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11 oct. 2011

Le paradis perdu de Léon Harmel


Cette ancienne travée de la chapelle du Val des Bois,
 dans laquelle Léon Harmel priait tous les jours pour la sauvegarde
Warmeriville (Marne). Souffrance au travail, dictature de l'argent, qu'en est-il aujourd'hui de la dignité des hommes prônée par Léon Harmel il y a plus de 150 ans ? Qui sait que ce visionnaire catholique fut à l'origine de quelques-unes de nos actuelles lois sociales? Il avait bâti pour ses ouvriers aux portes de Reims avec l'usine du Val des Bois un monde idéal régi par des valeurs trop vite oubliées.
Quand Pierre Coulon a présenté son film documentaire dans les locaux de l'Ecole supérieure de commerce de Reims, sur l'aventure de l'usine du Val des Bois, beaucoup ont découvert ce que fut au XIXe siècle le catholicisme social. Une expérience bien réelle vécue par des centaines d'ouvriers et de familles dont les enfants aujourd'hui nonagénaires, témoignent encore avec une incroyable ferveur.
Un aïeul qui a travaillé là, un achat de laine dans le magasin d'usine, beaucoup se souviennent du Val des Bois et des Harmel. Ça s'est passé sur la commune de Warmeriville à une vingtaine de kilomètres de Reims, où quasiment hélas la grande majorité des locaux a disparu. Il ne reste que quelques traces sur les rives de la Suippe de ce qui fut non seulement une filature florissante, mais surtout, un monde à part pour des centaines de familles d'ouvriers bénéficiaires de logements, d'écoles, de soins médicaux, de culture et de loisirs. Des vies entières régies en quasi-autarcie par des règles communes basées sur la justice et l'égalité sociale. Ce petit paradis a été voulu par un homme inspiré par une foi catholique hors du commun et exceptionnellement mise en pratique.
Au plus fort du XIXe siècle, alors que les premières usines poussent comme des champignons à la périphérie des grandes villes, le long des rivières dont l'énergie actionne les machines venues souvent d'Angleterre, les paysans se font ouvriers et perdent leurs repères en vivant dans des conditions parfois inhumaines. Mais Léon Harmel dont la famille venue de Belgique a implanté dans les Ardennes, puis près de Reims une puissante filature, entend bien vivre en adéquation avec les valeurs chrétiennes qui lui ont été inculquées. Il s'érige en chef de communauté, prenant en charge non seulement l'amélioration des conditions de travail de ses ouvriers qui furent jusqu'à sept cents, mais aussi leurs conditions de vie. Surnommé Le Bon Père, il a voulu à l'image de Jean-Baptiste Godin avec son Familistère à Guise dans l'Aisne, créer un monde de justice, de progrès et de bonheur.
Priorité à l'initiative ouvrière
Ce patron singulier, veuf et père de cinq enfants qui priait Dieu chaque jour dans sa chapelle de lui accorder son aide, ne se contentait pas de fournir du travail. Il avait organisé autour des ateliers de filature et de teinture de la laine des conditions de vie qu'il estimait idéales. Les familles étaient décemment logées, les enfants allaient à l'école, les mères apprenaient la cuisine et la couture et tout le monde le dimanche participaient à des activités culturelles et de loisirs proposées par des associations : théâtre, musique, sorties dominicales, compétitions sportives. « Mais le plus novateur fut sans conteste, la place réservée à l'initiative ouvrière », indique Pierre Coulon qui a réalisé un véritable travail d'enquêteur pour la réalisation de son film. La gestion des ateliers et des associations par les ouvriers eux-mêmes constitue une révolution sociale. chez Harmel, chaque ouvrier était considéré comme responsable non seulement de son propre travail, mais aussi de la bonne marche de toute l'entreprise. Une vraie organisation participative, une incitation permanente à l'initiative individuelle pour le bien-être et le profit de tous. Toutes les compétences étaient mobilisées, valorisées et reconnues. On en rêve aujourd'hui dans un monde du travail égoïste et déshumanisé qui réclame attention et reconnaissance.
Les premières avancées sociales à l'origine de lois dont nous bénéficions encore aujourd'hui voient le jour au Val des Bois, comme le sursalaire accordé dès la naissance du premier enfant, la création d'une caisse de secours mais aussi le conseil d'usine où patrons et employés à égalité de voix conduisaient la production, la sécurité, l'hygiène. Loin du paternalisme, Léon Harmel était plutôt un « familialiste », commente Pierre Coulon. Quand les richesses produites avaient déjà été confisquées par une minorité, phénomène qui s'est considérablement aggravé aujourd'hui, l'exemple du Val des Bois montre qu'une autre voie est possible.
Françoise Kunzé
Source: l'Ardennais

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