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17 déc. 2011

Le trouble business des cercles de jeux

Gérées souvent par des clans corses, ces associations à but non lucratif sont censées ne pas distribuer de bénéfices, sauf aux bonnes oeuvres.


On croyait l'époque des mafieux, costumes trois pièces et borsalino, terminée. Et pourtant, les cercles de jeu défraient de nouveau la chronique judiciaire. Le 8 juin 2011, les policiers effectuent une descente spectaculaire au Cercle Wagram pour mettre fin au règne du gang bastiais de la Brise de Mer. Depuis la mort du parrain Richard Casanova en 2008, son ancien comparse Angelo Guazzelli tirait les ficelles.
Mais, en janvier 2011, Jean-Luc Germani, bouillant beau-frère de Casanova, reprend le contrôle, manu militari, du cercle parisien.

Mélange des genres

Soupçonné d'assassinats, Jean-Luc Germani fait partie des hommes les plus recherchés de France. A son côté, il a réuni une fine équipe comprenant deux anciens dirigeants du Wagram, dont l'un est acteur de la série Mafiosa sur Canal+ et l'autre un "ami de trente ans" du député-maire de Sarcelles, François Pupponi. Ce dernier est lui-même accusé d'avoir fait pression sur un de ses employés, dont la belle-fille travaillait au Cercle Wagram avant le putsch de Jean-Luc Germani. Depuis, le cercle a été dissous, et une enquête ouverte pour blanchiment et extorsion de fonds.

L'affaire était juteuse: la salle de jeu, avec ses murs rouges ornés de boiseries et sa vingtaine de tables, ne désemplissait pas. A l'image du Wagram, les cercles ont trouvé un second souffle avec le renouveau du poker. Les people s'y pressent, de Patrick Bruel à Vincent Lindon, en passant par Raymond Domenech ou Antoine Arnault, fils de la première fortune française. Mais, en coulisses, les cercles suscitent toujours les convoitises des malfrats.

Bizarrement, ces établissements, dont le statut date de 1947, sont des associations à but non lucratif, dont les membres versent une cotisation. Ils ne distribuent pas de bénéfices, sauf pour des bonnes oeuvres. Si le Clichy-Montmartre vise à promouvoir le billard, l'Aviation Club de France (ACF) se charge "de venir en aide aux veuves et orphelins des aviateurs, et aux groupements qui ont pour vocation la recherche médicale et scientifique, l'assistance aux catégories les plus défavorisées". Ce cercle, le plus important de Paris, reverse 10% de ses recettes à des dizaines d'associations:?oeuvres sociales des pompiers de Paris, Armée du salut, Les Chiens guides d'aveugles de l'Ouest...

"On avait proposé de transformer les cercles en sociétés anonymes pour mieux contrôler les comptes, mais les politiques n'ont pas bougé", déplore Daniel Anceau, un ancien des Renseignements généraux. Le ministère de l'Intérieur, qui délivre les autorisations, refuse de s'exprimer sur le sujet. Pourtant, les liens avec la police sont parfois étroits. Les conseils d'administration, vitrine officielle de ces associations un peu particulières, accueillent d'anciens policiers. Le président du Wagram, par exemple, était un retraité de la police des jeux. A l'ACF, c'est l'ex-patron de l'antigang, Charles Pellegrini, qui officie, "par amitié pour les Francisci", la famille la plus puissante du secteur.

Ponction fiscale

A de rares exceptions près, comme le Clichy-Montmartre, les Corses règnent en maîtres et détiennent les postes-clés de directeurs des jeux, qui prélèvent une "cagnotte" sur les mises des joueurs. Son montant varie, de 300.000 euros pour le Club anglais à 9 millions pour l'ACF, sorte de casino parisien avec ses 260 salariés et ses prestigieux tournois du World Poker Tour. Cette cagnotte est ponctionnée à 70% par le fisc, qui le reverse à la mairie de Paris. Mais elle ne représente qu'une faible part des enjeux. A l'ACF, les membres déboursent jusqu'à 1.000, voire 5.000 euros pour s'asseoir à certaines tables de poker. "Pour tenir la soirée, il faut avoir en poche au moins cinq fois ce montant", raconte un habitué. Aucune comptabilité ne retrace les mouvements d'argent durant la partie. "Si les casinos enregistrent l'identité des joueurs qui achètent plus de 2.000 euros de jetons, les cercles ne recensent que les gains au-delà de 5.000 euros", précise Jean-Pierre Alezra, chef du service central des courses et jeux.

Vecteurs de blanchiment

Pour les jeux traditionnels (baccarat, punto banco... ), le cercle utilise un "banquier", joueur régulier, qui apporte les liquidités, encaissant les mises des perdants et supportant les gains des veinards. "Ce brassage considérable d'espèces, dont l'origine est difficile à tracer, fait des cercles d'excellents vecteurs de blanchiment", pointe un magistrat.

Selon Jean-Pierre Alezra, la plupart des établissements fermés depuis 2007 disposaient de tables clandestines pour attirer les gros joueurs et prélever leur dîme à l'abri du fisc. Les dirigeants du Concorde, dont le procès aura lieu en 2012, pratiquaient allègrement la "minoration de recettes". Une histoire rocambolesque.

Rouvert en 2006 à l'initiative de son ancien patron Edmond Raffali et de Paul Lantieri, le Cercle Concorde connaît un vif succès, à tel point que les associés se querellent vite sur la répartition des profits. Pour régler leur différend, Raffali fait appel à Ange-Toussaint Federici et ses "bergers braqueurs", tandis que Lantieri a recours à Roland Cassone, légende du milieu marseillais. Ces grosses pointures attirent l 'oeil de la police des jeux, qui découvre une vaste comptabilité occulte: en un an, les dirigeants n'ont déclaré que 1,2 million d'euros de recettes, alors que la cagnotte est dix fois plus élevée! Selon le réquisitoire du vice-procureur, 40.000 euros ont aussi été versés chaque mois aux employés en petites coupures pour ne pas payer les charges sociales.

Bonnes intentions

Au Wagram, le même genre d'habitudes avaient été prises: les compléments « au noir » auraient atteint plus de 1,5 million d'euros en 2010. "A l'ACF, nous comptabilisons strictement les pourboires et nous sommes très contrôlés", se défend Pellegrini. Selon lui, le service des jeux serait plus sévère depuis qu'il a quitté, en 2008, les RG pour rejoindre la police judiciaire, plus attentive aux liens avec le grand banditisme. D'une quinzaine dans les années 1970, le nombre de cercles est tombé à six en 2011. Pas de quoi décourager certains. L'an passé, Serge Kasparian, un restaurateur, a repris les locaux du Concorde. Rebaptisé Cercle Cadet, l'établissement a pour but d'améliorer "les rapports humains notamment par la nécessité d'éliminer toute discrimination permettant la recherche d'une harmonie totale" ...
Source: Challenge.fr

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