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6 juin 2013

Manuel Valls, sa sœur et la drogue.

VIDEO. Manuel Valls, sa soeur et la drogueAu sein de la famille du ministre de l'Intérieur, si importante pour lui, existe une figure qui faillit être brisée par la drogue: Giovanna, sa cadette. Dans Manuel Valls. Les secrets d'un destin, elle parle pour la première fois. 

Manuel Valls est du pays de son enfance. Espagnol naturalisé à l'âge adulte, il a sculpté son identité dans le bois de ses origines, ce chêne catalan opaque et dense, et plus encore dans son arbre généalogique, avant de la durcir au feu de la politique française. Plus qu'une affaire de passeport ou de culture, il s'agit là d'une question d'intimité.



La famille est, chez Valls, fondatrice du ministre. C'est ce que l'on conclut au sortir de la biographie, empathique mais fouillée, signée par Jacques Hennen et Gilles Verdez, dont le principal intérêt est l'exploration de la tribu. 



En effet, si le parcours politique apparaît comme celui d'un ambitieux classique, carnassier quand il le faut et cérébral quand il le veut, le chemin de l'homme est inédit, avec ses blessures secrètes et ses parts d'ombre. Ainsi, aux côtés de la mère, suisse et italienne donc doublement protectrice, et du père, émigré et artiste donc doublement fragile, surgit une figure dont on ignorait l'existence : Giovanna, soeur cadette passée par le tunnel de la drogue. Ses égarements et ses souffrances ont aussi, d'évidence, nourri le corpus de valeurs de Manuel Valls, cet homme de droite de gauche... Christophe Barbier 

EXTRAITS 

"J'ai coupé mes cheveux car ils tombaient à cause de mon traitement. Je ressemble à Manuel, comme ça, non?" Giovanna Valls Galfetti, la soeur du ministre de l'Intérieur, sourit, à l'entrée de la maison familiale dans laquelle elle vit à Horta [NDLR : quartier de Barcelone]. Un sourire qui transperce: le sourire de l'âme, celui des rescapés, celui de ceux qui sont partis, très loin, avant de revenir in extremis dans le monde des vivants. 

Giovanna, née en 1963, a connu l'univers des "zombies", affronté ses chimères. Ses yeux translucides reflètent la violence de son expérience. Elle nous rappelle la fragilité de l'existence: "J'avais le choix entre vivre et mourir. J'ai réfléchi toute une nuit et au matin, j'ai pris ma décision. Je voulais vivre." Le ministre veille à distance sur sa cadette. Dès qu'il évoque Giovanna - "J'ai une soeur qui a seulement seize mois d'écart avec moi" -, la voix de Manuel Valls change, mélange d'émotion et de pudeur: "Giovanna s'en est sortie, elle va mieux désormais. Elle est très belle et a retrouvé le sourire. Quand vous la voyez, vous n'imaginez pas qu'elle a 50 ans." 

Ce mercredi à Barcelone, tranquillement installée dans son salon, devant deux hautes armoires, Giovanna nous raconte son histoire bouleversante, celle d'une jeune fille expansive, frivole, si heureuse sur les photos du début des années 1980, avant d'être brisée par l'amour. "J'avais 20 ans quand un homme m'a fait du mal. Et j'ai eu la malchance en 1984 de me retrouver devant une ligne d'héroïne aussi longue qu'un serpent. C'était la première drogue que j'ingérais. L'héroïne a accroché mes neurones. Ça a duré neuf mois. J'ai eu envie de vivre, alors j'ai quitté Paris en août 1985 pour me désintoxiquer. Je devais m'éloigner de ce qui me tuait petit à petit." [...] 

Manuel Valls n'a rien oublié non plus de ces mois dramatiques de 1984: "Une rupture amoureuse, de celles qui peuvent toucher n'importe quel adolescent, a fait plonger Giovanna." Avec le recul, il pense que Barcelone a sauvé sa soeur, malgré tant de souffrances: "On a cru que cela allait bien se passer quand Giovanna est partie à Barcelone. En fait, non. En 1985, cela a été très difficile, avec des périodes de rémission, mais le corps ne suivait pas. Elle sombrait." [...] 


J'étais restée quinze ans sans toucher à la drogue 

Ses démons et la "mortelle amie", l'héroïne, resurgissent, par surprise. "A 35 ans, je vivais avec un alcoolique qui m'humiliait. J'étais fragile à force de me faire insulter, déprimée, dans une situation poignante qui me vidait. Je suis retombée dans l'héroïne. Et je suis allée dans un "supermarché" de la drogue qui n'existe plus, là où des Gitans en vendaient. J'ai tendu mon bras, je le revois encore ce bras, on m'a fait un shoot. J'ai eu une overdose et fini à l'hôpital. Mes neurones se sont accrochés à l'héroïne. J'étais restée quinze ans sans toucher à la drogue mais là, je me suis shootée pendant cinq, six, dix ans. Je suis devenue junkie, marginale, un fantôme, dans une ambiance Rolling Stones ou Freddie Mercury. Et sachez que je n'ai jamais pris mon pied en me droguant." 

Durant cette "période obscure", Giovanna commet quelques vols de vêtements griffés et les revend à un Pakistanais "pour survivre". Interpellée, elle ne peut pas payer les amendes et séjourne plusieurs fois en prison. Cinq mois au total. "Un jour, j'ai fait des analyses. J'ai reçu les résultats, ma mère était là. J'ai compris que j'étais infectée par le sida et l'hépatite C. J'ai pris cela froidement." Giovanna devient "presque un cadavre, très malade" : "La drogue te domine, tu ne vis que par elle. [...] Manuel a tenu ma main et m'a dit: "Fais quelque chose." Un soir, j'ai mis sur la balance d'un côté l'héroïne, de l'autre ma vie. Toute la nuit, je me suis dit: "Je me shoote ou je vis." J'ai jeté l'héroïne, j'ai eu foi en moi, en Dieu, en la vie. C'était ma guerre, c'est ma victoire." [...] 


Je me suis demandé si Manuel n'allait pas faire le séminaire 

Elle sert le café, alors que les rayons du soleil atteignent le jardin. "Je l'entretiens, j'en prends soin." Deux mandariniers, un tilleul, d'innombrables plantes, aussi. Giovanna est revenue s'installer ici il y a cinq ans. "Il y a tant de souvenirs... Quand nous étions petits, Manuel et moi, nos parents nous permettaient de "sauter" les derniers jours de juin à l'école pour passer trois mois pleins ici. Nous nous rendions parfois à Majorque. On avait alors des Lego, mais Manuel jouait aux cow-boys et aux Indiens dans le jardin. Il installait son Far West à lui. Et, croyez-moi, il la gagnait, la guerre! Il était réservé, couche-tôt et lève-tôt, lisait énormément, adorait les échecs. J'ai toujours su qu'il triompherait, qu'il irait très loin. Cela ne m'a pas surprise qu'il choisisse la politique. A 16 ans, son ego était déjà haut. Il avait besoin de sa propre passion après avoir vécu celle de la peinture avec mon père. Il voulait combattre et réaliser quelque chose d'important." Giovanna laisse filer quelques secondes. Puis livre une confidence : "Nous allions à la messe le dimanche. Je me suis demandé si Manuel n'allait pas faire le séminaire. Mais cela s'est arrêté. Il est entré au PS. Il y a des années, j'ai dit: "Il sera président". J'en suis convaincue. Il possède toutes les qualités d'un homme politique: autoritaire, ambitieux." [...] 

Si le frère et la soeur empruntent des itinéraires éloignés, le contact ne se rompt jamais. A Noël, à Pâques, lors des fêtes familiales, Manuel et Giovanna se rejoignent. Ils se téléphonent souvent, aussi. "Notre intimité est restée la même", certifie-t-elle. Manuel Valls confirme la solidité de ce lien du sang: "Nous avons longtemps été très proches, tous les deux, et avec nos parents aussi. Nous étions un garçon et une fille totalement différents. Depuis trente ans, je la vois peu. Nos parcours de vie sont dissemblables. Nous sommes restés proches sans nous parler et en nous voyant de moins en moins. Elle a été malade mais a tout affronté. Giovanna dispose d'un tel courage, d'une telle force en elle, la même que j'ai en moi, mais pour d'autres choses. Elle affronte la maladie, les difficultés. L'être humain possède en lui le pire mais aussi des ressources extraordinaires. Je n'ai pas la foi et je ne suis pas religieux, mais je pense souvent au visage du Christ, Dieu fait homme." 
La renaissance par l'écriture

Manuel Valls a lu récemment le texte poignant que Giovanna a écrit lors de son séjour au Brésil. Au fil de son introspection, elle a tenu un journal. Le récit de son combat pour la vie, de son voyage au bout d'elle-même, qu'elle n'exclut pas de publier. Son titre : Ma cabane, avec trois parties: "La Nuit", "L'Aube", "Le Jour". Giovanna estime que "cela peut aider des familles". 

Ce manuscrit symbolise une renaissance. "Grâce à son livre, grâce aussi à une existence davantage équilibrée, ma soeur est en train de revivre. Et pour ma mère, aujourd'hui, le fait que Giovanna aille mieux, c'est aussi une manière de revivre." L'homme d'Etat que Manuel Valls incarne, désireux de présider un jour au destin de la France, s'est construit une carapace impénétrable et inviolable. "C'est vrai, moi, je me protégeais, je devais totalement me protéger, je ne pouvais pas faire autrement. Je ne me suis pas occupé de Giovanna directement, je ne le voulais pas et je pense qu'elle ne l'aurait pas accepté, qu'elle l'aurait mal vécu. Je ne pouvais pas être d'une grande utilité, car Giovanna le ressentait comme quelque chose d'humiliant. On a toujours gardé un lien affectif, ça n'a pas été facile. Je n'ai jamais rompu, j'ai aidé mes parents autant que possible." [...] 
L'hommage poignant de Manuel à sa soeur

La vérité, mais Manuel Valls ne l'avouera jamais, il estime ne pas en avoir le droit, est que le destin de Giovanna constitue à la fois une grande histoire d'amour familial, peut-être la plus belle, mais aussi une douleur indicible qui a façonné certains aspects de sa propre personnalité. Luisa [Luisangela Galefetti, leur mère] mesure l'intensité de la relation entre ses deux enfants : "Giovanna aime beaucoup Manuel. Il y a très peu de différences entre eux, même si leurs chemins se sont séparés à l'adolescence. Manuel a beaucoup souffert de la situation de Giovanna. Il nous a vus malheureux, nous, ses parents. Ma fille a échappé aux difficultés grâce à son immense volonté. C'est merveilleux de la voir avec cette foi dans la vie. Elle est très intelligente, très sensible, se raccroche à l'existence." Luisa... Giovanna lui est tellement reconnaissante : "Ma mère est spéciale, elle ne renonce jamais." Manuel le confirme : "Mes parents ont été inouïs avec Giovanna. Ils ont été totalement pris, dévorés de l'intérieur par la situation de leur fille. Mon père a un jour baissé les bras parce qu'il aimait ma soeur plus que tout, c'était sa fille. J'ai une fille et je sais de quoi il s'agit. Vous comprendrez le regard de mon père à travers les tableaux qu'il a peints de ses enfants. Il a vu sa fille se détruire, et il a vu que ma mère pouvait se détruire. L'amour maternel parlait et elle était aspirée vers le gouffre. Mais en même temps, heureusement, elle était là pour elle, tout le temps." [...] 

L'hommage que Manuel Valls rend à sa soeur est poignant : "Le plus beau, c'est que Giovanna s'est occupée de mon père alors qu'il était en train de partir. Son cancer est allé très vite. Elle a été merveilleuse avec lui. J'ai vu mon père une semaine avant sa mort et il me l'a dit : "Tu as vu comment ta soeur a été formidable avec moi?'" 

Lorsqu'elle prend connaissance des propos de son frère, Giovanna, émue, évoque un autre moment: "Je me souviens de l'appel de Manuel quand il a été nommé ministre de l'Intérieur. Il m'a dit : "Dommage que papa ne soit pas là.'" Après le décès de son père, Giovanna "s'accroche". "Depuis huit ans, je mène une vie normale." En 2012, les médecins espagnols d'un des meilleurs hôpitaux au monde proposent à Giovanna un traitement pour éradiquer l'hépatite C. "C'est très dur. J'en parle à Manuel, j'évoque la chimiothérapie à venir et je lui demande : "J'ai besoin de savoir si, vous tous, vous m'accompagnez." Il me répond : "Oui, bien sûr !'"  

Pendant neuf mois, Giovanna suit ce traitement, couronné de succès, même si le protocole doit se poursuivre jus- qu'au 25 juin 2013. "L'hépatite a été vite éradiquée, j'ai un virus de moins." Début 2013, Giovanna rend visite à Manuel et à sa mère à Paris, pendant douze jours. "Je me suis rendue au ministère, j'ai dîné avec Manuel et les enfants. Mon frère était tellement content de me savoir en forme. Il m'a déclaré : 'Tu es guérie!' Je reste vigilante avec une épée de Damoclès au-dessus de moi. J'ai vu des amis mourir du sida et de la drogue. Il me faut une discipline, un rythme. Certains affirment que je renverse des montagnes. En tout cas, j'ai retrouvé ma dignité de femme et ne me laisserai plus jamais battre par un homme." [...] 

Giovanna est d'accord avec la position très ferme du ministre de l'Intérieur sur la drogue: "Il a vu les ravages qu'elle cause. Le mal de la drogue, ce n'est ni le drogué ni le dealer, cela va beaucoup plus loin. Cela représente des sommes folles. Il ne faut pas non plus légaliser la marijuana. Ce serait terrible. Je suis contre." Giovanna conclut en s'adressant à distance à Manuel: "Il ne m'a jamais dit en face tous ces mots si touchants qu'il exprime. J'ai un frère, il est ministre de l'Intérieur de la France. Cela pèse, c'est lourd. Mais il est satisfait, heureux." Giovanna aussi semble heureuse, désormais. 

Source : L'express. 

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