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31 janv. 2012

L'enterrement discret du projet de loi sur les conflits d'intérêts

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".

Ce matin, vous voulez nous parler d'un escamotage très discret : celui du projet de loi sur la prévention des conflits d'intérêts, pourtant promis l'an dernier par Nicolas Sarkozy. Votre parti pris : une nouvelle occasion perdue de moraliser la vie publique. Rappelez-nous de quoi il s'agit.
C'est à la fois l'histoire d'un anniversaire et... d'un enterrement. Il y a un an à quelques jours près, le 26 janvier 2011, Nicolas Sarkozy se faisait remettre en grande pompe un rapport qui préconisait l'instauration de nouvelles règles précises en matière de déontologie dans la vie publique. Il promettait alors que ce rapport ferait date, qu'il inspirerait un texte de loi et qu'on allait voir ce qu'on allait voir en matière d'État irréprochable et de République exemplaire. Seulement l'urgence s'est relativisée au fil des mois. Un projet de loi a quand même été présenté au conseil des ministres le 27 juillet 2011 puis transmis à l'Assemblée. Depuis, plus rien. Le texte ne sera pas examiné avant la fin de la session parlementaire. C'est ce qu'on appelle un enterrement de première classe.

Qu'est-ce qui vous fait dire que c'est un blocage volontaire ? Après tout, c'est vrai que le calendrier parlementaire est très chargé jusqu'à la présidentielle...

Tout dans cette histoire démontre l'intention de faire diversion. L'idée de légiférer sur les conflits d'intérêts n'est pas venue spontanément. Il y a eu l'affaire Bettencourt, avec la mise en cause du ministre Éric Woerth dans un embrouillamini de services rendus, de faveurs et de financement politique qui ne faisait pas bonne impression. Puis Martin Hirsch, à peine sorti du gouvernement, a publié un libelle qui ne révélait rien de sulfureux mais qui, curieusement, a suscité la fureur du monde politique. Et encore l'affaire du voyage de MAM en Tunisie. Du coup, l'idée de saisir une commission de sages - formée par trois des plus hauts magistrats de France : le vice-président du Conseil d'État, le premier président de la Cour des comptes et l'ancien premier président de la cour d'appel de Paris - ressemblait à un subterfuge ultra-classique pour neutraliser un sujet dérangeant - le coup du "comité Théodule". C'était presque trop gros. Eh bien c'est exactement ce qui s'est passé !

Qu'est-ce qu'il y avait de si terrible dans ce rapport dont le gouvernement n'a pas voulu ?

Des principes et des règles - ce qui manque trop souvent dans la vie publique en France. Un cadre strict pour empêcher les situations dans lesquelles une personne chargée de l'intérêt public peut prendre des décisions qui croisent ses intérêts privés. Par exemple le départ d'un conseiller de l'Élysée pour une entreprise sur laquelle il a travaillé, les avis donnés par des experts sur les autorisations de médicaments... En clair, c'était un code de déontologie pour les ministres, les hauts fonctionnaires, les magistrats - au total, le rapport visait 4 000 agents publics qui devaient s'engager à éviter toute situation litigieuse. Le projet de loi avait déjà beaucoup réduit cet objectif. À l'arrivée, il n'y aura rien du tout. On a préféré les mauvaises habitudes aux bonnes résolutions.

Mais le gouvernement aura beau jeu de répondre qu'avec la crise, il y a bien d'autres priorités...

C'est un tort. Depuis 1988, tous les gouvernements ont fait adopter des lois qui ont fait progresser la transparence et l'éthique dans la vie publique - qu'il s'agisse du financement des partis, de la fin des fonds secrets ou de la surveillance des marchés publics. Tous sauf celui de François Fillon, donc, et malgré les serments de Nicolas Sarkozy. C'est d'autant plus regrettable que ces textes-là ne coûtent rien ou presque à mettre en oeuvre. Les lois sur la transparence ne creusent pas la dette. Au contraire, elles aident à combler un déficit : le déficit de confiance des citoyens envers ceux qui les représentent et qui les dirigent. Hélas, tout porte à croire que cet argument-là a été négligé.

lepoint.fr

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