013

Le patron de la DCRI veut « marquer un coup d’arrêt » aux « pratiques » d’espionnage de la NSA

Patrick Calvar est un homme réaliste. Il sait que les Américains sont pénibles, mais qu'on ne peut pas vivre sans eux. Auditionné par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a pu s'exprimer, pour la première fois, sur l'espionnage massif de la France par l'Agence nationale de sécurité (NSA) américaine révélé par Le Monde.

 L'audition, le 30 octobre, était fermée à la presse, mais le compte rendu a été mis en ligne sur le site de l'Assemblée, mercredi 6 novembre (Lire l'intégralité ici).

"La relation avec le partenaire américain est une relation asymétrique", a reconnu M. Calvar:

"D’un côté, on ne peut pas se passer de la relation avec les services américains – comme l’a, du reste, montré l’affaire Merah, puisque la NSA l’avait localisé au Pakistan – mais, de l’autre côté, il n’est pas acceptable que ce partenaire continue à procéder comme il le fait à notre égard. Sachant que les révélations faites par le quotidien Le Monde sur les écoutes pratiquées par la NSA n’en sont vraisemblablement qu’à leur début, il est nécessaire de marquer un coup d’arrêt à ces pratiques."

Interrogé sur un éventuel "rafraîchissement des relations avec les Etats-Unis" par le président de la commission, Jean-Jacques Urvoas (PS, Finistère), M. Calvar n'a pas exclu un gel des échanges dans certains domaines : "La coopération se poursuit en matière de lutte contre le terrorisme, mais la question peut se poser sur d’autres sujets."

Un peu plus tôt, le patron de la DCRI avait défini le dilemme des services de renseignement français :

"Nos services se retrouvent dans une situation proche de la schizophrénie lorsqu’ils doivent tout à la fois utiliser les informations transmises par les grands services étrangers, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, tout en se méfiant par ailleurs de la capacité de ces mêmes services à exercer une surveillance et à attaquer la souveraineté de notre pays."

Donnant-donnant

Plus largement, M. Calvar s'est longuement exprimé sur la question du contrôle parlementaire des services de renseignement. C'était l'objet de cette audition, qui doit préparer l'examen par les députés de la loi de programmation militaire 2014-2019. Le texte adopté par le Sénat prévoit plusieurs avancées qui concernent tous les services, dont la DCRI, et pas seulement ceux qui dépendent du ministère de la défense ("Renseignement : les sénateurs votent un contrôle renforcé des services"). Il a développé la philosophie du donnant-donnant qui a présidé à l'élaboration du texte:

"Les méthodes de travail évoluant et les menaces changeant de forme, la DCRI doit disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions. En contrepartie, son action doit s’inscrire dans un système bien défini d’autorisation en amont et de contrôle efficace en aval pour assurer le respect de la légalité."

Les services ont donc obtenu la légalisation de la géolocalisation ("la mesure la plus importante pour nous") et un renforcement de la protection de l'anonymat des agents. En "contrepartie", la délégation parlementaire au renseignement (DPR, composée de 4 députés et 4 sénateurs) devient un véritable organe de contrôle.

"Effets pervers"

Seuls bémols pour M. Calvar, la durée d'autorisation de la géolocalisation d'un suspect et l'audition d'agents des services par la DPR.

Dans le premier cas, il trouve la période, dix jours, trop courte : "Il faut au moins un mois pour déterminer la zone d’évolution géographique et l’arborescence relationnelle des personnes surveillées, c’est-à-dire l’univers dans lequel elles évoluent et les individus qu’elles côtoient."

Sur l'audition des agents, le Sénat a prévu cette possibilité "sous réserve de l'accord et en présence du directeur du service concerné". Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, aurait préféré laisser "les directeurs libres de se faire accompagner ou non". M. Calvar se range - et encore, sans enthousiasme - à cette position: "Je conçois que, le cas échéant, un chef de service auditionné par la délégation parlementaire puisse être accompagné par la personne la plus qualifiée pour répondre à un point précis avec la plus grande efficacité et en toute transparence." Mais, "à titre personnel", il est "défavorable à toute mesure qui permettrait à la délégation parlementaire d’entendre n’importe quel agent des services de renseignement".

Une telle ouverture présenterait des "effets pervers", assure M. Calvar. Les agents n'ont pas, "nécessairement, une connaissance globale d'un phénomène" et ils sont"peu habitués à être auditionnés par des parlementaires" (et pour cause...). Et puis, même la limite proposée par M. Le Drian "n’exclut pas le risque que désormais, tout agent s’auto-inhibe dans son activité quotidienne, ayant conscience qu’il pourrait être un jour auditionné par la délégation parlementaire".

"Zone grise"

M. Calvar en profite pour pointer du doigt le vide juridique dans lequel évoluent les agents français: "Les agents risquent de voir dans cette nouvelle prérogative de la délégation parlementaire un système de contrôle de plus en plus aigu de leur activité, sans pour autant qu’on leur dise clairement dans le même temps ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire." Et, plus loin: "Nous sommes dans une 'zone grise' qui rend l’action difficile. Nous avons besoin de missions définies, de moyens adaptés, de pouvoirs juridiquement reconnus et de contrôles."

Il rejoint ainsi les conclusions du rapport de M. Urvoas et de Patrice Verchère (UMP, Rhône) sur le "cadre juridique applicable aux services de renseignement" rendu public le 14 mai.

La réforme de la DCRI repoussée

Et la réforme de la DCRI, qui doit devenir une direction générale de la sécurité extérieure (DGSI), notamment pour élargir son recrutement? La Place Beauvau s'était imprudemment avancée sur la date du 1er janvier 2014. M. Calvar remet les choses en place:

"Il ne serait pas raisonnable de l’envisager avant la fin du premier trimestre 2014. En effet, cette création nécessite de réviser de nombreux textes, de répondre à certaines interrogations relatives au statut des fonctionnaires, de définir précisément ses missions et, enfin, de régler les questions budgétaires."

Réaliste, toujours.

Laurent Borredon 
source : lemonde.fr

Aucun commentaire: