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10 avr. 2013

Contester un PV ? Vous pouvez toujours rêver...

La récolte des prunes rapporte un vrai pactole à l'Etat. Et ce magot mérite d'être protégé... aux dépens de l'automobiliste.

Contester un PV ? Rien de plus décourageant ! Il faut envoyer une lettre recommandée, consigner le montant de l'amende plein pot, photocopier sa carte d'identité, son permis, cocher les cases du formulaire, fournir des explications, réclamer la photo de l'infraction en cas de flash par un radar, attendre, vérifier... sachant que «tout manquement annule le dossier». Pfff, à quoi bon ? 

«L'aventure ordinaire de celui qui conteste est bien pire que ce qu'on imagine, tant l'attitude de l'Etat et de ses agents s'apparente à un mélange de cynisme, d'incompétence et de dilettantisme», explique Rémy Josseaume, avocat spécialisé dans le droit routier. Il suffit d'ailleurs de poser quelques questions autour de soi pour trouver, sans trop de mal, un voisin qui s'arrache les cheveux à demander à l'Etat pourquoi il a reçu deux avis de flashage dans un tunnel, à une minute d'intervalle et au même endroit. «Pourquoi ne pas mettre, plutôt que deux, cinq ou six radars à quelques centaines de mètres les uns des autres ? écrit-il avec malice au défenseur des droits, l'ultime recours de ceux qui se sentent injustement poursuivis (lire l'interview de Dominique Baudis, p. 60). Cela permettrait d'encaisser encore plus de contraventions pour un même excès de vitesse.» Il a fallu à cet automobiliste quatre mois et une relance pour obtenir une lettre circulaire le renvoyant à son triste sort de contrevenant. Et six mois supplémentaires ponctués d'une nouvelle relance pour que lui parvienne... une fin de non-recevoir. Effrayé par le montant de la consignation, il avait préféré régler l'amende forfaitaire, ignorant que ça valait reconnaissance de l'infraction. L'intimidation est la première arme de l'Etat. 

«C'est triste à dire, mais on a tort quand on ne connaît pas ses droits», poursuit Rémy Josseaume, dont le cabinet regorge de témoignages abracadabrants. Comme ce conducteur qui achète un véhicule en juin 2012 et reçoit plus tard une relance pour une infraction commise en mai 2012. L'évidence aurait voulu qu'il ne soit même pas convoqué devant un tribunal. Et pourtant, il lui a fallu comparaître pour que l'erreur fût reconnue. Ou cet autre à qui l'on retire son permis pour des infractions commises au moment où il était en prison. Aucune protestation n'a fait sourciller l'administration «sourde, aveugle et brutale». Vous êtes handicapé, garé sur un emplacement réservé, et l'agent qui ne voit pas votre badge vous verbalise ? Impossible de faire valoir votre bon droit. 

Bernard ne circule à Paris qu'en Vélib'. En mars 2012, il roule sur le boulevard du Palais, stoppe au feu rouge et descend de sa selle pour poursuivre son chemin à pied sur le trottoir, en poussant son vélo. Jusqu'à ce qu'un policier l'interpelle et le verbalise pour «non-observation par conducteur de véhicule de l'arrêt imposé par un feu rouge». A Bernard, qui conteste avec véhémence, l'agent rétorque : «Même lorsque vous poussez votre vélo, vous restez cycliste !» Bernard demande à ce qu'il soit notifié sur le PV qu'il n'était pas en selle quand il a été verbalisé. Rien à faire. Il refuse donc de payer l'amende, et envoie dès le lendemain un courrier de contestation à l'officier du ministère public. «Deux mois plus tard, je n'ai pas reçu de réponse, mais j'espère que l'affaire est close», veut-il croire. 

«Il faut dire la vérité : le traitement de masse des PV oblige à sacrifier des innocents plutôt que de mettre à mal un système qui rapporte de l'argent», analyse Rémy Josseaume. Le montant du magot parle de lui-même : 1,5 milliard d'euros en 2012. Cette somme, véritable impôt qui ne dit pas son nom, est si impressionnante qu'elle est gardée quasi secrète. Lors d'une enquête précédente (Marianne no 817), nous avions eu toutes les peines du monde à la reconstituer. Aucune indication dans les rapports parlementaires consacrés à la question ni dans ceux de la Cour des comptes. La surprise nous attendait au détour d'un rapport du comité des finances locales : 640 millions produits par la vingtaine de millions de PV de stationnement (en progression de 7 % par an), 860 millions pour les amendes majorées issues des contrôles radars, contre 370 millions en 2007, année de leur mise en service. 

L'arrivée des PV électroniques de stationnement n'a fait qu'aggraver la tendance. Fini le papillon flanqué de son carbone qui, même détrempé par la pluie sous l'essuie-glace, a le mérite d'informer sur l'infraction commise. Désormais, un avis laconique orne le pare-brise :«Vous allez prochainement recevoir par courrier un avis de contravention.» Un bon conseil : gardez-le précieusement ! «L'amende vous parvient trois semaines après les faits, explique Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes. Qui conserve trois semaines le papillon de stationnement sans lequel toute réclamation est vouée à l'échec ?» 

Que l'Etat ne considère pas a priori tous ceux qui réclament comme étant de bonne foi, pourquoi pas ? Que le conducteur à qui la maréchaussée reproche de conduire en téléphonant et qui prétend ne pas avoir son téléphone à la main ne soit pas pris au sérieux, passons. Passons aussi sur ceux qui contestent pour ne pas avoir suffisamment marqué un arrêt devant un stop. «Il nous arrive beaucoup de courrier de ce genre, explique Pierre Chasseray. Mais, lorsque quelqu'un s'engage dans la contestation d'une amende à 17 e si elle est réglée sur-le-champ, alors qu'elle coûtera beaucoup plus cher au bout de la contestation, sa bonne foi est évidente.» 

Dans ce monde kafkaïen, comment entrevoir la lumière ? «Impossible - ou presque - sans avocat, argumente Rémy Josseaume, conscient de la position dans laquelle ce constat le place en tant qu'avocat spécialisé. Mais il vaut mieux parfois payer un avocat que perdre son permis et ne plus pouvoir travailler.» Cet avis est partagé par Pierre Chasseray, qui ajoute : «En rendant la contestation difficile, l'Etat pousse la logique de la contestation à deux vitesses.»Ceux qui ont les moyens obtiennent satisfaction ; quant aux autres... 

Reste l'action collective. Mais elle aboutit très rarement. «La seule et unique fois où nous avons pu obtenir collectivement gain de cause, poursuit Pierre Chasseray, c'est dans l'affaire du radar fou de Rennes à la fin du mois de janvier de cette année.» Sur une portion de route à quatre voies, en raison de travaux, la vitesse a été réduite de 100 km/h à 90 km/h, sans que la signalisation l'indique clairement. Le radar, lui, avait subi une modification. En deux jours, 8 500 automobilistes ont été piégés, et 6 000 ont reçu un PV à 45 e incluant un retrait de points : «Nous sommes intervenus et le préfet a courageusement pris la décision de demander au procureur de la République d'annuler les contraventions.» Du jamais vu. Et si cet événement marquait le début d'une prise de conscience de l'état du ras-le-bol qui gagne les automobilistes ? D'autant que, à l'issue d'un rapport publié le 6 mars, le défenseur des droits, Dominique Baudis, prie instamment l'Etat «de mettre fin aux dysfonctionnements récurrents rencontrés par les automobilistes» lorsqu'ils contestent leurs amendes. On peut rêver : la même recommandation a déjà été faite en 2012...


source : marianne.net

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