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10 avr. 2013

Marchander chez son médecin, c'est possible !

Entre la Sécu qui se désengage, les mutuelles qui augmentent et les toubibs qui multiplient les dépassements d'honoraires, certains patients ont appris la leçon et n'hésitent plus à négocier le prix des soins.

Une ristourne de 150 € sur une prothèse de hanche, - 50 % sur une opération de l'épaule. Bientôt, pourquoi pas, une cataracte offerte pour une achetée... La santé n'a pas de prix, dit-on, mais elle se négocie ! Puisque les patients sont aujourd'hui pris pour des clients par leur toubib, ils n'hésitent plus à discuter, voire à marchander. Dans les cabinets médicaux, entre la description des symptômes et le plan de traitement, on parle gros sous. «Ça fait moche de réclamer, reconnaît Patricia, une retraitée bordelaise. Mais...» Fin 2012, son époux subit une opération de la prostate. Le chirurgien lui facture un dépassement d'honoraires, ainsi qu'une très subjective «prime de notoriété», estimant que son simple nom vaut bien 300 € de plus. 

Parce que «ça tombait mal à ce moment-là», et parce qu'elle en voulait à son mari de ne pas avoir refusé en amont, Patricia écrit un mail au chirurgien pour lui détailler sa situation financière et lui demander de surseoir à son dépassement. Commencent alors des pourparlers que ne renierait pas un marchand de tapis. Patricia conteste une première fois. Le toubib propose un paiement échelonné. Patricia conteste une seconde fois. Le toubib annule ses compléments d'honoraires. «Ça vaut le coup de discuter, glisse la retraitée. Les médecins sont des êtres humains, ils peuvent comprendre.» 

Il y a quelques années déjà, la même Patricia avait obtenu, au culot, un tarif moindre chez un médecin, en faisant remarquer que le patient précédent, avec qui elle discutait dans la salle d'attente, avait payé moins cher. «Les patients savent maintenant que les tarifs des médecins qui exercent en secteur 2 ne sont pas figés. Ils comparent les prix de plusieurs médecins, osent négocier, note Marc Paris, du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss). Chez les dentistes, ils négociaient déjà depuis quelque temps. Il semble que, désormais, avant une opération chirurgicale, quand la somme est importante, les patients discutent aussi.» 

La crise est passée par là. Entre une Sécu qui se désengage toujours plus, des franchises qui se multiplient et des médecins «dépasseurs» qui ont eux-mêmes fait de la santé une marchandise en tirant sur la corde des honoraires, les Français sont à la peine pour se soigner. En 2010, un médecin sur quatre facturait un complément d'honoraires. La grande majorité des chirurgiens (85 %) et la moitié des ORL, ophtalmos et gynécos pratiquent des tarifs libres. Leur dépassement moyen est passé de 25 % du tarif de la Sécurité sociale en 1990 à 54 % en 2010, sous le regard bienveillant des pouvoirs publics qui n'ont pas revalorisé certains actes médicaux depuis trente ans, préférant se décharger sur les ménages. De quoi peser lourdement sur le budget santé des Français et les pousser à adopter une approche consumériste. Selon une étude de l'UFC-Que choisir, «quand une personne consacrait 407 €€ à se soigner en 2001, elle en consacrera 618 € sept ans plus tard». 

«En trente ans d'exercice, c'est la première fois que la crise économique a un retentissement sur mon activité, assure le Dr Jacques Caton, chirurgien orthopédique à Lyon. Les patients retardent leurs soins, hésitent à se faire opérer, voire annulent leur opération. Ils demandent à payer en plusieurs fois, nous disent qu'ils n'ont pas les moyens. C'est devenu une pratique courante et relativement nouvelle. On s'adapte à leur situation, sinon ils renoncent à se soigner.» 

«Il y a un changement dans le comportement des patients. Depuis quatre ou cinq ans, quand j'envoie un malade chez un confrère, il me demande combien ça va lui coûter, quel sera son reste à charge», confirme le Dr Jean-François Rey, gastro-entérologue et président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (Umespe). Longtemps taboue, la question de l'argent fait désormais partie intégrante de la consultation médicale. Les malades n'ont plus peur d'être moins bien soignés s'ils protestent. Ils osent rappeler à leur toubib qu'il s'est engagé, une fois paré du stéthoscope, à prodiguer son art avec «tact et mesure», en fonction des moyens de chacun. 

«Des négociations sur les tarifs d'un médecin de secteur 2, ça a toujours existé. Mais le phénomène se renforce, il y a un vrai mouvement», note le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Des médecins qui exercent en secteur 1 incitent désormais les malades à refuser les suppléments. «Les dépassements d'honoraires ne sont pas un gage d'excellence», rappelle le Dr Bernard Coadou, généraliste à la retraite et instigateur d'un mouvement de résistance à Bordeaux. 

En ville, dans les cliniques, et même à l'hôpital public, où le secteur privé peut atteindre des sommets d'indécence, les patients discutent donc. Chacun sa technique. Un petit arrangement pour faire passer un acte non pris en charge par la Sécu et la mutuelle pour un autre mieux remboursé, un prix moindre en payant une partie en dessous-de-table, une opération au tarif secteur public pour une au tarif secteur privé, une remise fidélité... Pour cinq séances d'ostéopathie payées, à 80 € l'unité, Norbert* a ainsi négocié la gratuité de la sixième.«L'ostéopathe m'a dit : "Vous êtes gonflé !" quand j'ai commencé à discuter. Mais, quand les honoraires sont libres, ça veut dire qu'on peut, non ?» Chez le psy qui suit son fils, Norbert se flatte d'avoir obtenu un rabais de 25 % sur le prix de la séance, en faisant valoir la régularité des visites. «Les médecins ne sont pas si choqués quand on ose demander», remarque-t-il. 

Comme chez le garagiste 

Autre nouveauté préopératoire : les patients exigent désormais un devis avant d'engager des soins. Comme chez le garagiste ! Ils fouillent sur le site de la Sécu, ameli.fr (389 267 visites en septembre 2012), pour trouver un médecin moins cher, font le tour des cabinets avant de passer sur le billard du moins-disant, demandent une analyse de leur(s) devis à leur mutuelle. Lle service dédié de Santéclair, société spécialisée dans la gestion du risque santé, a ainsi explosé. En 2012, 9 000 devis papier et 55 000 en version numérique lui ont été transmis, contre respectivement 5 000 et 45 000 en 2011. Des devis pour des travaux dentaires et, de plus en plus, pour des opérations chirurgicales. A l'issue de l'analyse, le patient se voit remettre une fiche de conseil, avec calcul du reste à charge, afin de renégocier le devis auprès du médecin. «Votre reste à charge est très élevé, nous vous invitons à en informer vos professionnels de santé, ils pourront, s'ils le souhaitent, revoir à la baisse leur dépassement», peut-on ainsi lire au bas d'une analyse. 

«Les gens font attention à leurs budgets, y compris à celui de la santé. Ils sont plus décontractés et ont compris qu'ils ne seraient pas moins bien soignés s'ils négocient. Dans deux cas sur trois, le prix baisse quand on discute», assure Marianne Binst, directrice générale de Santéclair. L'accès aux données de santé que garde jalousement l'assurance maladie pourrait permettre une plus grande transparence sur les tarifs des médecins et les inciter à s'aligner sur leurs confrères voisins. Pour l'instant, la Sécu fait de la résistance (lire l'encadré), afin de ne pas se fâcher avec des médecins peu enclins à une mise en concurrence et à une médecine consumériste... qu'ils ont pourtant contribué à instituer.


source : marianne.net

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