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Il y a un an, Gilles-Eric Séralini et son équipe avaient publié une étude sur le RoundUp dans la revue scientifique Food and Chemical Toxicology. Elle avait suscité une vive controverse. La revue, qui a intégré depuis quelques mois un ancien salarié de Monsanto, demande aujourd’hui aux chercheurs de retirer leur étude. Enjeu caché : l’autorisation de nouveaux OGM en Europe.
Les auteurs de l’étude sont formels : on n’avait jamais vu cela en matière de publication scientifique. Par une lettre datée du 19 novembre, Gilles-Eric Séralini et son équipe ont appris de la très sérieuse revue Food and Chemical Toxicology leur demande de retirer leur étude publiée l’an dernier par cette même revue sur les effets du maïs transgénique NK 603 de Monsanto. Une étude pourtant relue et approuvée par des scientifiques avant publication, comme il est d’usage dans les revues scientifiques à comité de lecture.
Il y a un an, cette étude a été présentée comme la première du genre sur les OGM (organismes génétiquement modifiés). Menée dans le plus grand secret pendant deux ans par le laboratoire du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique), elle tend à démontrer la toxicité de ce maïs sur les rats de laboratoire. Lors de sa publication en septembre 2012, elle avait suscité une vive controverse.
Hier jeudi 28 novembre, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, Gilles-Eric Séralini a donné sa réponse : « Nous refusons le retrait de l’article. »
La lettre de la revue Food and Chemical est signée du directeur éditorial de la revue A.Wallace Hayes. Reporterre la reproduit ici :
M. Hayes indique aux auteurs que le panel qui a examiné les données sur lesquelles se fonde l’étude « a beaucoup de préoccupations sur la qualité des données, et a finalement recommandé que l’article soit retiré. (…). Si vous n’acceptez pas de retirer l’article, il sera retiré [par nous]. »
Certes, indique M. Hayes, « le rédacteur en chef, sans ambiguïté, n’a pas trouvé de preuve de fraude ou de présentation trompeuse des données. Cependant, il y a une préoccupation légitime en ce ce qui concerne et le nombre d’animaux de chaque groupe d’étude, et la race sélectionnée. »
Il observe finalement : « Le rédacteur en chef loue l’auteur [M. Séralini] pour son ouverture et sa participation à ce dialogue. Le retrait de l’article n’est motivé que par le caractère non conclusif de l’étude. »
« La lettre du journal nous donne deux possibilités, explique Joël Spiroux, médecin et président du Criigen. Soit on retire le papier nous-mêmes. SoitFood and Chemical Toxicology le retire et publie les raisons de ce retrait. »
C’est la deuxième solution qui a été choisie. Pour l’expliquer, Joël Spiroux cite la lettre elle-même. La revue reconnaît n’avoir trouvé « aucune preuve de fraude ou de falsification des données ». « Nous n’avons donc pas manqué au code éthique, or c’est la seule raison qui peut justifier le retrait d’un article ! », s’étonne le docteur, qui cite le COPE (Commitee on publication ethics, un code éthique pour les revues scientifiques auquel adhère Food and Chemical Toxicology.
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Gilles-Eric Séralini et Joël Spiroux
Pour justifier le retrait de l’article, la revue explique dans sa lettre avoir réexaminé les données avec un panel de chercheurs. Puis elle cite deux raisons :
d’abord, le nombre de rats est insuffisant,
ensuite, la race de rats choisie, la Sprague-Dawley, est connue pour développer fréquemment des tumeurs : celles observées par l’équipe du Pr. Séralini n’auraient donc pas été provoquées par le maïs OGM.
En se basant sur ces arguments, la revue explique donc que les résultats de l’étude qu’elle a publiée « ne permettent pas de conclure ».
Ces arguments sont réfutés par le CRIIGEN. « Nous avons déjà répondu à ces critiques dans un deuxième article, lui aussi relu et publié par Food and Chemical Toxicology », rappelle Joël Spiroux à Reporterre.
Le Criigen a publié un communiqué de presse à ce propos :
Le groupe y rappelle qu’une étude commanditée par Monsanto, utilisant la même race et le même nombre de rats, mais ne portant que sur trois mois, a également été publiée par la revue. « Pourquoi cette étude là n’est pas retirée ?, interroge le docteur Spiroux. Nous demandons à Food and Chemical Toxicology de la retirer également ! »
Pour Gilles-Eric Séralini et son équipe, la vraie raison de ce retrait est à chercher ailleurs : « En avril, M. Richard Goodman, qui a travaillé sept ans chez Monsanto, est arrivé dans l’équipe éditoriale de la revue. Il a pris la place de M. Domingo qui avait fait tout le suivi de notre article. Or peu après l’arrivée de M. Goodman, Food and Chemical Toxicology nous a encore une fois demandé les données brutes de notre étude », raconte Joël Spiroux. Avant d’ajouter : « Avant parution, il est normal que les relecteurs demandent à approfondir les données. Mais après publication, cela ne s’est jamais vu. »
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Richard Goodman
L’arrivée de Richard Goodman au comité scientifique de la revue aurait donc pu provoquer la remise en cause de l’étude du professeur Séralini. « Mais nous n’en avons pas la preuve », reconnaît Joël Spiroux. Les défenseurs de l’étude rappellent simplement que Richard Goodman a effectivement travaillé pour Monsanto de 1997 à 2004 et que sa nomination au comité éditorial de Food and Chemical Toxicology a suscité des débats, comme en atteste cet article du site internet américain Independant Science News, qui relève que Richard Goodman n’a jamais eu de relation avec la revue avant février 2013.
Dans la conférence de presse de jeudi, la députée européenne Corinne Lepage n’a donc pas hésité à dénoncer « une prise de pouvoir des lobbies ».
Une arme dans la bataille européenne
Surtout, elle rappelle que cette affaire intervient alors qu’en ce moment même, l’Union européenne étudie une demande pour cultiver le maïs OGM TC1507. Pour l’instant, seul le maïs MON810 est autorisé à la culture dans l’Union.
L’étude de Gilles-Eric Séralini aurait pu être citée par l’Europe pour refuser de nouvelles autorisations de culture. Mais son retrait de Food and Chemical Toxicology la gommerait du champ scientifique. Elle ne pourrait désormais plus être utilisée lors de l’évaluation des risques faite à chaque demande d’autorisation. « En ce moment, c’est la guerre des OGM en Europe et Monsanto place ses pions », estime Joël Spiroux. Pour l’instant, le statut du retrait est incertain, puisque l’étude est toujours publiée sur le site en ligne de la revue.
Les auteurs de l’étude s’inquiètent aussi pour l’avenir de la recherche sur les OGM. L’EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments) et l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) ont certes rejeté les conclusions de l’étude du Pr. Séralini. Mais ces deux agences ont recommandé que de nouvelles études, elles aussi de long terme, soit lancées.
Selon Corinne Lepage, l’offensive contre l’article de l’équipe Séralini montre bien que « les lobbies veulent fermer la porte à des études de long terme » sur les OGM.
Source: Reporterre via Sott.net
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