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18 avr. 2014

Economie : qu’est-ce qu’une politique d’austérité ?

Manuel Valls, Premier ministre, chez Pujadas, mercredi soir : « Il ne s’agit pas d’un plan d’austérité. L’austérité, ce serait d’empêcher la création d’emplois publics. »

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales ce jeudi matin, sur Inter : « L’effort, il ne consiste pas à baisser les prestations, ça ce serait l’austérité. L’austérité, c’est la baisse des salaires, des ressources, des rémunérations. »

Michel Sapin, ministre des Finances, ce jeudi matin sur RTL : « On n’est pas dans une politique d’austérité, on est dans une politique sérieuse. [...] On ne va pas baisser les prestations. »

Vendredi 5 juillet 2013, lors d’une conférence, le premier ministre Jean-Marc Ayrault : « Ce que nous faisons ce n’est pas de l’austérité, c’est le sérieux budgétaire. [...] L’austérité, c’est autre chose. C’est la déconstruction d’un système social historique. »

Discours à l’Assemblée du premier ministre Jacques Chaban Delmas, le 16 septembre 1969 : « Rien ne sera facile, certes. Les mesures prises doivent nous permettre de limiter à quelques mois la phase d’austérité, d’ailleurs toute relative et de retrouver des bases économiques saines. »

Nicolas Sarkozy, dans L’Express, le 3 mai 2011 : « Nous avons réduit cette année notre déficit de 14 milliards d’euros de plus que prévu : il faut continuer. Ce n’est pas de l’austérité, c’est de la raison. »

Bon. Qu’est-ce que l’austérité, terme que détestent visiblement les gouvernants, quel que soit leur bord ? Quand commence-t-elle ? Comment la mesure-t-on ?

Austérité, tentative de définition

Ce n’est pas, comme le suggèrent presque Manuel Valls, Marisol Touraine ou Michel Sapin, trancher la gorge des Français ou leur couper des doigts ni baisser leurs salaires.

On parle généralement d’austérité en période de difficultés économiques : les déficits publics s’accroissent car lorsque la croissance est en berne, les recettes fiscales (TVA…) entrent moins bien et les dépenses sociales (allocations chômage…) sont plus importantes.

L’austérité consiste à lutter contre cette tendance, en augmentant les impôts et/ou en empêchant la hausse des dépenses. Ce choix n’est pas neutre : ces politiques d’austérité freinent la croissance déjà faible. Les économistes parlent de politiques « récessives » (car elles affectent la croissance) ou « procycliques » (car elles vont dans le sens du cycle économique, au lieu de le contrecarrer).

L’austérité, ce n’est donc pas forcément « baisser » les dépenses publiques. Geler les salaires dans la fonction publique, geler les prestations sociales, geler les revalorisations du RSA… C’est déjà un choix « procyclique ».

Oui, Manuel Valls, Michel Sapin, Marisol Touraine, vous faites de l’austérité.

A partir de quand l’austérité commence ?

Vous tombez du canoë, dans la Loire : vous pouvez nager vigoureusement dans le sens du courant pour arriver le plus rapidement possible vers la rive ; vous pouvez vous laisser porter paresseusement par le courant ; vous pouvez vous épuiser à essayer de le remonter.

De même, trois politiques sont possibles en période de ralentissement :
les politiques de relance ;
les politiques « neutres » ;
l’austérité.

L’austérité ne commence pas quand « on baisse les prestations » ou « quand on baisse les salaires » : elle commence quand on cesse d’être neutre face à la dégradation des déficits liée à la mauvaise conjoncture. Quand on commence à s’épuiser à remonter le courant.

Relance : c’est ce que prônent les économistes keynésiens : on ne se soucie pas, à court terme, du déficit public, car il disparaîtra plus facilement si l’on fait redémarrer la croissance. Au lieu de freiner celle-ci, il vaut mieux l’encourager par une politique « contracyclique » (une politique qui va à l’encontre du cycle économique). On peut baisser des impôts et augmenter des dépenses publiques.
Politique neutre : si la croissance ralentit, une politique neutre consiste à ne pas chercher à « compenser » les baisses de recettes ou les hausses de dépenses qu’entraîne mécaniquement ce ralentissement. On laisse jouer les stabilisateurs automatiques : par exemple les allocations chômage augmentent, ce qui amortit l’impact de la disparition des salaires.
Austérité : malgré la mauvaise conjoncture, on maintient un cap chiffré de réduction du déficit. Et si l’économie flanche un peu plus, on accroît encore l’effort pour parvenir à l’objectif – ce qui le plus souvent aggrave la situation… Cela semble déraisonnable. Mais c’est pourtant au nom de la « raison », du « sérieux », que les gouvernements européens suivent cette politique. Ils cherchent à séduire les marchés (et obtenir de meilleurs taux d’intérêt) et à contenir la dette publique.
Le cercle vicieux de l’austérité (Rue89)


3 Comment mesure-t-on le degré d’austérité ?

La mesure la plus simple est de calculer les hausses d’impôts et les baisses de dépenses engagées volontairement par les gouvernements. Puis on observe si ces mesures ont été accentuées ou non.

Ainsi, au début de l’année dernière, la comparaison des politiques budgetaire et fiscale montrait que la France se distinguait par l’accentuation de l’austérité.
L’austérité budgétaire en France en 2013 (Via Sober Look)


La consolidation fiscale entre 2011 et 2013 (OCDE/The Economist)


Le tableau ci-contre, proposé par The Economist, donne une idée de la « consolidation fiscale » entre 2011 et 2013 : les mesures visant à augmenter les recettes sont en bleu foncé, les coupes budgétaires en bleu clair.

Autre méthode simple, pour mesurer l’intensité des politiques d’austérité, observer l’évolution du déficit budgétaire « structurel ». Il s’agit du déficit qui n’est pas lié à la détérioration de la conjoncture : le déficit qui serait constaté même si la croissance était sur sa pente habituelle.

Si la courbe de ce déficit est plate, c’est le signe que la politique budgétaire adoptée est neutre.

Voici l’évolution du déficit structurel primaire (primaire = hors intérêt de la dette) dans la zone euro. On y voit que les pays ont creusé les déficits au début de la crise, suivant en cela des politiques contracycliques, conformes à ce que préconise la théorie économique.

Puis, au début de l’année 2010, ils ont brutalement inversé leurs politiques, pour adopter tous ensemble des mesures d’austérité, ce qui n’a pas manqué d’étouffer toute chance de reprise économique.
Déficit structurel primaire de la zone euro (IMF/Paul Krugman)

La politique économique de la France a suivi le même chemin. Sur la courbe ci-dessous, le Crédit Agricole montre les deux composantes du déficit : la partie conjoncturelle et la partie structurelle. On voit que la baisse du déficit public (vert) ne tient aujourd’hui qu’à la réduction du déficit structurel (orange), c’est-à-dire aux mesures dites de « sérieux budgétaire ».
Le déficit structurel de la France, en orange (Crédit agricole)

Ces politiques d’austérité sont un désastre : même les institutions comme le FMI ou l’OCDE s’en rendent compte. Mais les gouvernements européens, après quelques mois de lucidité en 2008, persistent à les poursuivre, fétichisant les critères absurdes prévus par leurs traités, au détriment de leurs populations.

Source : Rue 89

Le National Emancipé 2014

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