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11 juin 2013

Scandale Prism : comment le Guardian a grillé le Washington Post

Jeudi soir, le Guardian et le Washington Post révélaient que la National Security Agency (NSA), une des principales agences fédérales américaines de renseignement, fouille directement dans les e-mails, documents, photos, vidéos et autres données privées gérées par Facebook, Google, Microsoft, Yahoo, PalTalk, AOL, Skype, YouTube et Apple via un programme de surveillance appelé Prism.

Edward Snowden alias « Verax », la source de cette info – un technicien en sécurité informatique de 29 ans qui travaillait depuis quatre ans comme contractuel à la NSA –, était en lien avec le Washington Post depuis deux semaines quand le scandale Prism est sorti dans... le Guardian, et le Washington Post. Le quotidien américain s’est donc fait « griller » par les Britanniques qui, les jours suivants, ont gardé la main en publiant toutes les preuves et les exclus.

Que s’est-il passé entre le lanceur d’alerte Snowden et les deux médias anglo-saxons ?

1 Les conditions de Snowden posaient problème au Washington Post

Dans un échange électronique avec les journalistes Barton Gellman et Laura Poitras (Washington Post), Snowden donnait, à la mi-mai, ses conditions pour divulguer les informations qu’il détenait. Il exigeait :
que soit publiées, dans les 72 heures, les 41 diapositives du document PowerPoint décrivant le fonctionnement de Prism ;
et que soit insérée, avec la publication, une clé cryptographique destinée à prouver aux ambassades étrangères qu’il est bien la source du document.

Les journalistes répondent à Snowden que le Post ne ferait pas de garantie sur ce qu’il publierait ni quand il le ferait. Ils voulaient d’abord assurer leurs arrières.

Par mesure préventive, le journal est allé demander l’avis des autorités gouvernementales sur les conséquences possibles de la divulgation de ses informations, notamment en ce qui concerne la sécurité nationale. Snowden a alors dit aux journalistes qu’il « regrettait qu’ils n’aient pas été en mesure de respecter les conditions qu’il avait demandées », notamment en contactant le gouvernement américain.

« Quid des menaces légitimes à la sécurité nationale ? », réplique Gellman dans l’échange d’e-mails. Ce à quoi Edward Snowden répond :


« Nous avons réussi à survivre à de bien pires menaces dans notre histoire […] que quelques groupes terroristes désorganisés et des Etats voyous sans faire appel à ce type de programme.

Ce n’est pas que je ne donne aucune importance au renseignement, mais je m’oppose [...] à une surveillance de masse omnisciente et automatique […] qui est selon moi une plus grande menace aux institutions de la société libre que de produire des rapports de renseignement erronés. »

2 Snowden ne voulait pas que les informations restent entre les mains du gouvernement

Les dons politiques de Snowden offrent une piste pour mieux comprendre l’attitude du lanceur d’alerte :
durant la campagne présidentielle de 2012, il a donné 500 dollars (380 euros) à Ron Paul, candidat libertatien qui prône un Etat minimal et s’oppose à toute forme d’intrusion du gouvernement dans la vie privée des citoyens ;
en 2010, il a donné 3 600 dollars (2 730 euros) à Maurice Hinchey, représentant démocrate au Congrès américain qui est l’auteur d’un rapportaccablant sur les liens entre la CIA et Pinochet lors du coup d’Etat de 1973 au Chili.

Snowden est donc partisan de la transparence et contre le contrôle de la vie privée par les gouvernements. Il confie au Post qu’il est conscient de la valeur des informations qu’il détient sur le programme Prism, mais qu’il ne souhaite pas les transmettre à un gouvernement étranger.

Il se tourne donc vers Glenn Greenwald, avocat et journaliste américain défenseur des libertés individuelles et du droit à l’information, dont le blog est hébergé par le Guardian.

Selon Greenwald, interviewé par le New York Times, Edward Snowden était l’un de ses lecteurs et l’aurait contacté car il « connaît mes opinions [contre l’accès aux données persos par les Etats, ndlr] et savait comment je présenterais ces informations », sous-entendu : ils partagent la même vision libre de l’information et Snowden sait que Greenwald ne trahira pas sa démarche.

3 Le Washington Post pris de court

Si l’affaire Prism est d’abord publiée sur le site du Washington Post le jeudi 6 juin à 17h43 (ce qui a fait dire à The Atlantic Wire que c’est le journal américain qui a gagné la course aux breaking news), l’exclusivité n’aura duré qu’une vingtaine de minutes. A 18 heures, Glenn Greenwald et Ewen MacAskill, chef du bureau du Guardian à Washington, publient à leur tour les détails entourant le désormais célèbre programme informatique.

Mais les espoirs de Gellman et Poitras, du Washingon Post, de sortir la nouvelle en solo s’étaient envolés en fumée la veille, alors que le duo Greenwald-MacAskill dévoilait dans le Guardian un document confidentiel de la justice américaine démontrant que celle-ci contraignait la société de télécommunicationVerizon à fournir des informations à la NSA.

Comment le Guardian avait-il obtenu ce document ? En fait, si Edward Snowdenéchangeait encore quelques mots avec les journalistes du Washington Post via des canaux protégés, il a passé plusieurs jours à révéler au Guardian nombre d’informations et de détails sur l’affaire.

Dans une interview au Huffington Post, Barton Gellman du Washington Post confirme qu’il était alors clair pour son journal que le programme Prism ne serait plus un secret bien longtemps :

« Nous aurions été heureux d’avoir une journée ou deux de plus pour peaufiner l’histoire, mais pour des raisons de compétition il fallait faire un forcing pour sortir l’information. »

4 Plus proche du libéral Guardian

En préparant le terrain la veille avec la publication du document liant la NSA et Verizon, le Guardian avait donné le « la », qu’il n’a toujours pas perdu depuis.

Selon le Washington Post, Snowden a même demandé à ce que ce soit le Guardian, donc Greenwald, qui révèle son identité. Il ne faut donc pas sous-estimer, dans toute cette saga, l’importance de la relation entre Snowden et Greenwald. Celle-ci est basée sur les convictions libertariennes des deux hommes, convictions que ne partage pas, historiquement, la direction du Washington Post.

C’est peut-être même la raison principale pour laquelle Snowden a accepté de se livrer au Guardian, en dépit du fait que, tout comme le Post, le journal n’a publié que 4 diapositives sur les 41 que demandait le lanceur d’alerte.

source : http://www.rue89.com

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