Blogger Tips and TricksLatest Tips And TricksBlogger Tricks

6 sept. 2013

Il n'y a aucun fondement juridique à une intervention en Syrie

Des destroyers de l'US Navy.Alors que les puissances occidentales s'engagent dans une intervention militaire contre le régime syrien, il est tentant pour leurs dirigeants d'invoquer la licéité de leur entreprise pour persuader – même sans convaincre – de la justesse de leur cause. Celles-ci craignent que leurs sujets, habitués à la régulation juridique des rapports sociaux, ne s'offusquent d'une diplomatie restée "sauvage".

Peut-on, dans les conditions actuelles, invoquer le recours à l'arme chimique pour fonder une violation de la souveraineté syrienne ? Nullement. Faut-il, en conséquence, disqualifier le droit international positif, incapable d'accompagner une opération humanitaire destinée, nous dit-on, à mettre un terme à l'emploi présumé d'armes de destruction massive ? C'est oublier le précédent irakien, qui incite à la prudence, et négliger les conséquences d'une intervention qui pourrait s'avérer plus désastreuse que le mal auquel elle entend répondre.


CRÉER UN LANGAGE COMMUN

Il s'agit principalement de créer un langage commun et d'éviter que les rapports internationaux ne soient gouvernés que par la puissance. Sans droit du recours à la force, chaque Etat pourrait prétendre intervenir valablement sur le territoire d'un autre, quitte à se parer d'un droit dont il serait le seul inventeur et qui varierait au gré de ses intérêts. Pour éviter ce chaos, la Charte des Nations unies, comme le droit international coutumier, posent donc un certain nombre de règles lorsque l'Etat cible ne consent pas à une telle opération sur son territoire.

Seuls sont licites les recours à la force fondés sur des situations de légitime défense ou sur la sécurité collective. Cette dernière dépend du Conseil de sécurité de l'ONU qui peut ainsi autoriser ce qu'il faut alors qualifier de mesure de police. Il n'existe pas d'autres options. Le droit d'ingérence est une construction doctrinale qui ne trouve dans le concept de "responsabilité de protéger", forgé en 2005 dans un document onusien, qu'une application limitée au verbe. Toute ingérence demeure dépendante d'une habilitation du Conseil. En l'espèce, la Syrie est toujours contrôlée par le régime de Bachar Al-Assad et s'oppose à une intervention extérieure. Elle n'a agressé aucun de ses pairs, de sorte que la légitime défense est ici inopérante, à moins de retomber dans les dangers d'une attaque préventive qui fonderait alors l'intervention sur la menace d'une agression imminente de la Syrie contre on ne sait vraiment qui (la Turquie ?). Le Conseil de sécurité, pour l'instant, n'a autorisé aucune coalition à intervenir contre le régime syrien. Il n'est pas certain que la majorité exigée de neuf membres sur quinze soit réunie et, de toute façon, il faudrait compter avec les veto russe ou chinois, deux de ses membres permanents.

Que reste-t-il ? Le prétexte de l'emploi de l'arme chimique ? Lorsque François Hollande affirme vouloir "punir" la Syrie, où sont les preuves ? Surtout, la Syrie n'est pas partie aux conventions les plus récentes qui prohibent le recours à de tels moyens dans la guerre. Damas n'a accepté ni la convention de Paris de 1993 ni le statut de Rome de la Cour pénale internationale. Par ailleurs, l'existence d'une interdiction coutumière qui obligerait la Syrie n'a rien d'évident. Seul le protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologique, signé à Genève en 1925, pourrait permettre, sous certaines conditions exigeantes, de dénoncer un manquement de la Syrie à des règles internationales qu'elle aurait acceptées. En toute hypothèse, un tel constat ne saurait autoriser les uns ou les autres à une intervention militaire en guise de sanction.

QUELLES CONSÉQUENCES ?

En définitive, la "communauté internationale" semble rejouer une mauvaise pièce. Pourtant, le bilan de l'opération en Irak et les difficultés de la construction politique après la victoire militaire mériteraient d'être médités. A supposer même que la cause soit noble et qu'elle justifie un nouveau précédent d'intervention illicite, encore faut-il s'attacher aux conséquences d'une telle aventure. Or, la Syrie n'est pas un terrain accessible à une opération nécessairement limitée dans son envergure. La géographie, la densité de la population, l'obscurité des lignes de front, les appuis du clan Assad, la puissance du Front Al-Nosra affilié à Al-Qaida ou la fragilité du voisinage immédiat (on pense notamment au Liban) devraient, entre autres, inciter à la plus grande retenue. Pourquoi ne pas renforcer les sanctions contre le régime, parier sur de nouvelles discussions avec la Russie ou saisir la Cour pénale internationale ? Qui peut garantir que l'on a épuisé les alternatives ?


Julian Fernandez (Agrégé de droit public, professeur à l'université Lille-II) pour Le Monde

Aucun commentaire: