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27 oct. 2012

Distilbène : deux laboratoires condamnés à indemniser une victime

La cour d'appel de Paris a confirmé, vendredi après-midi, la condamnation des laboratoires UCB Pharma et Novartis à payer une somme totale de 213 000 euros à une "fille Distilbène", souffrant d'un cancer, et à plusieurs de ses proches. En revanche, dans le cas d'une seconde plaignante souffrant d'un problème d'infertilité, la cour a estimé qu'il ne pouvait être prouvé que le Distilbène était bien à l'origine de sa pathologie, les pièces fournies étant insuffisantes. Les deux femmes ont été exposées à la molécule pendant la grossesse de leur mère. Retour sur un long scandale sanitaire.


Un médicament interdit en France en 1977
Inventé en 1938 par un savant anglais, le diéthylstilbestrol (DES) est une hormone de synthèse que l'on donnait aux femmes qui avaient des grossesses difficiles, dans l'intention de prévenir les fausses couches. Largement prescrit dans les années 1950, 1960 et 1970, le médicament est commercialisé par le laboratoire UCB Pharma sous le nom de Distilbène (90% du marché) et par Borne (ajourd'hui Novartis) sous le nom de Stilboestrol (10% du marché). En France, environ 160000 bébés ont été exposés in utero à cet oestrogène de synthèse.

S'il ne met pas en danger la santé des mères, le médicament se révèle très dangereux pour les enfants exposés in utero. Il est interdit aux Etats-Unis dès 1971, puis en France en 1977. Trop tard, estime la cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 9 juin 2011 : "Dès 1938, des inconvénients tumoraux à la suite de la prise d'oestrogènes avaient été mis en évidence et à partir de 1953, l'efficacité du DES, pour éviter les avortements spontanés, était mise en cause. Déjà, à cette période, des effets tératogènes [pouvant provoquer des malformations chez l'embryon] avaient été signalés dans un rapport général."

Des effets nocifs sur trois générations

Beaucoup de filles exposées in utero au Distilbène ont découvert à l'adolescence qu'elles étaient atteintes de graves malformations utérines et qu'elles ne pourraient pas mener lerus grossesses à terme, d'autres ont développé à un âge précoce de graves cancers "spécifiques" du DES. Le taux de prématurité atteint ainsi 48 % chez les filles DES contre 17 % chez les autres.

En 1983, le collège national des gynécologues-obstétriciens mène une enquêteépidémiologique sur le "devenir des grossesses des patientes exposées in utero au DES" et aboutit aux mêmes résultats que les Etats-Unis : 15 % de grossesses extra-utérines chez les patientes Distilbène, contre 2 % chez les femmes témoins; 10 % de fausses couches au deuxième trimestre, contre 0,5 % habituellement. De plus, 30 % à 40 % des femmes DES ont un problème d'infertilité.

Le Distilbène entraîne également des troubles psychiatriques et des malformations génitales. Chez les garçons, ces malformations consistent surtout en une anomalie du pénis, appelée "hypospadias", où l'extrémité du canal urinaire n'est pas à sa place normale.

En avril 2011, une étude publiée par l'équipe du professeur Charles Sultan (CHU de Montpellier et Inserm) montre que les effets nocifs du Distilbène peuvent s'observer non seulement chez les enfants mais chez les petits-enfants des personnes qui ont été exposées au DES. "Le taux d'hypospadias est de 3,5 % chez les garçons de la première génération. Puis il passe à 8,2 % chez les garçons de la seconde génération, autrement dit quarante ou cinquante fois plus que pour la génération de leurs parents", souligne le professeur Sultan. La fréquence de cette malformation congénitale de l'urètre est de 8,2 % chez ces garçons contre 0,2 % dans la population.

Une première victoire judiciaire en 2002

Vingt-cinq ans après l'interdiction du Distilbène, alors que les victimes sont désormais en âge de procréer, un laboratoire est, pour la première fois, jugé responsable des préjudices subis. Le 24 mai 2002, le tribunal de Nanterre condamne UCB Pharma à indemniser deux jeunes femmes atteintes de cancers attribués à la prise de DES par leur mère. Dans ses attendus, le tribunal indique que "la preuve du rôle causal du Distilbène dans l'apparition du cancer est ici rapportée par présomptions graves, précises et concordantes suffisantes".

En décembre 2004, nouvelle condamnation. UCB Pharma doit versertitreprovisionnel" 310 000 euros à la famille de Cathernie Petit, morte un mois auparavant d'un cancer. Le laboratoire est jugé "responsable pour faute" par le tribunal de Nanterre. Cinq jours après, c'est une décision contraire que prend le tribunal de Marseille: une femme de 34 ans atteinte d'un cancer du vagin et dont la mère avait été traitée au Distilbène est déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Les juges estiment que la preuve de la prise du médicament par la mère pendant sa grossesse n'est pas apportée.

En 2009, UCB Pharma est condamnée à verser plus de 2 millions d'euros de dommages et intérêts au petit-fils, né grand prématuré en 1990 et handicapé, d'une femme exposée au Distilbène.

En 2009, la charge de la preuve renversée

Mais beaucoup de procédures continuent de se heurter au problème de la preuve. Comment démontrer, des années ou des décennies après, que sa mère ou sa grand-mère a bien pris du DES pendant sa grossesse? Comment savoir s'il s'agissait de Distilbène ou du Stilboestrol? En avril 2008, la Cour d'appel de Versailles déboute une plaignante au motif qu'elle ne disposait pas des ordonnances prouvant que le produit pris par sa mère était bien du Distilbène.

En septembre 2009, un arrêt de la Cour de cassation résoud une partie du problème : la Cour inverse la charge de la preuve et estime qu'une fois établie l'exposition à l'hormone de synthèse, il revenait aux laboratoire de prouver que leur médicament n'était pas en cause, et non aux femmes de déterminer quel produit exactement était en cause.

C'est cette décision qui a conduit au nouveau procès en appel dont le verdict a été rendu vendredi.

Source : Le Monde. 

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