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7 mai 2015

L’art contemporain est un impérialisme


Cela ne vous aura sûrement pas échappé, la majorité de ce qui trône dans les musées d’art contemporain relève de l’art conceptuel. Vous savez, cette création dont la forme interroge, laisse pantois voire repousse, et qui sans le discours aurait bien du mal à justifier ses aisances formelles… Abstraction, art minimal, ready-made, le concept est roi et les écrits théoriques soutiennent parfois à bout de bras l’art que l’on nous présente comme témoin de notre temps. Mais pourquoi une telle hégémonie ? Surtout que l’art contemporain n’est pas celui que l’on croit, il résulte d’une idéologie…

Les Etats-Unis, en grand vainqueur de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre froide, surent imposer en toute logique: leur économie, leur vision du monde, leur culture de masse et leur art. Tentons de faire la lumière sur ce véritable trafic d’influence.

En 1948, le plan Marshall, voté par le Congrès, entame la manœuvre d’un remodelage de l’Europe à la sauce états-unienne. Celui-ci comporte, entre autres, tout un pan culturel destiné à s’appliquer de manière diffuse et indolore dans une optique anti-communiste.
Cette stratégie compte notamment l’instrumentalisation d’une nouvelle école artistique : l’expressionnisme abstrait, avec Jackson Pollock en chef de file. S’inscrivant en rupture avec les normes picturales alors existantes, ce courant fait l’éloge du geste créateur dans une confrontation avec le support. La sublimation de l’inflexible subjectivité aura alors travestit toute revendication politique. Je m’explique : l’art américain serait « libre » dans son contenu là où celui de l’URSS ne serait, de par son réalisme, que propagande socialiste. Et de fait, le figuralisme sous Staline permettait de transmettre sans difficulté un message: la peinture et la sculpture représentaient des paysans, des ouvriers, des militaires, mais aussi Staline en bon petit père du peuple, œuvrant héroïquement à la construction de la nation prolétarienne. En appliquant la «gestion des contraires», l’abstraction et la démarche subjective de l’artiste deviennent à eux seuls preuves d’affranchissement de la domination de l’Etat sur les arts et permettent aux USA de s’afficher en tant que combattant pour la liberté et la démocratie ! Mais ne nous égarons pas ! La liberté promue par la première puissance mondiale demeure à l’image d’une toile de Pollock, abstraite et formelle. Ajoutons également que l’individualisme forcené n’est en rien un gage de pouvoir égalitaire !

Récupération et instrumentalisation du génie français

La récupération de l’avant-garde française fut également un facteur de plus dans la domination artistique américaine. Exilés lors de la deuxième guerre mondiale, des pointures tels que Marcel Duchamp ont été accueillies à bras ouvert outre Atlantique. La sélective récupération du dandy normand lui est en partie due à sa fameuse trouvaille, le ready-made. L’appellation même du nouveau concept artistique duchampien – anglicisme signifiant « déjà prêt » – transcrit dès lors le glissement, la fuite des Avant-garde vers les Etats-Unis. Le ready-made est selon André Breton, un objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste(Dictionnaire abrégé du surréalisme). Ajoutons pour parfaire la définition, que cet objet est détourné de sa fonction originelle pour se décliner en diverses installations préfigurant une idée, un concept. Quoi de mieux pour encenser la société de consommation, alors en expansion, qu’un art à sa mesure faisant l’éloge de l’objet ?

Et puisque l’art contemporain possède là son point d’ancrage, et par ailleurs indépassé, revenons à la révolution esthétique de 1917. Duchamp entrepris alors un véritable coup d’état en présentant à la Society for Indépendant artist, sorte de salon des refusés américain, un urinoir, baptisé « Fountain ». Geste incompris en son temps, ce ready-made fut réhabilité dans les années 60 par une philosophie postmoderniste opportuniste. Rappelons que la modernité s’est caractérisée par des révolutions plastiques en cascades au niveau technique: la peinture s’est peu à peu affranchie de la vraisemblance, elle a révolutionné la couleur, la forme, le mouvement. Mais que reste-t-il lorsqu’on a tout expérimenté ? Là vient le virement sémantique, la « dé-définition » ou absence de définition, de l’art, tout est remis à plat: l’art est à la fois tout et rien, tout se vaut, relativisme postmoderniste oblige. Et dès lors qu’un objet artistique plaît à une subjectivité, s’applique alors le critère kantien de satisfaction universelle. Cette posture intellectuelle permettra en outre l’incarnation du précepte divin initié par Duchamp : l’artiste a alors le pouvoir d’élever un simple objet manufacturé au rang d’œuvre d’art, apportant là son volet esthétique à la société de consommation.

L’art au service de l’objet et vice versa

Et de la même manière que les artistes d’antan louaient Dieu en déclinant leur art en d’autant d’icônes que leur offrait la religion, nos créateurs sont à la fois Dieu et disciple du dogme artistique qui fait foi aujourd’hui. S’en référant à l’expérimentation duchampienne, ils offrent un autel à la divinité de notre temps, louent l’objet et l’érigent en oeuvre d’art. L’instrumentalisation du génie précoce d’un Duchamp aura permis de faire d’une pierre deux coups : d’une, elle glorifie l’objet, cher à la propagande consumériste, telle une nouvelle idole ; de deux, elle permet de s’affranchir du génie technique pour créer de la valeur pécuniaire à partir de rien ou presque.

Mieux encore, prenez Andy Warhol, à quoi tient donc son succès foudroyant ? Il n’est pas à chercher dans quelque dénonciation, des excès ou de la banalisation, de la société de consommation, mais plutôt dans sonesthétisation. Warhol sut révéler le potentiel artistique des biens de consommation courante. Inversement, il a bon gré mal gré, exalté le pouvoir mercantile de l’art dont les motifs permettront de vendre quantité d’artefacts tous plus inutiles les uns que les autres. Les formes esthétiques devinrent alors des logos et les artistes virèrent entrepreneurs. A ce sujet, quoi de plus révélateur que la déclaration d’Andy Warhol à propos de la marque de luxeBulgari : « Pour moi entrer chez Bulgari, c’est comme si je visitais la meilleur exposition d’art contemporain.» L’exemple de la création warholienne cristallise donc le principe totalitaire du marché : il assimile tout.

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