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14 mai 2012

L'étrange "visite privée" de Michel Rocard à Téhéran



Drôle de visite que celle de Michel Rocard à Téhéran. L'ancien premier ministre socialiste français, âgé de 81 ans, devait achever lundi 14 mai un séjour dans la capitale iranienne, où il était arrivé vendredi. Il y a été accueilli avec les égards réservés à un émissaire étranger officiel de haut rang, alors qu'à Paris, l'équipe du président élu François Hollande, pas encore entré en fonction, s'empressait de lui dénier toute mission. Michel Rocard n'est pas totalement dénué d'attributs officiels puisqu'il est depuis 2009 ambassadeur itinérant de la France chargé des négociations sur les pôles Arctique et Antarctique.

Mais au Quai d'Orsay, où Alain Juppé gère encore les affaires courantes, on est formel : le déplacement s'est fait "entièrement à titre privé", en aucune manière en qualité d'ambassadeur. Parallèlement, la prise de distance des conseillers de M. Hollande à l'égard du voyageur trublion n'a pas empêché, lundi, le chef de l'UMP, Jean-François Copé, de sommer le futur chef de l'Etat de s'"expliquer".

EFFET DE DIVISION ENTRE LES OCCIDENTAUX

C'est surtout vis-à-vis des partenaires de la France, engagés comme elle dans une difficile séquence diplomatique touchant au dossier nucléaire iranien, que des éclaircissements ont dû être fournis. A quelques jours d'une réunion à Vienne entre l'Iran et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), et surtout à une semaine d'un rendez-vous majeur à Bagdad, le 23 mai, entre les représentants des grandes puissances et de l'Iran, pour tenter de lancer un processus échelonné de négociations sur le contentieux nucléaire, le voyage de M. Rocard ne pouvait que semer un trouble.

Le pouvoir iranien misait assurément sur ce potentiel effet de division entre les Occidentaux, même virtuel. L'ancien responsable socialiste a ainsi pu rencontrerle ministre des affaires étrangères, Ali-Akbar Salehi, un vice-ministre, le président de la commission des affaires étrangères du Parlement, et surtout Saïd Jalili, le négociateur en chef du dossier nucléaire, devenu récemment représentant personnel du Guide suprême, Ali Khamenei. Il devait aussi donner une conférence à l'université de Téhéran.

Le projet de voyage de Michel Rocard - connu pour ses vues en faveur d'un désarmement nucléaire général, un thème qui, sans être identique, trouve des échos dans le langage du pouvoir iranien - était connu bien à l'avance. Plusieurs responsables du Quai d'Orsay, y compris Alain Juppé, avaient instamment tenté de décourager l'intéressé, comme l'avait fait l'entourage de M. Hollande.

"UNE NOUVELLE ÈRE"
Vendredi 11 mai, alors que deux émissaires de l'administration Obama, Philip Gordon et Anthony Blinken, étaient à Paris pour évoquer les lourds dossiers de sécurité internationale, leurs interlocuteurs français leur ont fait part de toutes les réserves entretenues à l'égard du déplacement de M. Rocard. Il a fallu faire passer le même message à l'équipe de Catherine Ashton à Bruxelles, qui sera présente aux pourparlers de Bagdad le 23 mai.


"Les propos [de M. Rocard] et ses rencontres n'engagent que lui, en aucun cas le président élu", a insisté auprès des médias le socialiste Pierre Moscovici, décrivant un calendrier fort inopportun.
La France entend préserver à Bagdad sa ligne de fermeté sur le dossier nucléaire, mais, dès le lendemain de l'élection de M. Hollande, Téhéran avait émis l'espoir que s'ouvre "une nouvelle ère" dans les relations entre Paris, très tendues durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Un embargo européen sur le pétrole iranien, voulu en particulier par la France, doit entrer en vigueur le 1er juillet.

Samedi, à l'issue de sa rencontre avec M. Rocard, M. Salehi a "salué la victoire de François Hollande". Presque au même moment était diffusé un communiqué de l'équipe Hollande rappelant que l'Iran demeurait tenu de respecter toutes ses obligations internationales pour empêcher un programme nucléaire à finalité militaire. Le lendemain, M. Jalili a profité de la présence du responsable socialiste pour mettre en garde l'Occident contre "les mauvais calculs" et "les remarques non-constructives".

Le déplacement de M. Rocard, campé à Paris en "solo absolu" et embarrassant, a cependant suscité, très discrètement, l'intérêt de ceux qui, notamment à gauche, pensent que la France devrait quelque peu assouplir son langage sur l'Iran, jugé par certains trop proche de celui tenu par les responsables israéliens.

Source : Le Monde.

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