L’avenir du président turc s’assombrit.
Ayant bâti ses victoires sur la croissance économique, le recul présent le priverait de succès.
Durant les treize dernières années, la formation du président Erdogan avait bâti ses victoires politiques sur des résultats de croissance pharaoniques. Mais ses candidats se font plus discrets sur le sujet à l'approche du scrutin. Et pour cause, il est bel et bien révolu, le temps où la République turque affichait de fringants taux de croissance à la chinoise (jusqu'à 9 % en 2010) jalousés par ses voisins européens. Aujourd'hui, le pays peine à dépasser la barre des 3 % et accuse une inquiétante hausse de son taux de chômage (environ 11 %) et du niveau d'inflation. Un sérieux revers pour "le miracle turc".
"La Turquie traverse une période très difficile, elle a perdu sa boussole, ses ancrages économiques", analyse Seyfettin Gürsel, économiste et professeur à l'université Bahçeþehir, à Istanbul. Si l'heure n'est pas à la récession, plusieurs signaux montrent cependant un ralentissement certain de l'activité économique du pays. "L'AKP n'a pas su préparer la Turquie pour l'ère à venir. Le parti n'a pas de grand projet économique pour mener à bien l'essor du pays", complète Sinan Ülgen, président du Center for Economics and Foreign Policy (EDAM).
Craignant de perdre des voix aux élections, Erdogan a négligé le besoin urgent de changements structuraux, par exemple : réformer le marché du travail, favoriser l'entrée des femmes dans le monde de l'emploi (deux sur trois sont sans emploi, NDLR), améliorer le système éducatif: autant de défis majeurs que Recep Tayyip Erdogan n'a pas voulu prendre à bras le corps, estime Seyfettin Gürsel.
Par ailleurs Erdogan accuse la Banque centrale turque - indépendante - et son gouverneur, Erdem Baþçý, de maintenir un taux d'intérêt directeur (qui conditionne les prêts avec les banques commerciales) élevé qui nuirait à la croissance. Croissance qui, à l'approche des législatives, manque cruellement au leader turc pour rassurer les électeurs de l'AKP.
Recul des investissements étrangers
La mesure engagée par la Banque centrale pour endiguer l'inflation (7,5 % environ), a donc valu à l'institution d'être la cible principale du clan présidentiel. En mal d'arguments de poids, Erdogan et ses proches conseillers ont alors accusé la Banque centrale d'être responsable de la déstabilisation de l'économie turque. "Rien de nouveau à cela, estime Sinan Ülgen, c'est une rhétorique très populaire, qui fonctionne sur certains électeurs de l'AKP et dont le gouvernement se sert pour identifier les problèmes de l'économie turque".
Des sorties qui font craindre pour l'indépendance de l'institution et qui ont fait plonger la livre turque à son plus bas niveau face au dollar début mars. Malgré tout, des tentatives de rassurer les turcs ont émergé suite à une longue réunion entre Erdem Baþçý et Recep Tayyip Erdogan.
Dans ce climat économique, les grands objectifs affichés par Erdogan pour 2023 et le centenaire de la République semblent hors d'atteinte. "Il voulait hisser la Turquie parmi les dix principales puissances économiques mondiales, rappelle Sinan Ülgen. Résultat : le pays recule actuellement au classement (18e place, NDLR)."Renvoyés également aux calendes grecques, le pari des 25 000 dollars de revenu annuel par habitant ou le PIB national à 2 000 milliards. Des revers qui laissent à penser que "la voie vers un plus grand bien-être pour tous", tracée par le "leader" turc, semble donc plus tortueuse que prévu.
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