« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. »
François Mitterrand
Ces dernières semaines, de bien surprenantes prises de positions sont apparues sur la toile : la dénonciation des dérives poutiniennes que connaîtraient une certaine classe politique, surtout de droite, tandis qu’une partie de la France aurait, elle, le tort d’être « pro-Poutine ».
Hormis la fâcheuse manie franco-française de systématiquement dénoncer son voisin, surtout s’il est français, on constate qu’une certaine panique gagne les relais médiatiques actifs du dispositif de gouvernance, dont le métier est de rédiger et de diffuser le « prêt-à-penser » démocratique. Il y a peu, émus par le nombre de commentaires pro-poutine sur le web hostiles aux articles de leurs journaux, ils tentèrent maladroitement de mettre cette tendance sur le compte de professionnels de l’agit-prop internet payés par le Kremlin. Une telle explication n’a pas manqué d’amuser les citoyens qui expriment par simple conviction leur opinion dans les commentaires duFigaro ou du Monde, par exemple.
Dans la foulée, ces mêmes experts ne purent que constater la « victoire idéologique russe » (sic) dans la bataille de la communication, en affirmant que le Kremlin pouvait s’appuyer sur « des fantassins européens, recrutés ou ralliés par conviction ». Diantre !
Leur panique semble du reste croître à mesure que n’augmente la défiance des Français envers la gouvernance actuelle ou lorsqu’ils constatent que toutes les décisions importantes qui concernent la France sont prises à Bruxelles ou Washington. En général, ils sont tout aussi méfiants envers les alliances supranationales ou face aux projets d’abolition totale des frontières ou d’installation de vastes marchés communs transatlantiques dans lesquels les États n’auraient plus leur mot à dire, et se verraient privés du droit de défendre leurs intérêts nationaux. Les « pro-Poutine », comme aiment les nommer nos journalistes et autres chercheurs, semblent dans l’ensemble penser que vivre dans un monde dominé par une hyperpuissance unique n’est pas une bonne chose.
On ne saurait leur donner tort, sachant que semble se profiler la fin du monde unipolaire face au monde multipolaire en émergence. Une fin du monde unipolaire qui frappera par ricochet, et en priorité, les plus proches alliés de l’Amérique et les pays qui lui sont excessivement soumis au sein de l’OTAN, comme c’est le cas pour le bateau France. Ceux que nos « journalistes et autres chercheurs ou intellectuels » taxent de « pro-Poutine » semblent plutôt partager un mode de pensée patriotique qui bénéfice de relais et d’échos aussi bien dans divers pays d’Europe qu’en Chine, au Brésil ou en Inde, parmi ceux qui souhaitent un monde pluri-polaire formé de nations souveraines. Voilà pourquoi le système de gouvernance actuelle, discrètement mais clairement atlantiste ou proaméricain en France, se sent inquiet et réagit par la voie médiatique notamment.
La grande force du dispositif américain en France est d’avoir efficacement, laborieusement et très discrètement placé ses « trolls », relais et agents à des positions d’experts, du moins officiellement. Des experts dont le seul travail aura été ces dernières années d’exécuter une mission de totale désinformation à l’égard du peuple français en lui dressant un tableau mensonger de la situation nationale, européenne et surtout mondiale.
Alors que le bateau France prend l’eau, les relais de ce système ne semblent pas très inquiets pour la France. Ce qui les préoccupe, c’est un possible échec du projet américain et euro-mondialiste qui gangrène la France et l’Europe. Un tel échec commencerait par affaiblir les financements du système et mettrait en péril les revenus de bon nombre de ces faux experts qui en vivent.
Au fil des années, le modèle Bruxelles-Washington d’organisation de la planète s’est largement discrédité en essayant de propager la démocratie et l’économie libérale en bombardant Hanoï, Belgrade puis le Moyen-Orient. De plus, le bilan économique dans les pays occidentaux n’est pas fameux. Le système médiatique a donc arrêté de faire l’éloge de ce modèle, et il s’est mis à dénigrer les contre-modèles. Chine-bashing, Russie-bashing, Poutine-bashing et finalement dénigrement et maintenant bashing systématique des Français qui se déclarent pro-Poutine. Ils représenteraient un pays raciste et fermé (cette France qui a portant accueilli plus d’étrangers que la plupart des pays de l’OCDE et qui aimerait plus que tout Zidane, Goldman ou Omar Sy), cette même France moisie, stérile et idiote (!) aurait désormais le culot de porter un certain intérêt et d’estimer Vladimir Poutine.
Cette hystérie pathologique prend des tournures parfois inattendues. Dimanche dernier, l’homme politique francais Nicolas Dupont-Aignan était en visite à Moscou. Il a rencontré des chefs d’entreprises francais qui lui ont fait part des difficultés qu’ils rencontraient dans le climat de « russophobie médiatique » excessif que propagent la majorité des médias nationaux. Immédiatement ces chefs d’entreprise ont été accusés d’être des « faussaires payés par le Kremlin » (!) par des journalistes qui ne supportent visiblement juste pas que leur travail soit critiqué, fût-ce de façon constructive.
Pour nos journalistes, intellectuels, politiciens et professeurs d’université cela semble invraisemblable, démontrant par là-même que la faculté de comprendre le peuple n’est pas donnée à tout le monde. Et encore moins à une certaine élite globaliste et soumise, dont la mission aura été durant ces dernières décennies de servir pitoyablement la volonté politique de Washington et du bloc Otan-centré, portant ainsi atteinte aux intérêts supérieurs de la nation.
Pourtant, il y a de très nombreuses raisons de penser que cette France « stérile et idiote » (sic) qui soutient Vladimir Poutine n’a pas tort.
La première sans doute est qu’il est impossible de ne pas reconnaître au président russe les attributs d’un authentique chef d’État, dont la mission unique et absolue est la défense des intérêts supérieurs de la nation russe. Une tâche que ce dernier accomplit sans faillir depuis maintenant 15 ans.
Et n’en déplaise à une majorité d’« experts » occidentaux, le projet Poutine a été expliqué par ce dernier au peuple russe dès sa prise de pouvoir en 2000. Force est de constater que le peuple russe plébiscite encore à ce jour ce projet qui s’axe sur la croissance économique, le retour d’un État fort (une tradition en Russie) et la réaffirmation d‘une certaine fierté nationale de voir la Russie de nouveau jouer un rôle important au niveau régional et mondial. On ne souhaiterait pas mieux à la France !
En tant que Français, je me souviens du rôle historique que mon pays a joué afin de contribuer, au cœur des années 60, à l’émergence d’un monde multipolaire, cette tâche juste et fondamentale dont le flambeau est aujourd’hui très clairement porté par la Russie.
La majorité des Français de Russie saisit bien à quel point les difficultés de redressement de la barque russe sont grandes et qu’aujourd’hui, seul le « système Poutine », malgré ses nombreuses imperfections, est le seul suffisamment solide et éprouvé pour aborder et achever la complexe transition en cours en évitant un quelconque chaos.
Inclassable, le président russe, réformateur économiquement et conservateur socialement, représente aujourd’hui en Russie tant la droite et la gauche, le patriotisme et l’internationalisme, le libéralisme et l’étatisme. Cette politique qui mise sur le pragmatisme et la croissance a sans doute été la clef du dispositif de gouvernance russe, permettant au pouvoir russe de s’assurer un enracinement politique sur la longue durée, la seule échelle permettant le déploiement et l’application d’une authentique politique stratégique.
Cet enracinement politique lui permet de fédérer la grande majorité des courants électoraux, comme le faisait du reste en son temps dans notre pays le Général de Gaulle, avec 78,5 % des voix 1958 et 55 % en 1965. S’il n’est sans doute pas plus facile de créer une opposition contre Poutine aujourd’hui qu’il ne l’était d’en créer une contre De Gaulle en 1958 ; il est amusant de constater que dans les deux cas, avec un demi-siècle d’écart, la principale opposition est communiste, traduisant bien la grande similitude non seulement de ces moments historiques mais aussi sans doute des situations politiques de ces deux personnages.
Ce qui a été bon pour la France durant les 30 Glorieuses ne peut fondamentalement qu’être bon pour la Russie durant ses 15 Glorieuses, mais la similitude historique pourrait ne pas s’arrêter là. La Russie sortait d’une grave crise historique, politique et sociale et à ce titre, si le Poutine de 2012 ressemble au De Gaulle de 1958, la France de 2020 pourrait ressembler à la Russie des années 2000, tant notre pays semble malheureusement se diriger vers des années douloureuses et une crise profonde. Une crise qui devrait, comme en Russie, permettre l’émergence d’une nouvelle élite politique.
Un tel bouleversement politique devrait entraîner (du moins espérons-le) de profondes modifications structurelles et générer une lourde réorientation stratégique et structurelle de la France.
De l’époque actuelle, il restera le souvenir de l’extraordinaire incompétence des gens qui depuis 1968 ont dirigé notre pays.
Une sous-élite dont la durée de vie, ou plutôt de nuisance, n’aura historiquement duré qu’un demi-siècle, mais que la réalité ne devrait pas tarder à renvoyer, avec leur panoplie de faux experts et autres donneurs de leçons, à l’endroit qu’ils méritent : les poubelles de l’histoire.
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