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21 mai 2013

La précarité mine l'activité des laboratoires



"Laissez-moi travailler !", soupire Stéphane, chercheur en neurosciences à l'Institut Cochin à Paris. Comme beaucoup de jeunes chercheurs, ingénieurs ou techniciens de laboratoire, il préfère témoigner de façon anonyme. Il ne supporte plus une situation anxiogène qui mine son activité : le changement d'attitude des organismes de recherche et des universités sur le front de l'emploi. La plupart refusent désormais de signer ou de renouveler des CDD de plus de trois ans. Descarrières sont brisées net.

"Les labos se vident. Autour de moi, ça "tombe"", constate Stéphane, dont le parcours témoigne de la précarité qui s'est installée dans les laboratoires. Depuis sa thèse soutenue en 2004, il a ainsi enchaîné deux ans de libéralités (un système révolu de salaires non déclarés), quatre ans de CDD payés par l'Inserm. Récemment, devant le refus du renouvellement de son contrat par l'organisme, il a accepté un CDD de deux ans auprès d'une Fondation. "Dans mon labo de 100 personnes, 60 sont en CDD, dont près de la moitié approche les trois ans fatidiques", appuie Cyril, chercheur en biologie à Paris. "Il y a un ras-le-bol. En devant cesser mon activité, je casse une dynamique de long terme. Le labo perd un savoir-faire et devra reformer quelqu'un", complète un chargé de communication d'un laboratoire parisien, qui envisage de devenir ébéniste.

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PRÊT À PARTIR À L'ÉTRANGER

"La situation est paradoxale : le système de recherche a évolué vers un financement sur des projets à durée déterminée, mais des règles administratives empêchent de les réaliser en embauchant les personnels", critique Alexandre, prêt à partir à l'étranger ou à monter sa propre entreprise si la situation perdure. Le pire est que l'argent existe puisqu'il est apporté par les projets lorsque le laboratoire gagne un appel d'offres soit de l'Agence nationale de la recherche (ANR), soit d'un programme-cadre européen, d'une initiative régionale ou d'une Fondation...
Tous ces jeunes passionnés cumulent les CDD comme 50 000 personnes dans leur cas, selon des estimations syndicales (20 000 selon le ministère de la recherche). L'imagination est de mise pour prolonger leur emploi : passer par des Fondations, créer une entreprise de conseil entre deux CDD de recherche,devenir autoentrepreneur et facturer ses services à son laboratoire, voire recourirà une société de portage salarial dont l'université sera cliente mais à un coût plus élevé qu'un CDD...

LOI SAUVADET DE MARS 2012

La loi Sauvadet de mars 2012, destinée à résorber la précarité dans la fonction publique en obligeant le passage au CDI pour les personnes en CDD depuis plusieurs années, ne tient pas compte des spécificités de la science et de la multiplication de la recherche sur projet et de son lot de CDD. "J'avais introduit un amendement permettant de recruter directement sans créer l'obligation, au-delà de six ans, de "cédéiser" ces agents, explique François Sauvadet, député de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) de Côte-d'Or. Mais il a été retiré en commission mixte paritaire à l'initiative notamment des députés socialistes",regrette-t-il.

Le ministère a déjà annoncé la titularisation de 8 400 personnes sur quatre ans, surtout pour des postes dits "supports" (administratifs, techniques...) dans les universités. "Pour en sortir, il faudra que l'agenda stratégique de la recherche fixe un plan pluriannuel avec des objectifs d'emploi et de crédits", explique Jean-Yves Le Déaut, député PS de Meurthe-et-Moselle, en mission auprès de la ministre de la recherche, Geneviève Fioraso. "Nous demandons aussi un bilan social pour chaque université et organisme, afin de bien évaluer la situation", ajoute le député.

"MÉCANISME VICIEUX"

"Dans ce mécanisme vicieux, la recherche sur projet n'est pas seule en cause. Les directeurs qui recrutent doivent aussi prendre leurs responsabilités", ajouteVincent Berger, président de l'université Paris-VII, qui titularisera sur son budget 80 personnes sur deux ans. Un appel à la responsabilité des organismes dans la gestion des ressources humaines que fait sien la ministre Geneviève Fioraso.

"Cette situation risque de diminuer l'attractivité de la recherche, que ce soit pour les jeunes ou pour les étrangers", craint Jean-Antoine Girault, directeur de recherche Inserm à l'Institut du Fer-à-Moulin, à Paris.

source : lemonde.fr

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