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19 févr. 2013

Les stèles de La Mecque : symboles sataniques ?

http://www.ajib.fr/wp-content/uploads/2011/07/lamecque-makkah.jpgCet article se veut être un modeste complément d’information à la vidéo publiée par notre frère Salim Laïbi, alias LeLibrePenseur, et intitulée : « La Mecque infiltrée par les satanistes wahhabites. »

Il nous a semblé utile de revenir sur plusieurs points :

- Les 3 endroits à lapider au moment du pèlerinage, « Al-Jamarât », sont appelés abusivement « stèles » : en effet, ces stèles n’existaient pas au temps du Prophète صلى الله عليه وسلم, les 3 « Jamarât » étaient simplement un rocher ou un monticule de pierres. Ceci s’explique tout simplement par la définition linguistique du mot « Jamarah », donnée par Ibn Mandhoûr dans « Lissân Al-‘Arab », le dictionnaire de référence de la langue arabe :

الجمرة : الحصاة الصغيرة ، وجمعها : جمرات وجمار

Al-Jamarah : Petite pierre (pluriel : « Jamarât », ou « Jimâr »)

(Lissân Al-‘Arab, Volume 4, Page 146)

Le grand historien et linguiste Ibn Athîr donne la définition suivante :

الجمار: وهي الأحجار الصغار، ومنه سمِّيت جمار الحج للحصى التي يُرمَى بها ، وأما موضع الجمار بمنىً فسُمِّيَ جمرة؛ لأنها تُرمى بالجمار، وقيل: لأنها مجمع الحصى التي يُرمى بها

« Al-Jimâr » : Petites pierres. Les « Jimâr » du Hajj ont été nommées ainsi, car elles sont lapidées au moyen de petites pierres. Ainsi, l’emplacement sur lequel se situent ces « Jimâr » à Mina, est nommé « Jamarah », car il est lapidé par des « Jimâr ». On dit également que cet emplacement a été nommé « Jamarah » car il est formé du monticule des petites pierres ayant servi à la lapidation.

(An-Nihâyah fi Gharîb Al-Hadîth wa Al-Athar, Volume 1, Page 292)

Ces Jamarât n’étaient donc, à l’époque prophétique, ni des stèles, ni des obélisques. Ce n’est que bien plus tard (les différentes sources historiques ne donnent pas de date précise, mais il semblerait que cela remonte à l’époque du Califat Ottoman) que des stèles ont été érigées à cet endroit, afin que les pèlerins identifient bien que les zones à lapider se trouvent à cet endroit.

- Il est donc à noter que du point de vue de la jurisprudence islamique (fiqh), la lapidation des Jamarât ne correspond pas à la lapidation d’un édifice, mais à jeter des pierres à l’intérieur d’une zone. Les 4 écoles de fiqh s’accordent ainsi à dire que si la pierre ne tombe pas dans cette zone, la lapidation n’est pas valable, et doit être recommencée. Et à l’inverse, si la pierre tombe dans cette zone et qu’elle ne touche pas la stèle, la lapidation est valable. Les seules divergences existant à ce sujet portent simplement sur l’étendue de cette zone.

- En l’an 1292 de l’Hégire (1875 de l’ère chrétienne), les gouverneurs de La Mecque décident de construire un muret tout autour des Jamarât afin que les pèlerins puissent se concentrer plus facilement autour d’elles, et que les pierres puissent tomber au même endroit. Le cercle constitué par ce muret s’appelle « Al-Hawdh » (le bassin). La Mecque était alors sous l’autorité des Hachémites, et pas de la famille Saoud. Cliquez ici pour consulter les travaux de recherche de l’historien ‘Abdallâh Ibn Duhaysh sur le sujet.

- On peut aisément retrouver des photos remontant aux années 1950 (donc, sous gouvernance saoudienne), voire même avant, montrant les Jamarât avec une taille ne dépassant pas 3 mètres. Il est donc erroné d’affirmer que les musulmans ont lapidé un obélisque pendant 1400 ans. Voici quelques photos :


- En 1383H (1963 de l’ère chrétienne), suite à l’augmentation continuelle du nombre de pèlerins, l’Arabie Saoudite décide de construire un étage afin que les pèlerins puissent lapider sur une plus grande surface encore. L’espace autour des stèles étant en pente, les pierres jetées au niveau supérieur tombent elles aussi dans le bassin, la lapidation est donc valable. La stèle gagne en hauteur afin qu’elle puisse être visible à l’étage supérieur. Des aménagements et agrandissements successifs sont réalisés, et en 1395H (1974 de l’ère chrétienne), un pont est construit afin de faciliter les allées et venues des pèlerins et l’espace autour des stèles est élargi à l’étage supérieur. Voici une photo de l’étage supérieur de l’édifice :


- En 1426H (2005 de l’ère chrétienne), 250 pèlerins meurent d’étouffement et d’écrasement suite à un agglutinement autour de la plus grande des 3 stèles : l’Arabie Saoudite décide d’entamer une réflexion au sujet d’un agrandissement plus conséquent.

Il est ainsi décidé de transformer la stèle en mur et de donner une forme ovale à l’édifice afin de permettre à un plus grand nombre de personnes de se regrouper autour. De la même façon, même si le bassin n’est plus rond, sa forme permet de faire tomber toutes les pierres au même endroit, ce qui ne nuit donc pas non plus à l’accomplissement du rite de la lapidation. En cliquant ici, vous pourrez consulter le résumé de l’étude scientifique menée à cette occasion.

Voici donc des photos des Jamarât dans leur forme actuelle :


En conclusion, nous pouvons affirmer que les Jamarât n’ont jamais été des obélisques représentant la lapidation de Satan, ni du temps du Prophète صلى الله عليه وسلم, ni jusqu’au 20ème siècle. C’est d’ailleurs l’Arabie Saoudite elle-même qui a procédé à l’élévation en hauteur de ces édifices, afin d’en faire des obélisques. L’hypothèse selon laquelle les Saoudiens auraient détruit « le symbole de la lapidation de Satan » ne peut donc pas être plausible, puisqu’ils ont eux-mêmes bâti ces obélisques !

Concernant la stèle présente sur la montagne de ‘Arafah :

- Elle n’existait pas non plus à l’époque du Prophète صلى الله عليه وسلم . L’année de sa construction n’est pas identifiée, et rien ne prouve qu’elle ait été bâtie sous gouvernance saoudienne. Il semblerait qu’elle ait été érigée afin d’être un point de repère pour les pèlerins, qui peuvent ainsi identifier l’endroit précis de « Jabal Ar-Rahmah » (« le Mont de La Miséricorde »), tout comme les 3 stèles de Mina ont été construites afin d’identifier l’emplacement des Jamarât.

- Les Savants saoudiens, se réclamant de l’héritage scientifique légué par Muhammad Ibn ‘Abd Al Wahhâb, ont à plus d’une reprise mis en garde la communauté musulmane contre les actes de polythéisme commis à cet endroit. En effet, de nombreuses personnes s’y rendent en croyant par exemple que le fait de passer leurs mains ou leurs vêtements sur cette stèle va leur apporter des bénédictions. Ceci est une pratique que l’Islam condamne avec vigueur. Voici par exemple les propos de Shaykh Al-Outhaymîn sur le sujet :
يستقبلون الجبل جبل عرفة عند الدعاء ولو كانت القبلة خلف ظهورهم أو على أيمانهم أو شمائلهم ، وهذا خلاف السنة ، فإن السُّـنَّة استقبال القبلة كما فعل النبي صلى الله عليه وسلم

« Ces gens se dirigent vers la montagne de ‘Arafah afin d’adresser leurs invocations, même si la Qiblah se trouvent derrière eux, sur leur gauche et sur leur droite, et ceci est en contradiction avec la Sounnah. La Sounnah impose en effet de se diriger exclusivement vers la Qiblah, comme l’a fait le Prophète صلى الله عليه وسلم»

- Les gens de science mandatés par l’Etat Saoudien lui-même mettent en garde contre ces pratiques. Sur le forum du site « al-islam.com », géré par le Ministère des Affaires Islamiques d’Arabie Saoudite, le Docteur Muhammad Ibn ‘Abd Al-‘Aziz Al-Khoudayr, chargé de répondre à la question d’une personne s’interrogeant sur cette pratique, a répondu de la sorte :

« Certains pèlerins ne se contentent pas seulement de chercher des bénédictions en touchant la stèle, elles font également ceci avec les pierres de la montagne. Il n’y a aucun doute sur l’interdiction de cette pratique qui consiste à toucher et à chercher des bénédictions dans les pierres de cette montagne, et il n’est d’ailleurs même pas légiféré de monter dessus. Il incombe à celui qui voit des pèlerins accomplir cet acte de les conseiller, de leur indiquer avec douceur et sagesse que cette pratique est interdite, et de leur expliquer quel est le jugement de l’Islâm à ce sujet. En effet, cet acte n’est généralement accompli que par pure ignorance. »
(Source consultable ici)

- Des voix s’élèvent même à l’intérieur du royaume pour exiger de l’Etat la destruction de cette stèle, non seulement car elle n’existait pas au temps du Prophète صلى الله عليه وسلم, mais aussi du fait des actes de polythéisme qui y sont accomplis. A ce sujet, voici un article de la chaîne Al-Arabiyah, agrémenté d’un reportage vidéo pouvant être visionné ici.

- Parmi ceux qui réclament la destruction de la stèle, on compte notamment le « Comité de la Promotion du Bien et l’Interdiction du Blâmable » (هيئة الأمر بالمعروف والنهي عن المنكر), la « Police religieuse » du Royaume, qui se situe également dans la lignée de Muhammad Ibn ‘Abd Al-Wahhâb, et que ses détracteurs nomment volontiers « police wahhabite ». Ses dirigeants ont directement interpellé les autorités saoudiennes ainsi que le Moufti, comme cela est mentionné dans cet article.

En résumé :

- La présence de la stèle de ‘Arafat n’a strictement rien à voir avec l’idéologie abusivement nommée « wahhabisme ». En effet, Muhammad Ibn ‘Abd Al-Wahhâb lui-même s’est érigé contre toutes les formes, directes ou indirectes, de polythéisme (shirk), et notamment la pratique consistant à rechercher des bénédictions au contact de pierres, d’arbres, des tombes, … Ce positionnement, dans la droite lignée du monothéisme abrahamique exigeant de ne rendre de culte qu’à Allâh et de ne placer aucun intermédiaire entre Lui et Ses serviteurs, lui a d’ailleurs valu d’être la cible de tous ses détracteurs, jusqu’à notre époque.

- Contrairement à ce que l’on peut s’imaginer, l’avis des Savants d’Arabie Saoudite, qui se réclament eux-mêmes de l’héritage de Ibn ‘Abd Al-Wahhâb, est de moins en moins pris en considération par l’Etat Saoudien. De nombreux décrets religieux (fatâwâ) ont été émis par ces Savants, et n’ont absolument pas été mis en application par l’Etat. Outre l’exemple de la stèle de ‘Arafat, ces Savants se sont également érigés contre la présence dans le royaume des banques pratiquant l’usure, contre la franc-maçonnerie et ses ramifications dans les pays musulmans, contre l’invasion de l’Afghanistan ou de l’Irak par les forces américano-sionistes, etc.

S’il est vrai que du point de vue historique, le mouvement de Muhammad Ibn ‘Abd Al-Wahhâb a donné naissance au 1er Etat Saoudien, 2 états ont succédé à ce dernier. L’Etat Saoudien actuel n’est que le 3ème, il se revendique effectivement du « wahhabisme », mais il contredit ce mouvement sur bien des aspects. Il y a donc un nécessaire découplage à effectuer entre le « wahhabisme » d’une part, et l’Arabie Saoudite d’autre part.

Nous espérons avoir apporté à notre frère Salim, mais aussi à tous nos lecteurs, un bref éclairage sur le sujet des « Jamarât », de la stèle de ‘Arafat, et sur la réelle nécessité de juger le « wahhabisme » dans la balance du Livre d’Allâh et de la Sunnah de Son Messager صلى الله عليه وسلم, et non pas sur les diverses positions de l’Etat Saoudien, que nous ne partageons pas sous bien des aspects.
Source : Collectif Amanah

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