Depuis deux semaines, la nouvelle fait l’effet d’une bombe dans les couloirs des commissariats et des gendarmeries.
Suite à deux arrêts rendus par la Cour de cassation dans le cadre d’affaires notamment de stupéfiants, la Chancellerie a fait savoir aux policiers qu’ils ne pourraient plus avoir recours à la géolocalisation des téléphones portables telle qu’ils la pratiquaient jusqu’à présent dans le cadre d’enquêtes préliminaires. Une décision prise au nom du respect de la vie privée, qui signe l’acte de décès de ce qui s’appelait, dans le jargon policier, le « suivi dynamique ».
Pourtant, jusqu’alors, la pratique était monnaie courante : 70% des enquêtes préliminaires y avaient recours, notamment pour des affaires de criminalité organisée et de trafic de stupéfiants. Il faut dire que le procédé était simple : un simple coup de fil passé au procureur permettait aux enquêteurs d’adresser une demande aux opérateurs de téléphonie. Ceux-ci fournissaient les données nécessaires pour localiser un suspect : il ne restait plus qu’à aller le « cueillir ».
« Une grave perte de temps »
La procédure, désormais, sera bien plus complexe : pour localiser un suspect grâce à son téléphone, il faudra au préalable saisir un juge d’instruction ou un juge des libertés et de la détention (JLD). Ce qui peut prendre au minimum 48 heures : pas très pratique en cas de demande urgente… « Une grave perte de temps : imaginez en cas de disparition inquiétante ! », s’indigne Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat Alliance (2e syndicat des gardiens de la paix). Avant d’ironiser : « les voyous sont à la pointe de la technologie pendant que nous, on revient aux techniques des brigades du Tigre ! ».
Sans compter que les juges, à l’heure actuelle, considèrent déjà « crouler sous le boulot », comme nous le confie une juge établie dans l’Est de la France. « Sur le papier, l’idée est belle, puisqu’on peut reprocher à un procureur son manque d’indépendance. Mais dans les faits, les dossiers vont surtout continuer de s’accumuler – et les policiers, de râler… », estime-t-elle.
Fini aussi, les filatures ?
De quoi, donc, créer un vrai malaise au sein d’une profession qui va déjà mal. « Nous sommes consternés, réagit pour metronews Nicolas Comte, porte-parole du syndicat Unité SGP-police-FO (1er syndicat). Nous connaissons déjà une diminution des effectifs, une réduction de nos budgets, et là, maintenant, on nous retire nos outils de travail ? Jusqu’où va-t-on encore aller ? », s’agace le porte-parole, qui assure que des services entiers sont aujourd’hui « quasiment au chômage technique », les affaires en cours ayant été suspendues. Invité à réagir sur cette grogne, le ministère de la Justice n’a pas donné suite.
Reste que les conséquences de cette jurisprudence risquent de ne pas se limiter aux téléphones portables. Exemple avec une enquête sur un « go-fast » où, traditionnellement, les enquêteurs ont recours à des balises pour traquer les véhicules au moment du transport de drogue. « Comment fait-on, si un jour on nous empêche aussi de géolocaliser les voitures ? Nous serions obligés de mettre en place une surveillance physique 24h/24. Or nous savons très bien que nous n’avons pas les effectifs suffisants », regrette Nicolas Comte. Avant de faire part d’une autre inquiétude : « Si on suit la logique, à terme, c’est la filature que l’on va également nous interdire : elle est bien plus attentatoire à la vie privée que la géolocalisation ! »
Source: metronews.fr
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