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11 sept. 2012

Comment on peut mourir de trop se défendre contre une bactérie

Si vous ne connaissez pas les Wolbachia, vous ratez une petite merveille de la Nature. Enfin... une merveille assez nocive puisque ces bactéries, dont les diverses souches infectent bon nombre d'arthropodes – des insectes aux crustacés en passant par les araignées –, sont des parasites et de grandes manipulatrices.

 Les scientifiques disent que leur mode de transmission est vertical, c'est-à-dire qu'elles passent d'une génération d'hôtes à la suivante, de la mère à sa descendance, ces bactéries ayant la bonne idée de s'installer pour une bonne partie à l'intérieur des cellules de l'appareil reproducteur. Et tous les coups sont permis afin d'optimiser cette transmission verticale. Exemple parmi plusieurs : comme seuls les arthropodes femelles passent le parasite à leur progéniture via leurs ovocytes contaminés, chez le cloporte commun, en photo ci-dessus, Wolbachia est capable de... métamorphoser les mâles en femelles.

Il arrive aussi que ces bactéries se transmettent d'un individu à l'autre – on appelle ce cas une transmission horizontale – ou d'une espèce à l'autre. Cette propriété en fait des modèles intéressants pour les chercheurs qui étudient les changements de virulence d'un pathogène lorsqu'il change d'hôte, notamment dans les maladies dites émergentes. Restons avec le cloporte commun : wVulC, la souche de Wolbachia qui l'infecte, a une virulence assez faible. Si l'on excepte le parasitisme qui affecte ses organes reproducteurs, le crustacé fait plutôt bon ménage avec le micro-organisme. Une équipe française, qui a publié en août ses travaux dans la revue PLoS Pathogens, a voulu savoir si cette cohabitation relativement pacifique subsistait lorsqu'on transférait wVulC chez un cousin du cloporte commun, une autre espèce de cloporte répondant au doux nom de Porcellio d. dilatatus.

Plusieurs semaines après avoir reçu wVulC par injection, la population deP. dilatatus a commencé à montrer plusieurs symptômes inquiétants : ralentissement du gain de poids, de la mobilité, remontée à la surface du sol, affaiblissement, tremblements dans les pattes, convulsions, paralysie et, enfin, la mort. Au bout de 75 jours, les 30 crustacés infectés avaient succombé. Dans le même temps, aucun de ces symptômes ne se manifestait chez les cloportes communs ayant subi le même traitement (seuls deux individus des groupes témoins sont morts pendant toute l'expérience).

Comment expliquer ce changement de virulence ? Le comportement des arthropodes malades suggérant que le système nerveux central de l'hôte était atteint, les chercheurs sont allés y voir de plus près. Effectivement, les Wolbachia y avaient proliféré. Mais pas davantage que chez les cloportes communs ! Ce n'était pas un changement d'activité du parasite qui provoquait une augmentation de la virulence mais... une différence dans la réponse immunitaire du receveur. Pour se défendre contre le micro-organisme, P. dilatatus avait en effet employé une défense radicale : l'autophagie, un procédé par lequel la cellule infectée digère une partie de son propre contenu, si le système immunitaire le juge indésirable. Mais là, les cellules nerveuses étaient allées trop loin et se retrouvaient complètement désorganisées alors que chez les cloportes communs, ces cellules, quoique infectées, présentaient un aspect normal.

La conclusion, pour le moins surprenante, de cette jolie étude est qu'à trop se défendre contre une bactérie, on peut mourir. Un comble. La virulence exacerbée deWolbachia chez P. dilatatus n'est due qu'à un mauvais choix de stratégie de ce dernier. La bactérie n'est pas devenue subitement pathogène en modifiant son action : elle l'est devenue parce que son hôte s'est fait hara-kiri en voulant la combattre par l'autophagie... L'épée était à double tranchant. A l'inverse, le cloporte commun, hôte "natif" de la souche wVulC, a choisi une stratégie de tolérance vis-à-vis du micro-organisme. Probablement parce qu'il a appris à le connaître au fil de leur co-évolution.

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