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10 mai 2013

L'Europe condamne la France à deux ans de galère



La Commission européenne s’apprête à donner un sursis à la France pour réduire son déficit public à 3% du PIB. Mais les conditions posées seront autant de problème pour le gouvernement socialiste.

La raison serait-il enfin de retour dans la politique économique de Bruxelles ? Le 3 mai le commissaire européen Olli Rehn estimait, « étant donnée la situation économique, qu’il serait raisonnable de prolonger de deux ans le délai » imparti à la France pour ramener son déficit public sous le niveau de 3% du PIB. 

Dans ce sursis quasi inespéré, Pierre Moscovici veut voir davantage que le simple constat de la réalité crue d’une Europe et une France engluées durablement dans la récession, mais bien« une réorientation vers la croissance. C'est un tournant décisif, la fin du dogme de l'austérité ». 

A Voir ! Le « délai » n’est encore qu’une proposition qui doit encore être validée par la Commission le 24 mai, puis avalisée par le Conseil européen en juin, où la parole d’Angela Merkel pèsera considérablement. 

Le « cadeau de Bruxelles » sera donc assorti de conditions, telles que l’application du très idéologique programme européen de « réformes structurelles substantielles», concernant les retraites, le marché du travail et l’ouverture à la concurrence, qui pourraient se révéler …négatives pour l’économie de l’Hexagone et les Français, sans apporter de marge de manœuvres budgétaires réelles. Revue de chausse-trapes. 

RETRAITES, CE SERA LONG ET DUR !

Le premier dossier sur la table sera certainement celui des retraites. 

Malgré quatre réformes du système depuis 1993, les« pensions », comme on dit à Bruxelles, sont le « mètre-étalon » de l’adaptation des pays membres au modèle social-libéral. 

L’an dernier déjà la commission demandait à la France de« poursuivre l'adéquation du système de retraite avec la trajectoires des finances publiques, et à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire ». 

Il est vrai que la crise a dégradé le système français dont le déficit pèsera 18 milliards d’euros en 2020 si rien n’est fait entre-temps. La facture pour les retraités risque d’être salée. « On sait que sur ce sujet la commission exigera des engagements à court, moyen et long terme », analyse un conseiller gouvernemental. Du coup, en plus de l’allongement de la durée de cotisation, l’hypothèse d’une désindexation des pensions par rapport à l’inflation, pour les retraités les plus « aisés » se renforce. 

Ce paramètre qu’aucun gouvernement n’a osé manipuler jusqu’à présent est très efficace financièrement: les syndicats et le patronat l’ont mis en œuvre pour les retraites complémentaires (Agirc et Arrco), obtenant une économie de 1,5 milliard d’euros dès 2014 ! 

Le résultat le plus paradoxal d’une telle mesure sur l’économie française pourrait être de déprimer un peu plus la consommation des ménages en poussant les Français à épargner encore davantage pour préserver leur niveau de vie futur. Mais vu de Paris, pas moyen d’y couper : « Sur ce dossier, nous avons une obligation de résultat, mais du moins le délai de deux ans nous donne le temps de négocier avec les partenaires sociaux… » soupire le conseiller. 


MARCHÉ DU TRAVAIL : OÙ EST LE TRAVAIL ?

Traditionnellement, la Commission européenne reproche à la France un marché du travail « segmenté »entre travailleurs précaires et salariés en CDI, et« rigide » du fait notamment de procédures de licenciements longues et coûteuses pour les employeurs, et recommande de déshabiller les uns pour, en théorie, mieux traiter les autres. 

De fait, une part de ces critiques deviendront obsolètes lorsque le Sénat aura validé le 19 mai prochain, la transcription dans la loi de l’accord social du 31 janvier dernier (ANI), qui de l’avis même du Medef, hisse la France « aux meilleurs standards européens de la flexi-sécurité ». Mais à quoi sert de réformer un marché du travail…où il n’y pas de travail ? 

Avec pour corollaire un taux de chômage des jeunes et des seniors en forte hausse (de 10 et 17% sur les douze derniers mois), période sur laquelle le nombre de postes à pourvoir collectés par Pôle Emploi a lui plongé de 18,5% ! 

Le gouvernement français pense qu’avec la future réforme de la formation, il aura satisfait les exigences de la Commission sur ce dossier qui divise les rangs de sa majorité. Il a manqué près de 41 voix socialistes à la loi « Sapin » de sécurisation de l’emploi, transcrivant l’accord ANI. La commission et le conseil pourraient néanmoins exiger d’aller plus loin. 

A Paris, la charge de la chancelière Allemande contre le SMIC, lui attribuant la responsabilité du chômage en France, n’est pas passée inaperçue… Autre pomme de discorde plus que potentielle : l’assurance chômage. La commission considère toujours qu’une couverture trop« généreuse » des demandeurs d’emploi les détournerait de la recherche active d’un emploi. Michel Sapin affiche se dit opposé à toute réforme profonde des indemnités de chômage. 

Néanmoins le gouvernement prévoit que les partenaires sociaux redéfiniront lors de la négociation Unedic « le cadre de l’indemnisation », avec le souci de l’équilibre du régime chômage. Le programme de stabilité transmis à Bruxelles en avril compte 500 millions d’euros d’économie dès l’année prochaine… en affiremant que ce serait le produit du retournement de la courbe du chômage. Or la Commission prévoit une hausse du nombre de demandeurs d’emploi l’année prochaine, ce qui interdit d’espérer une baisse « naturelle » du déficit de l’assurance chômage. 

Enfin soutenir l’emploi comme l’intime régulièrement Bruxelles, en abaissant les charges pesant sur le coût du travail, se révèle plus complexe que prévu dans l’Hexagone. Ainsi en remboursant aux entreprises et notamment aux PME dès 2013, 4% de leurs charges patronales, François Hollande cherchait à favoriser leurs embauches. 

A ce jour, à peine 1500 d’entre-elles ont déposé un dossier au titre du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi qui coûtera 12 milliards en 2014 puis 20 par la suite, que déjà, dans le secteur de la santé par exemple, certains de leurs donneurs d’ordres les somment de leur rétrocéder la moitié de cette manne en baissant le prix de leurs produits. Une exigence aussi illégale que nuisible pour l’emploi! 

CONCURRENCE : LE RETOUR D’ATTALI !

Cinq année de crise et une montée du chômage jusqu’à 12% de la population active de l’Union n’y auront rien fait : Bruxelles privilégie toujours la mise en concurrence des acteurs économiques du vieux continent plutôt que leur coopération industrielle, sociale, stratégiques pour stimuler la croissance et l’emploi. Fin mai, les transports, l’énergie ou les services tricolores risquent d’être une nouvelle fois sur la sellette. 

A commencer par la SNCF puisqu’un « 4e paquet de directives » prévoit de libéraliser complètement des trains de voyageurs à l’horizon 2019. Alors que Frédéric Cuvillier, le ministre des transports, bataille toujours résolument pour que la Commission, traditionnellement acquise à une séparation stricte des gestionnaires de réseaux et des transporteurs, accepte que l’Etat français replace cet automne sous sa tutelle les frères ennemis du rail : RFF plombé par plus d’1,5 milliard d’euros de déficit annuel et la SNCF. 

Un comble quand on sait que cette séparation, idéologiquement calquée en 1997 sur le secteur aérien, a en 16 ans généré une gabegie de plus de 8 milliards d’euros, comme l’a reconnu récemment Guillaume Pépy, le PDG de la SNCF. 8 milliards d’euros : avec cette montagne d’argent, on aurait pu doter toute l’Ile de France de RER flambants neufs… 

Dans la même veine, Bruxelles cherchera, comme le préconisait déjà le rapport Attali en 2008, à intensifier la concurrence dans les services. La commission devrait demander le démantèlement des protections dont bénéficient certaines profession S’il s’agit d’attirer des vétérinaires dans nos campagnes, d’augmenter le nombre de taxis ou rogner les prérogatives des notaires ou des avocats, pourquoi pas, si le consommateur s’y retrouve. 

En revanche, attention, aux douloureux effets boomerang. Enfin autoriser librement les distributeurs à fixer librement leurs prix ou assouplir leurs conditions d’installations, comme le préconise aussi la commission, risque franchement de laminer le petit commerce, du libraire à l’épicier de quartier. Le débat a déjà eu lieu au sein du gouvernement, en catimini. Benoît Hamon a refusé avec fermeté que sa loi « concurrence » serve de véhicule à des articles ouvrant l’accès à l’exercice des professions judicaires ou des taxis… 




BUDGET, BATAILLE POUR LA CAGNOTTE…

Au fait, quelle marge de manœuvre confère le report de l’échéance en 2015 ? 

Selon Eric Heyer, économiste à l’OFCE, il permettrait d’espérer un regain de de « 1% en deux ans », ce qui sortirait à peine la France de la récession avec un PIB en augmentation de 0,4% à 0,6% en 2014, et au-dessus de 1,5% en 2014 ! Pas de quoi bondir de joie ni de retourner franchement la courbe du chômage. 

Encore faut-il savoir utiliser cette bouffée d’air. Pas question pour Pierre Moscovici de lâcher les freins. A Berlin, le ministre de l’économie a tenu à rassurer son homologue Wolfgang Schäuble. La proposition de Olli Rehn n’est pas « une incitation au relâchement ou à la paresse ». A Bercy ou Matignon on compte bien maintenir « le sérieux budgétaire », pauvre cache misère de l’austérité maintenue, en serrant les boulons de 1% du PIB entre 2013 et 2014, soit 20 milliards d’euros. 

Tout juste le gouvernement espère-t-il que le sursis de Bruxelles permettra de ne pas augmenter les impôts au-delà de la hausse de TVA (6,5 milliards d’euros) déjà votée pour financer le CICE. Les autres taxes, notamment la « fiscalité écologique » sont repoussées à 2016, « s’il le faut ». 

Karine Berger, elle, propose de réduire de moitié l’effort de réduction du déficit pour l’année prochaine (0,5% du PIB) au lieu de 1%), pour que « puisqu’on a abandonné le dogme, il faut donc que la croissance reprenne enfin et suscite des recettes fiscales » 

A l’inverse, Jacques Pélissard, président de l’association des maires de France demande déjà que l’état étale à son tour la réduction des subventions allouées aux communes, au nom « de l’investissement »… Le débat à gauche ne fait que commencer.

LE GOUVERNEMENT REMANIÉ

Si le président de la République remanie le gouvernement, ce qu’il envisage désormais publiquement, il sera conduit à considérer l’adéquation de son équipe forcément resserrée avec les contraintes et le programme de réformes qui sortiront du conseil européen de juin. 

De là l’idée de remanier en priorité Bercy, aujourd’hui balkanisé entre sept ministres. 

Un membre du gouvernement évoque le retour au « Bercy de Bérégovoy », véritable citadelle sous l’autorité d’un super ministre, qui aurait pour pendant un grand ministère des affaires sociales (Travail et affaires sociales) capable de piloter les réformes de la protection sociale… Pour ces postes de quasi vice-premier ministre, Pierre Moscovici et Michel Sapin sont de fait, en lice… Mais chut ! Seul François Hollande sait ce qu’il décidera…

source : marianne.net

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