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3 août 2012

L'application gay pour sexe rapide près de chez soi

SIC !

– Salut. – Salut.

– Tu ch ? – Au feeling et toi ?

– Plan. – Act ? Pass ?

– Pass. Pic ?"

Jérémie, un Parisien de 24 ans, comprend parfaitement la conversation qui s'affiche sur l'écran de son smartphone. Un autre garçon cherche (ch) de la compagnie pour une soirée sans lendemain (plan). Il est passif (pass). Jérémie lui demande une photo (picture). L'échange a lieu dans le jargon de Grindr, application géolocalisée pour faciliter les rencontres entre hommes, homosexuels et bisexuels.

Quatre millions de personnes l'utilisent presque partout sur la planète, d'abord aux Etats-Unis (1,5 million), puis en Grande-Bretagne (560 000). La France compte 260 000 abonnés, dont 200 000 à Paris, la deuxième ville au monde derrière Londres. Plus d'un million d'usagers se connectent à Grindr tous les jours ; en moyenne, 7 millions de messages et 2 millions de photos sont échangés toutes les vingt-quatre heures. L'application a d'ailleurs saturé lors de l'arrivée des athlètes aux Jeux olympiques, le 23 juillet.

"COMME UN ANIMAL DANS LA SAVANE"

Lancé en mars 2009, Grindr a vite envahi la vie des gays. Avec de bons côtés, car l'application est "très pratique", témoignent ses utilisateurs. De moins bons aussi : Grindr ne convient pas à tout le monde, mais rend "accro". L'application est présentée par son fondateur comme un réseau social. "Il ne faut pas être hypocrite, corrige Pierre, un gay de 33 ans. Ça sert essentiellement à avoir du sexe rapidement et facilement."

Une fois l'application téléchargée gratuitement, il suffit de se créer un profil. On choisit son pseudo, sa photo (du visage, d'une partie du corps sauf les parties génitales, d'un paysage), et un court texte de présentation. Le statut de chacun est précisé : célibataire, en couple, en "couple ouvert", marié...

Une fois sur l'application, les 200 profils d'utilisateurs les plus proches sont visibles, avec la possibilité d'échanger des messages privés et des photos. La distance à laquelle chacun se trouve est affichée, un petit signal vert montre qui est connecté. Plus la population est dense et les déplacements importants, plus les profils se renouvellent. On peut mettre une étoile à ses favoris, et bloquer ceux qu'on ne veut plus voir.

Sur Grindr, l'utilisateur est "comme un animal dans la savane qui voit ses proies tout autour", dit Daniel, 36 ans. D'autres la comparent à "un marché ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre", "un fast-food", voire... "une boucherie". Sur Grindr, on va droit au but. "Plan direct [sans parlote] now [maintenant]", "pour du fun entre mecs", annoncent des profils. Les rendez-vous ont lieu immédiatement ou plus tard, chez l'un ou chez l'autre, voire dans des parcs, caves, parkings...

"BESOIN DE CONSOMMER IMMÉDIATEMENT"

Ce mode de fonctionnement convient à beaucoup. "Je déteste parler pendant des heures, explique Antoine, 24 ans. L'appli correspond à un besoin de consommerimmédiatement et de rester dans le superficiel." Pour Pierre, "il y a un côté mécanique qui rend les choses très simples. Cela correspond sans doute à l'évolution de notre société et des relations entre les gens".

Grindr est une aubaine pour les timides et ceux qui ne fréquentent pas les lieux de rencontre gay. "Le fantasme d'une vie sexuelle flamboyante devient accessible à tous, analyse Daniel. Mais ça tue quelque chose." Se faire draguer dans la rue devient exotique. "On perd l'habitude des échanges classiques", reconnaît Pierre. Certains ne cachent pas une certaine lassitude devant la pauvreté des entrées en matière. "Des gens me disent qu'ils en ont marre d'Internet, rapporte Rémi Calmon, directeur exécutif du Syndicat national des entreprises gaies, concurrencées par ce genre d'application. C'est pourquoi je crois en l'avenir des lieux de rencontre. Rien ne remplace le plaisir de la drague."

Mais Grindr, constamment accessible sur smartphone, est addictif. Tous le disent. Et le vivent plus ou moins bien. "Ça devient une habitude. Tu te balades, tu prends ton téléphone, tu lances l'appli, tu reçois trois messages, raconte Jérémie. Ça flatte l'ego." Certains la gardent allumée tout le temps. Au travail ou entre amis."Les gens deviennent asociaux, dit Laurent, 34 ans, lui-même un habitué. En sortie, ils sont sans arrêt sur leur téléphone."

"C'EST COMME UNE DROGUE"

Daniel, qui vit en "couple ouvert", est très tenté de revenir au vieux téléphone portable pour s'en débarrasser. "C'est comme une drogue, dit-il. Je voudrais arrêter, mais je n'y arrive pas." Depuis l'achat de son smartphone il y a trois ans, il a fait "des centaines" de rencontres. "L'appli utilise toutes les faiblesses de la nature humaine, analyse-t-il. Tu te sens seul, tu ne te prends pas la tête, tu y vas. Tout ce qui est difficile dans la création et l'entretien d'une relation est évacué."Pour lui, "ça commence à devenir un problème pour la communauté gay".

Arnaud, qui à 20 ans, cherche une vraie histoire, n'y trouve pas non plus son compte. "Les garçons ne pensent qu'au cul, c'est déprimant." Mais pourquoi restersur Grindr ? " C'est l'appli la mieux faite, celle où il y a le plus de profils. Moi aussi je veux tout, tout de suite !", répond le jeune homme. Pourtant, Antoine est formel,"il n'y aura pas d'histoire d'amour sur Grindr". Pour cela, mieux vaut fréquenter des sites de rencontre classiques. D'autres se disent qu'"on ne sait jamais". Beaucoup s'y sont fait des amis.

Dans cet univers impitoyable, mieux vaut être jeune et beau. "L'aspect physiquejoue beaucoup, raconte Jérémie. Un de mes ex n'a pas beaucoup de réponses, il est un peu fragile et le vit mal." Pourtant, être bloqué (supprimé par un interlocuteur) "fait partie du jeu". Tout comme spécifier qu'on ne veut pas de plus de 25 ou 35 ans. Du coup, beaucoup cachent leur âge et trichent sur les photos, quitte à se faire claquer la porte au nez "en vrai". Quant à préciser qu'on ne veut pas d'Asiatiques ou pas de Noirs, il ne s'agit pas de racisme, assurent les habitués. "C'est une question de préférence physique", témoignent Stéphane, lui-même d'origine asiatique, ou Laurent, venu des DOM.

DES APPLICATIONS DESTINÉES AUX HÉTÉROSEXUELS

Les propositions de relations tarifées sont communes. Celles de sexe sans préservatif en progression. Les pouvoirs publics et les associations de lutte contre le VIH sont pourtant absents de l'application. "Ça n'était pas forcément mieux à l'époque où les gens se rencontraient entre deux portes sans avoir pu discuteravant, relativise Bruno Spire, président de l'association Aides. Là, les gens peuvent annoncer leur statut sérologique, négocier." Des militants commencent àinvestir l'application pour faire de la prévention, par exemple à Lyon, Besançon ou Grenoble. "Pas un jour ne passe sans qu'on me pose des questions", témoigneJonathan Quard d'Aides.

Grindr correspond bien à la pratique "décomplexée" du sexe par les gays, constatent ses utilisateurs. D'autres applications destinées aux homosexuels, comme Scruff ou No Pic No Dial, sont présentes sur le même créneau, sansatteindre l'audience de Grindr. Mais le concept de la rencontre géolocalisée prendra-t-il chez les hétérosexuels ? Yuback, OkCupid Locals, Badoo s'y essaient. Grindr a également créé Blendr pour les hétéros en 2011. Mais l'application est peu fréquentée (la marque refuse de communiquer les chiffres), et les femmes s'y font rares.

Les hommes qui utilisent Grindr n'ont en général pas peur de se rendre chez un inconnu ou de le recevoir. C'est différent pour les femmes. "Ne pas divulguer des informations personnelles, y compris la localisation, est aujourd'hui le moyen par lequel Meetic préserve la vie privée de ses utilisateurs, explique Jessica Delpirou, directrice générale de Meetic France. Cette approche semble être en adéquation avec les attentes de nos adhérents, en particulier les femmes."


Les jeunes ne prennent pas plus de risques que leurs aînés

Contrairement aux idées reçues, les homosexuels de 18 à 25 ans n'ont pas davantage de pratiques sexuelles à risque que leurs aînés, selon les résultats du Net Gay Baromètre 2009, une enquête menée auprès de 17 500 hommes, publiée le 24 juillet. Près de 4 jeunes sur 10 avaient eu un rapport sexuel non protégé avec un partenaire occasionnel dans les douze mois précédents, la même proportion que leurs aînés. Quelque 17 % prennent ce risque régulièrement, contre 21 % des plus de 25 ans. Le multipartenariat sexuel est moins fréquent : 28 % des jeunes avaient eu plus de 10 partenaires au cours des 12 derniers mois, contre 37% des plus de 25 ans. Ils sont moins souvent en "couple ouvert" (28 % contre 46 %). En revanche, 10 % ont déjà été payés pour un rapport sexuel, contre 3 % des plus âgés. Internet est le vecteur privilégié de leurs rencontres (96 %). Les lieux traditionnels restent fréquentés par les moins de 25 ans (43 %), mais moins que par leurs aînés (71 %).


Gaëlle Dupont
source : lemonde.fr

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