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22 mai 2014

La guerre d’Israël contre les universités américaines

L’exclusion des Étudiants pour la Justice en Palestine (Students for Justice in Palestine, SJP) à la Northeastern University de Boston le 7 mars, ainsi qu’une menace de l’université de sanctions disciplinaires contre certains de ses membres, s’ajoute aux sanctions imposées contre bon nombre de groupes de défense des droits palestiniens à travers le pays. Ces attaques, et d’autres formes de punitions étrangement similaires, semblent faire partie d’un mouvement coordonné de la part du gouvernement israélien et du lobby israélien, qui vise à mettre sur liste noire tout groupe d’étudiant qui conteste le récit israélien officiel.

La Northeastern a exclu le SJP après qu’ils ont placardé dans le campus des répliques d’avis d’expulsions qui sont habituellement cloués sur des maisons palestiniennes en passe d’être démolies par les Israéliens. L’avis de suspension de l’université stipule que si le SJP demande sa réintégration l’année prochaine, « aucun des anciens administrateurs de Students for Justice in Palestine ne pourra faire partie de l’équipe de la nouvelle organisation », et que les représentants de l’organisation doivent suivre des « leçons » imposées par l’université.

En 2011 en Californie, 10 étudiants qui avaient fait irruption lors d’un discours de Michael Oren à l’université d’Irvine, alors ambassadeur israélien aux États-Unis, ont été reconnus coupables, mis en probation informelle et condamnés à des travaux d’intérêt publique. Oren, un citoyen israélien qui a depuis été engagé par CNN en tant que collaborateur, a appelé le Congrès à mettre sur liste noire tout partisan des campagnes de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël, et à poursuivre tout ceux qui protestent lors d’une apparition en public de responsables israéliens. Des activistes de l’Atlantic University de Floride se sont vus retirer leurs positions de leadership estudiantin après avoir quitté la salle lors d’un discours d’un officier de l’armée israélienne, et ils ont été obligés par des administrateurs de l’école à suivre des séminaires de rééducation donnés par l’Anti-Defamation League [une sorte d'équivalent de la Licra, ndCroah]. Les Étudiants de Columbia pour la Justice en Palestine, (CSJP) ont été brusquement suspendus au printemps 2011 et interdits de réservation de salles ou d’accueillir des évènements sur le campus. Les administrateurs de l’université, avant l’expulsion, avaient pour coutume de prévenir à l’avance le campus Hillel de tout évènement de la CSJP. La suspension a finalement été levée après une protestation menée par les avocats de la CSJP.

Max Geller, étudiant en droit et membre du SJP à la Northeastern que j’ai joint par téléphone à Boston, a accusé l’université de céder à des « pressions extérieures », dont notamment celles de l’ancien élève Robert Shillman, qui est PDG de Cognex Corp., et du milliardaire Seth Klarman, qui gère des fonds d’investissements alternatifs à vocation spéculative, tous deux soutenant la politique de droite israélienne.


« Interdire à des étudiants d’avoir un rôle de leader et interdire des groupes d’étudiants juste parce qu’ils sont engagés dans une protestation politique pacifique, c’est l’antithèse de la mission d’éducation de l’Université envers ses étudiants » affirme-t-il. « Cela va à l’encontre de toute valeur pédagogique que le processus disciplinaire recherche ».

« L’année passée, j’ai reçu des menaces de mort et j’ai été publiquement et injustement calomnié et menacé de sanctions disciplinaires. À cause de ça, parler publiquement d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à la fois en tant que juif et en tant qu’Américain, est devenu une source de peur et d’anxiété. »

La réaction maladroite d’Israël face à ces organisations de campus est symptomatique de son isolement grandissant et de son inquiétude quant au soutien américain. L’accaparement et l’occupation depuis plusieurs décennies de territoires palestiniens, et les attaques militaires massives contre la population sans défense de Gaza, qui ont causé des centaines de morts, ainsi qu’une malnutrition grandissante parmi les enfants palestiniens et une pauvreté consternante, ont eu pour conséquence l’amoindrissement des soutiens traditionnels à Israël, dont beaucoup de jeunes juifs américains. Israël, dans le même temps, s’est transformé en paria pour la communauté mondiale. Si Israël venait à perdre le soutien de l’Amérique, qu’il achète largement à coup de contribution financière aux campagnes politiques à travers des groupes tels que l’American Israël Public Affairs Committee (AIPAC) [Le Crif américain, ndCroah], il serait à la dérive. Un nombre grandissant de banques et d’autres sociétés, surtout dans l’Union Européenne, rejoint le boycott et refuse de faire des affaires avec Israël du fait des inquiétudes par rapport aux territoires occupés. Le Premier ministre israélien Netanyahu, s’adressant à l’AIPAC le 4 mars, a étonnement axé l’essentiel de son discours sur une attaque envers le mouvement BDS, qui voudrait dire selon lui « Bigotry, Dishonesty and Shame » (Sectarisme, malhonnêteté et honte). Il a appelé à ce que les partisans du BDS soient « traités exactement comme on traite tout antisémite ou bigot ». Il a mis en garde les gens « naïfs et ignorants » qui sont recrutés comme « compagnons de voyage crédules » dans une campagne antisémite.

Attention, Benja…

Des responsables israéliens ont, selon toute vraisemblance, tenté d’infiltrer le mouvement BDS et utilisent des subterfuges pour le relier à l’extrémisme islamiste, d’après le Times de Londres. Par ailleurs, le gouvernement israélien fait le forcing pour imposer des projets de loi de censure et antidémocratiques dans les législations des États de New York, du Maryland et de l’Illinois, qui imposeraient des sanctions économiques aux organisations académiques qui boycottent les institutions israéliennes. Pendant ce temps-là, les États-Unis ainsi que d’autres pays imposent avec enthousiasme des sanctions contre la Russie pour une occupation qui est bien moins draconienne que celle d’Israël, qui va à l’encontre du droit international depuis très longtemps.

Les cours conçus par l’ADL (Anti Defamation League) pour l’endoctrinement des activistes de l’université sont, d’après ceux qui ont dû y assister, des tentatives mesquines de relier toute critique d’Israël à de l’antisémitisme. « Moi-même ainsi que deux autres membres de la SJP avons été forcés de suivre une “leçon de diversité” sponsorisée par l’ADL, sans quoi nous aurions violé les termes de notre période d’essai et nous aurions été suspendus ou exclus », raconte Nadine Aly, une étudiante activiste de l’Atlantic University de Floride qui, avec d’autres activistes, ont quitté une conférence donnée par un officier de l’armée israélienne, le colonel Bentzi Gruber, qui avait participé à la conception du plan d’attaque pour l’Operation Cast Lead, l’attaque horrible sur Gaza qui s’est déroulée entre fin 2008 et début 2009. Je l’ai jointe par téléphone au campus de Floride. « L’idée même que l’administration considère que c’est raciste de critiquer la politique d’Israël est ridicule. Nous avons été mis en “période d’essai indéfinie”, ce qui nous exclut de toute position de leadership dans quelque organisation estudiantine que ce soit, dont le gouvernement étudiant, à l’université jusqu’à ce qu’on soit diplômé. On m’a retiré mon poste de présidente de la SJP ainsi que d’étudiante sénatrice, et l’ancienne vice-présidente de la SJP a perdu sa place de représentante de la Maison de l’étudiant. C’est une honte que cette université, comme la plupart des universités, s’incline face aux pressions du lobby sioniste et des riches donateurs sionistes, alors qu’elles devraient protéger les droits de leurs étudiants. »

C’est 40 euros sans préliminaires et sans protections de nos étudiants. Le client est Roi !

La persécution de chercheurs tels que Joseph Massad et Norman Finkelstein, qui contestent le mythe officiel d’Israël, est depuis longtemps un exemple de l’intervention d’Israël dans la vie académique américaine. Et l’ardeur avec laquelle les présidents d’université dénoncent l’appel des associations d’étudiants américains au boycott d’Israël est une fenêtre sur l’insatiable faim d’argent qui semble gouverner la politique universitaire. La tentative actuelle de clore les groupes d’étudiants relève encore d’un cran la censure et l’ingérence traditionnelle d’Israël. Israël cherche désormais ouvertement à réduire au silence la liberté d’expression dans les campus des universités américaines (l’entièreté de ces groupes estudiantins se sont clairement engagés dans des protestations non-violentes) et a transformé nos élites libérales en faillite et nos administrateurs d’université en policiers.

L’absence de soutien des académiciens envers le droit de ces groupes d’étudiants d’exposer des opinions dissidentes et de s’engager dans un activisme politique est un signe assez triste qui montre combien la plupart des académiciens sont devenus peu pertinents. Dans ce combat, où se trouvent les professeurs de droit constitutionnel pour défendre la liberté d’expression ? Où sont les professeurs d’éthique, de religions et de philosophie pour rappeler aux étudiants le droit pour tout un chacun à une vie digne sans oppression ? Où sont les professeurs spécialistes du Moyen-Orient pour expliquer les conséquences historiques du violent accaparement des territoires palestiniens par Israël ? Où sont les professeurs de journalisme pour défendre le droit des dissidents et des victimes à une réponse juste dans la presse ? Où sont les professeurs d’étude du genre, d’études afro-américaines, d’études d’américains de souche ou d’études chicano qui agissent pour protéger les voix et la dignité des oppressés et des marginaux ?

Cette attaque ne s’arrêtera pas aux groupes tels que Students for Justice in Palestine. Le refus d’entendre les cris du peuple palestinien, surtout les 1,5 million (donc 60 % sont des enfants) qui sont piégés par les militaires israéliens à Gaza, fait partie d’une campagne plus large d’agents de l’aile droite israélienne, tels que Lynne Cheney et des milliardaires comme les frères Koch, qui vise à écraser tout programme ou discipline académique qui donne voix aux marginalisés, surtout ceux qui ne sont pas blancs et privilégiés. Les Latinos, les Afro-américains, les féministes, ceux qui font des études du genre, tous ressentent également cette pression. Avec le projet de loi signé par le gouverneur républicain Jan Brewer, des livres écrits par des auteurs chicano de pointe ont été bannis des écoles publiques à Tucson et ailleurs en Arizona sur base des allégations suivantes : ces études ethniques promeuvent la « haine envers une race ou un peuple ». C’est un procédé similaire à celui de l’ancien ambassadeur Oren, qui s’est servi des mêmes méthodes pour poursuivre pénalement les activistes BDS car ils mettraient soi-disant en avant le sectarisme. Le mouvement néoconservateur, qui est main dans la main avec Israël, a sa contrepartie toxique dans la culture américaine. Et si d’autres groupes marginalisés dans l’université restent silencieux pendant que les activistes pour la solidarité avec la Palestine sont persécutés sur les campus, il y aura encore moins d’alliés lorsque les forces de l’aile droite israélienne viendront en découdre avec eux. Et ils le feront.

Ceux parmi nous qui dénoncent les souffrances causées par Israël et ses crimes de guerre contre les Palestiniens et ceux qui soutiennent le mouvement BDS sont habitués aux campagnes de dénigrement sordides de la part d’Israël. J’ai été à plusieurs reprises étiqueté « antisémite » par le lobby israélien, entre autre pour mon livre War is a force that gives us meaning (La guerre est une force qui nous donne un sens). Le fait que certains des dissidents, comme Max Blumenthal, auteur de Goliath : fear and loathing in Greater Israel (Goliath : la peur et la haine dans le Grand Israël), un des meilleurs portraits de l’actuel Israël, soient juifs, ne semble pas perturber les propagandistes de l’aile droite israélienne, qui voient quelque déviation vis-à-vis de la ligne du gouvernement israélien comme une hérésie religieuse.


« J’ai commencé une tournée pour commenter mon livre, Goliath, depuis octobre 2003 », raconte Blumenthal, avec qui je m’entretenais par téléphone, « et à plusieurs reprises, des groupes du lobby israélien et des activistes pro-Israël ont organisé des pressions pour faire annuler mes conférences avant même qu’elles n’aient lieu. J’ai même été calomnié par des étudiants ados pro-Israël, des pigistes de magazines importants et même Alan Dershowitz, qui m’ont taxé d’antisémite, et ma famille a été attaquée dans les médias de droite pour avoir organisé une séance de signatures pour un livre que j’ai publié. Les activistes israéliens ont été tellement loin dans l’absurde, dans leur tentative d’arrêter mon travail de journalisme et d’empêcher mon analyse d’atteindre un large public, que cela illustre parfaitement leur limite intellectuelle et leur pauvreté morale. Tout ce qui leur reste, c’est un paquet d’argent pour acheter des politiciens et leur volonté illimité de défendre le seul État d’apartheid doté d’une arme nucléaire au Moyen-Orient. Alors qu’on assiste à une présence accrue de jeunes arabo-musulmans sur les campus dans notre pays, et que les Américains de confession juive expriment leur dégout vis-à-vis d’Israël et de Netanyahu, on observe aussi que les forces pro-Israël sont dans une tactique de retraite. La question n’est pas de savoir s’ils vont gagner ou perdre, mais quels dégâts ils peuvent infliger aux droits de liberté d’expression sur leur chemin vers un règlement de compte avec la justice. »

« Cela me réchaufferait le cœur si d’éminents intellectuels libéraux étaient d’accord avec mes conclusions, ou acceptaient la légitimité du BDS », poursuit Blumenthal. « Mais la seule chose qu’on peut raisonnablement espérer, c’est qu’ils parlent en faveur de ceux dont les droits de liberté d’expression et les droits d’avoir une organisation sont piétinés par des forces très puissantes. Malheureusement, lorsque ces forces sont surtout sur la ligne de défense d’Israël, trop d’intellectuels de gauche restent de marbre ou, comme pour Michael Kazin, Eric Alterman, Cary Nelson et bien d’autres présidents de grandes universités, ils collaborent avec leurs collègues de l’élite pour écraser l’activisme de solidarité envers la Palestine au travers de moyens anti-démocratiques. »

Les centres Hillel, à l’avant-garde architecturale, réservés aux citoyens d’avant-garde. Pas aux raclures goyim.

Les branches Hillel, malheureusement, fonctionnent souvent ni plus ni moins que comme des avant-postes du gouvernement israélien et de l’AIPAC sur le campus. C’est vrai pour la Northeastern, tout comme pour des écoles comme Barnard College and Columbia. Et des présidents d’université comme Debora Spar du Barnard’s College ne voient rien de mal au fait d’accepter des tournées du lobby pro-Israël mandaté par Israël pendant que des étudiants palestiniens risquent l’emprisonnement ou même la mort pour étudier aux États-Unis. Le lancement de campagnes de diffamation sur tous les campus de la part de supposées enseignes religieuses, c’est un sacrilège pour la religion juive. Dans les séminaires, j’ai lu assez d’écrits des grands prophètes hébreux, dont la pensée était essentiellement dirigée en faveur du pauvre et de l’opprimé, pour savoir qu’on n’en trouverait probablement pas aujourd’hui dans les centres Hillel, mais plutôt en train de protester avec des activistes SJP.

Les centres Hillel présents sur les campus, avec des budgets généreux et des installations resplendissantes, sont souvent situés dans des centres urbains, et proposent des évènements, des conférences et des programmes pour promouvoir la politique officielle israélienne. Ils arrangent des voyages gratuits vers Israël pour les étudiants juifs, ce qui fait partie du programme Taglit Birthright, qui fonctionne comme une agence de voyage du gouvernement israélien. Pendant que ces étudiants juifs, souvent sans relation familiale en Israël, sont escortés au cours de ces voyages de propagande bien huilée, des centaines de milliers de palestiniens sont piégés dans des camps de réfugiés sordides, et ne peuvent pas rentrer chez eux bien que leurs familles aient vécu pendant des siècles sur ce qui est désormais un territoire israélien.

Pendant des décennies, Israël avait la main sur les débats à propos des Palestiniens. Mais son contrôle sur le récit arrive à son terme. Comme Israël perd du terrain, il va attaquer avec tout son vice et son irrationalité tous les diseurs de vérité, même si ce sont des étudiants américains, et surtout s’ils sont juifs. Le jour viendra, et il viendra plus vite qu’Israël et ses larbins vendus ne le croient, où tout l’édifice s’effondrera, où même les étudiants d’Hillel ne pourront plus tolérer les dépossessions continuelles et les meurtres au hasard de Palestiniens. Israël, à force de faire taire les autres sans aucune pitié, risque désormais de se faire taire lui-même.

Source: Croah.fr
Traduit de l’article de TruthDig par Fabio Coelho de Ficientis pour Croah.fr

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