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14 sept. 2013

Réflexion sur la servitude salariale

Puisqu’une référence à la Seconde Guerre mondiale est devenue obligatoire – devoir de mémoire oblige – une réflexion s’impose : Arbeit macht frei. Le travail [1] rend-il libre ? Question volontairement provocatrice – qui rappelle évidemment selon la formule consacrée les heures les plus sombres de l’histoire – mais fondamentale dans une période historique où les concepts de croissance, de pouvoir d’achat et de chômage sont omniprésents dans la rhétorique politique.

Afin de lever toute ambiguïté, il convient – quand même [2] – de distinguer travail et salariat, deux notions trop souvent confondues. Le travail, « nécessité physique de la vie humaine [3] », a une dimension universelle, anthropologique et historique incontestables. Il ne s’agit en aucune manière de le remettre en question [4]. Cependant, le travail, notion protéiforme, recouvre de multiples réalités. Quel est le dénominateur commun entre un agriculteur, un publicitaire, un professeur de philosophie, un technicien de surface, une péripatéticienne et un banquier ? A priori, pas grand chose.

« L’anodin est le révélateur de l’essentiel [5] » ; du licenciement par SMS jugé légal par la cour de cassation à la probable légalisation de la gestation pour autrui, la question du travail se révèle pleine d’enjeux. « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distingo qui est choquant », déclarait le progressiste Pierre Bergé. L’épineuse question du travail occupe une place de plus en plus prépondérante dans nos sociétés modernes. Le personnel politique ne cesse de se gargariser avec la sacro-sainte « valeur travail » [6]. Mais de quel travail parle-t-on ?

Exclusivement abordée du point de vue quantitatif – taux de chômage, temps de travail, salaire – mais jamais du point de vue qualitatif – sens donné au travail, éthique du travail – cette approche donne lieu à des débats biaisés et bien souvent démagogiques. Après cette litanie de lieux communs sur le travail, concentrons-nous sur le salariat et ses perspectives.

I. La domination par le salariat

Le salariat doit être envisagé, à sa genèse, à travers la société industrielle. Il prend naissance avec le capitalisme manufacturier et la division du travail. Toutefois, ledit salariat subit de profondes transformations. Il est en voie de disparition de par, primo, les (r)évolutions technologiques [7] – mécanisation, robotisation – secundo, les délocalisations, conséquence logique du libre-échange généralisé [8] et tertio, la mutation d’un capitalisme industriel à un capitalisme financier moribond. Résultat prévisible et escompté : destruction d’emploi, rareté du travail et permanence du chômage de masse.

Notons le symptomatique changement sémantique : des termes « métier » et « profession » utilisés autrefois, nous sommes passés aux concepts très modernes de « job » et « boulot ». Le pullulement des emplois à temps partiel, la précarisation croissante du marché du travail, la dégradation des conditions de travail et l’accroissement des écarts de revenus sont des signes pour ceux qui ont réussi à sauvegarder une capacité critique minimale.

Propédeutique à l’anxiété et à l’insécurité, la pérennité du chômage de masse constitue une arme du patronat redoutablement efficace. Pernicieuse stratégie conçue pour favoriser la docilité et la productivité du salarié, qui, articulée avec une flexibilité du marché du travail, produit un travailleur soucieux de sauvegarder son emploi. En d’autres termes, un salarié obéissant.

Ajoutez à cela les pathologies sécrétées par le travail et les turpitudes de la vie moderne et vous obtenez des personnes psychotiques – schizophrénie, paranoïa, mélancolie, culpabilité – ou des personnes névrotiques – hystérie, névrose obsessionnelle, phobie et angoisse – nourries aux psychotropes produits et vendus par le très altruiste lobby pharmaceutique.

Il apparaît donc essentiel de souligner que la question du salariat – de son abolition ou de sa mutation profonde – doit être articulée avec une critique virulente et radicale du capitalisme et de ses corollaires : nécessité d’une croissance illimitée dans un monde fini – soit l’accumulation du capital déconnecté des réalités écologiques – augmentation du pouvoir d’achat – soit la redistribution des rognures au manant afin qu’il consomme ce que l’industrie publicitaire lui exhorte d’acheter – et la lutte contre le chômage – soit l’extension généralisée de la servitude volontaire. Panorama optimiste.

Sortir du salariat s’impose donc comme une nécessité individuelle puisque celui-ci est synonyme d’exploitation – par l’extorsion de plus-value – et d’aliénation – par l’aspect dégradant et avilissant de certaines tâches. Personne ne peut affirmer avec sérieux que le travail à la chaîne et la division du travail – produits par le fordisme et le taylorisme – la téléprospection ou la mise en rayon dans la grande distribution permettent à un individu de s’épanouir. Mais sortir du salariat s’impose aussi comme une nécessité collective dans la mesure où sa sortie s’entend comme un acte subversif quand elle est articulée autour d’une logique globale décroissante.

II. Vers une société post-salariale

Arrêter de travailler. Inavouable fantasme universellement partagé ou tabou moderne intransgressible ? D’emblée, la figure de l’assisté paresseux et oisif s’impose comme une évidence. Puis vient son corollaire : la décroissance, soit la baisse significative de la consommation de produits marchands superflus condamnés par l’obsolescence programmée. Ça y est, vous pensez à un hippie, post-soixante-huitard, très peu exigeant sur son hygiène personnelle et ayant un goût prononcé pour les stupéfiants. Un effort d’imagination semble nécessaire. Développer le droit à la paresse. Il y a une vie sans le salariat.

Arrêter de travailler, c’est aussi dégager du temps pour soi et pour les autres. Lire, dessiner, contempler, se cultiver, s’engager dans la vie de la cité, cuisiner, profiter de sa famille, apprendre à ne rien faire, ne plus passer son temps à lutter contre celui-ci, forniquer, reprendre des études… Vivre, tout simplement. Sortir du carcan libéral et consumériste : la consommation généralisée et l’industrie des loisirs. Dépasser le paradigme social-démocrate : le compromis capital-travail et la nouvelle temporalité des sociétés post-industrielles : temps de travail, temps de transport et temps de loisirs qui ne peuvent que produire du salarié-consommateur.

L’avènement d’un salaire ou d’une allocation universelle qui permettraient de refuser le travail dégradant, avilissant, et de mettre un terme au chantage à l’emploi ne doivent pas être balayés d’un revers de main. Détacher le revenu de l’emploi [9] est sans doute un élément de réponse dans nos sociétés post-salariales.

Les perspectives sociales à venir sont les standards chinois et indiens, dans l’hypothèse fort probable du maintien de l’économie de marché, du libre-échange, de l’absence de régulation économique et financière et de frontière économique. Compétitivité et concurrence internationale demeurent la norme. Standards qui semblent impossibles à imposer dans un cadre de démocratie représentative – qui désigne en vérité un système oligarchique – mais envisageables dans un cadre dictatorial. Dans un pays où la moyenne d’âge est de plus en plus élevée, l’âge moyen étant de 40 ans, ce peuple de quadragénaires est-il encore susceptible de se soulever ou convient-il de penser une révolution post-moderne ?

Brûler sa carte d’électeur, utiliser sa carte de crédit différemment. Nous sommes réduits au statut de consommateur ; l’insoumission est de ne plus consommer ce que nous sommes sommés d’acheter. Le fascisme contemporain c’est la société de consommation, la propagande publicitaire, la banque… Soyons des antifascistes conséquents.

Par Raf Ou Pas, Pote à Pote Grand Lyon
Source : maisondespotes69.wordpress.com

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