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19 janv. 2015

Je ne suis pas Charlie, suis-je une terroriste ?

Le 11 janvier 2015, des centaines de milliers de personnes, dont des dirigeants politique de plusieurs pays, se sont rassemblées dans les rues de Paris pour rendre hommage aux victimes des récents attentats et pour défier les terroristes. La plupart d’entre eux criaient « Je Suis Charlie », « Je Suis Ahmed » (le policier musulman tué durant l’attentat), et « Je Suis Juif ».

Ces déclarations se voulaient être une démonstration de solidarité envers les victimes et les survivants. Au travers de la force du langage, ils se sont permis de se mettre dans la peau d’autres personnes. Ce genre de réaction n’est pas nouveau à la suite d’une tragédie. On se souvient de « Je Suis Troy Davis », « Je Suis Mike Brown », « Je Suis Eric Garner », et « Je Suis Renisha McBride ».

Mais en vérité, nous ne sommes aucune de ces personnes. Nous pouvons être solidaires des victimes, des survivants ou de leurs proches, nous pouvons éprouver de l’empathie pour la fragilité humaine et tenter de ne pas nous laisser dominer par la peur, mais pourquoi cette urgence rhétorique qui consiste à se substituer aux victimes ? Quel soutien leur offrons-nous ? Moi-même, je suis attristée depuis que j’ai su pour les attentats de Paris, mais je ne suis pasCharlie, je ne suis pas Ahmed et je ne suis pas juive.

Il y a des moments où le silence équivaut à un consentement, mais est-ce que la perte d’une vie déclenche automatiquement ce mécanisme ? Est-il raisonnable de penser que si je ne suis pas Charlie, alors je soutiens tacitement le terrorisme ?

Je crois à la liberté d’expression sans exceptions, même si, comme je l’ai déjà écrit, j’aimerais que davantage de personnes comprennent que la liberté d’expression ne signifie pas la liberté des conséquences. Je trouve une partie du travail de Charlie Hebdo de mauvais goût, car dans ces dessins, l’intolérance en tous genres abonde. Mais ma désapprobation ne peut évidemment pas modifier les choix de l’hebdomadaire. Les dessinateurs de Charlie Hebdo, tout comme les artistes et les écrivains du monde entier, devraient pouvoir s’exprimer et défier l’autorité sans être tués. L’homicide n’est jamais une conséquence acceptable.

C’est cependant un exercice de la liberté que de critiquer la façon dont la satire comme celle de Charlie Hebdocaractérise quelque chose qui nous est cher, comme notre foi, notre personne, notre genre, notre sexualité, notre race ou notre ethnie.

Les appels à la solidarité peuvent facilement dégénérer en pensée de masse, qui ne laisse aucune place aux avis équilibrés. Ce processus crée une fracture nette entre le noir et le blanc (tu es avec nous, ou tu es contre nous), au lieu de permettre aux gens de souffrir et d’être en colère tout en comprenant la complexité de la situation.

Il est déprimant d’observer les appels à la communauté musulmane pour que cette dernière condamne le terrorisme. C’est déprimant de lire des histoires de « bons musulmans », comme si le bon musulman était une exception à la règle d’un peuple entier.

Nous lirons encore des discussions sur la satire, sur la liberté d’expression et sur ses limites, et des spéculations sur les moyens d’éviter des tragédies similaires, car il est toujours plus facile de spéculer que d’accepter l’impossibilité d’arrêter le terrorisme. Nous ne pouvons évidemment pas convaincre les extrémistes avec la pensée rationnelle ou avec notre idée de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas.

La vie se poursuit à toute vitesse, mais parfois, nos considérations ne peuvent pas suivre. Et pourtant, nous continuons à exiger une réponse immédiate, un consensus immédiat et universel. Un « Je suis là aussi » instantané, comme si les personnes n’avaient pas le droit de s’arrêter un instant et de réfléchir. Nous ne voulons pas compliquer la douleur et la colère, car il est plus facile d’éprouver ces émotions sous leur forme la plus pure.

Plus je vieillis (et plus je m’assagis, je l’espère), et plus je ressens le besoin de m’arrêter. Je veux avoir le temps de penser à comment je me sens et pourquoi je me sens comme ça. Je ne veux pas faire semblant d’être une experte des choses desquelles j’ignore tout, tout ça pour offrir à un autre ma réaction immédiate, à sa libre disposition et consommation.

L’exigence d’une réponse au travers des moyens de communication dont nous disposons (surtout les réseaux sociaux) naît en partie du fait que nous nous sentons tellement impuissants dans notre quotidien. Nous sommes des personnes avec un travail et une famille, nous avons nos soucis de tous les jours. C’est facile de se sentir impuissant face au terrorisme de Paris, aux centaines de fillettes enlevées au Nigéria, à l’attentat contre le siège d’une association pour le droit des afro-américains au Colorado, ou à l’homicide d’un noir sans arme par un agent de police.

Grâce aux réseaux sociaux, nous pouvons nous sentir moins seuls, moins impuissants. Nous pouvons accomplir ces gestes de solidarité. Je suis Charlie. Nous pouvons changer d’avatar. Nous pouvons partager notre colère et notre peur sans devoir admettre que nous ne pouvons rien faire de plus.

Et pourtant, nous continuons à nous sentir impuissants et inadéquats. Quand nous voyons que quelqu’un ne participe pas à nos expressions de solidarité, et qui montre la conscience de sa propre impuissance, nous voyons quelque chose que nous devons changer. Et c’est pour cela que nous exigeons sa participation.

Ananalyse de Quenel+

Cette analyse est assez intéressante : elle met en avant un procédé fascisant visant à obliger toute la population à adhérer à une doctrine fondamentale.

Elle est d’autant plus intéressante qu’elle provient de Roxanne Gay, une féministe afro-américaine qui reste cependant assez lucide pour comprendre et admettre que la sexualisation à outrance de notre société sous couvert de néoféminisme est un danger.

Certains esprits ventilés veulent nous vendre le culte de la femme super sexuelle qui prend le pouvoir en exhibant ses arguments au libre regard de tous. Sont-ils conscients que certaines femmes font cela pour gagner leur vie, et que le faire à l’échelle mondiale revient à se prostituer massivement ? Sont-ils conscients que nos enfants sont exposés à du contenu visuel parfois discutable ? S’agit-il réellement d’une liberté ? Est-ce réellement ce que désire le peuple ou est-ce ce que l’on veut qu’il le désire ? S’agit-il d’un libre arbitre ou d’une manipulation sournoise ?

Ces mêmes questions se posent concernant les faits de société récents qui ont, d’ores et déjà, des conséquences sur nos libertés.

Qui décide de ce que l’on pense vouloir librement ? N’est-ce pas en terrorisant le peuple qu’on lui intime l’idée d’avoir besoin de plus de sécurité, au risque certain de réduire sa liberté ?

Source :  Internazionale.it via Quenel+
Traduction : Fabio Coelho pour Quenel+

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