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10 mars 2014

Mais pourquoi toutes ces inondations dans le Var depuis 2010 ?

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Didier Dalmasso, responsable de production des roses du 

Val d'Argens, encore inondé le 18 février dernier.
Agriculteurs, entreprises, riverains sont touchés par des crues à répétition. Et les réunions s’enchaînent depuis bientôt quatre ans. Var-matin a voulu lister les causes… et des solutions.


On en parle avec inquiétude, on les craint, on ne cesse d’y penser dès que le ciel s’assombrit comme il noircit l’avenir des secteurs fréjusiens et roquebrunois. Depuis 2010, les inondations à répétitions angoissent. La pluie n’est plus la bienfaitrice qui verdit les collines, remplit les nappes phréatiques et fait pousser les champs. De la plaine de l’Argens à la zone d’activité de La Palud, les précipitations sont synonymes de cultures dévastées, de productions détruites, de matériel englouti… d’avenir incertain et d’espoirs perdus.

Var-matin a voulu lister les causes de ces crues étonnamment récurrentes, en prenant l’avis des professionnels, des exploitants qui vivent et travaillent sur place, des anciens, des institutionnels… Car les sources sont multiples et se conjuguent depuis des années pour engendrer les débordements d’aujourd’hui.

L'urbanisation croissante

On ne peut pas la nier tant elle est spectaculaire sur ces quarante dernières années. Des petites villes d'antan aux agglomérations d'aujourd'hui, des maisons des années 1970 à la création de quartiers entiers d'immeubles, les constructions se sont accumulées. Et avec elles, les accès, autant de routes goudronnées, de centres commerciaux, de voies qui se multiplient, d'équipements. Imperméabilisant le sol par milliers d'hectares.

La pluie s'engouffre dans les sous-sols, les parkings et les points bas. Les pluviaux ne sont pas forcément conçus pour ingurgiter des ruisseaux devenus rivières. Entre 2000 et 2010, des années de sécheresse ponctuées par les calamiteux incendies de 2003 ont mangé une partie du couvert végétal dans le massif des Maures qui retenait aussi les pluies.

D'ailleurs, si l'on parle essentiellement de Fréjus et Roquebrune, c'est même jusqu'à Saint-Raphaël que ces inondations sont subies. Boulouris, les Iscles, les environs du lycée Saint-Exupéry jouxtant la Garonne, ont aussi connu leur lot de préjudices.

Insidieusement, l'urbanisation a conquis la terre. Comme la zone d'activité de La Palud. Chacun répète qu'avec un nom qui signifie « marécages », il ne fallait pas bétonner autant l'endroit, d'ailleurs sillonné de garonnes qui se gonflent à la moindre goutte. Ni bétonner encore la zone commerciale de Puget qui engendre un ruissellement impressionnant. Mais aujourd'hui, ce sont des dizaines d'entrepreneurs qui sont sinistrés encore et encore.

L'embouchure de l'Argens, les étangs

Le delta du fleuve Argens n'a pas toujours été dessiné comme on le voit actuellement. Les étangs de Villepey étaient plus ouverts sur la mer, laissant davantage et plus facilement couler le trop-plein du fleuve. L'Argens, recueillant toutes les eaux de son bassin-versant (de 2 700 km², drainant ainsi la moitié du département) et de ses 45 affluents torrentiels, se vide dans la plate cuvette du delta.

Mais l'aménagement routier entre Fréjus et Saint-Aygulf (la RD559 édifiée dans les années 1930), l'ensablement (notamment depuis la construction de Port Fréjus1), les plages et digues de Saint-Aygulf, obstruent considérablement l'estuaire. La profondeur du lit du fleuve, de plusieurs mètres avant les inondations de 2010, s'est restreinte.

Les barrages qui étranglent le fleuve

Appelés seuils, ces sortes de barrages sont formées d'énormes blocs de pierres, parfois cimentés qui réduisent la profondeur du lit et la largeur du fleuve. Un goulot d'étranglement qui fait déborder l'eau… et les passions. Le 14 février 2014, les agriculteurs en colère ont d'ailleurs tenté un coup de force en cherchant à élargir les berges au seuil du Verteil. Particulièrement impressionnant, ce monticule d'énormes rochers a été édifié par le gestionnaire de distribution d'eau potable de l'époque afin de pomper dans une nappe phréatique ainsi davantage alimentée. Au seuil du Verteil, s'ajoutent ceux des Iscles et des Moulins. Autant d'obstacles à la fureur de la crue qui entraînent l'inondation des berges.

L'ancien réseau, le Béal romain

Le réseau pluvial historique de canalisation de la plaine pourrait seconder l'insuffisance du lit mineur de l'Argens. Notamment le Béal, creusé par les Romains, un canal qui permettait de pousser les sédiments hors du port romain. Il est bouché par une martelière au niveau du rond-point de Gémo mais reçoit le pluvial des communes avoisinantes qui le fait déborder dans la plaine. Les agriculteurs réclament aussi la remise en fonction du Béal pour sa capacité de drainage.

Les remblais illégaux

Après la catastrophe de Malpasset, la vallée rose n'était plus qu'un champ de ruines. De nombreux agriculteurs ont repris des activités mais les friches sont nombreuses. Les terrains, pourtant non constructibles et même en zone inondable, restent chers (40 000 euros l'hectare). Difficiles à acheter pour des jeunes paysans. Les obstacles sont nombreux comme celui de ne pouvoir construire sa maison d'habitation dans son propre champ qu'il faut pourtant surveiller. Tant de problématiques que certains propriétaires ont cédé à la tentation d'accepter les remblais de bâtiments pour un apport financier et qui surélèvent leur terrain. Chemin des étangs, des camions se relaient pour déverser leurs caillasses. Le sol ne boit plus et les lopins à proximité, du coup plus bas, sont noyés.

Le lac de Carcès

Souvent mis en cause, le lac de Carcès, qui stocke huit millions de mètres cubes d'eau, sur une superficie de plus de cent hectares avec huit kilomètres de rive, se remplit des pluies torrentielles. Nombreux sont ceux qui le pointent du doigt et reprochent aux responsables d'évacuer le trop-plein, par les vannes du barrage, dans l'Argens justement au moment où il est en crue.

Ni travaux, ni entretien

Les anciens se plaignent de ne plus avoir le droit d'entretenir et nettoyer les berges attenantes à leurs terrains comme cela se faisait, ce qui permettait d'enlever les embâcles et le trop-plein d'arbres, de réparer les brèches, de curer ou recalibrer. Aujourd'hui, avec les nouvelles normes européennes, le moindre coup de pioche est sujet à autorisation environnementale et les propriétaires se voient refuser les travaux et verbalisés s'ils le font, en raison d'une flore et d'une faune à protéger (les guêpiers, une race d'oiseaux qui nichent dans les berges, certaines grenouilles, ou certaines ripisylves…) Idem pour l'embouchure qu'il est difficile de désensabler.

Le problème jamais pris en globalité

Les causes multiples se conjuguent pour noyer la plaine de l'Argens… suite des 115 kilomètres du fleuve, ses 45 affluents qui, eux aussi, se gorgent des pluies, des 70 autres communes en amont qui se sont urbanisées. Chaque collectivité ne balaie que devant sa porte, reportant les responsabilités. Faute de volonté politique de réduire la vulnérabilité de la plaine, depuis quatre ans, aucun consensus n'a réussi à rassembler les institutions dans un seul projet concret.

Il manque cruellement une gouvernance pour prendre en main décisions, financements, travaux. Il faut ajouter que ni les collectivités, ni les syndicats, ne trouvent les moyens financiers pour réaliser d'importants travaux. Ce qui met particulièrement en rage tous les concernés. Car l'eau en amont finit par débouler dans la basse vallée de l'Argens.

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