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24 nov. 2012

La naissance aquatique, méthode d'accouchement controversée

"Quand elle est sortie de l'eau, elle était toute propre, c'était mignon !" Isabelle Arzul garde un souvenir radieux de son accouchement dans l'eau en 1997. Installée "dans une sorte de jacuzzi" au centre hospitalier de Guingamp, entourée de sages-femmes, elle a ainsi donné naissance à sa "Manon des sources". "De mes trois accouchements, c'est celui que j'ai le plus apprécié, j'étais détendue, j'étais beaucoup moins dans la douleur, raconte-t-elle. Je peux même dire que ça a été un plaisir !"

La maternité publique de Guingamp, dans les Côtes-d'Armor, était, et reste encore aujourd'hui, un des rares endroits en France à pratiquer la naissance aquatique. Elle va désormais être suppléée par le centre de naissance aquatique Semmelweis, qui a ouvert ses portes dans la ville bretonne le 17 novembre. Le docteur Thierry Richard, à l'origine de ce projet et qui milite pour cette méthode"depuis vingt-cinq ans", compte sur une quinzaine d'accouchements dans l'eau par mois.

Le docteur Richard, également président de l'Association française de naissance aquatique, ne tarit pas d'éloges sur cette méthode d'accouchement. Il met notamment en avant "l'élasticité améliorée du périnée". Selon le gynécologue, l'accouchement dans l'eau permet de ne recourir à une incision préventive "que dans 10 %" des premières naissances "au lieu des 75 % habituellement". Cette incision, l'épisiotomie, permet un meilleur passage du bébé lors de la naissance mais est "source d'inconfort évident durant la cicatrisation et, plus tardivement, de troubles sexuels souvent sous-évalués", affirme Thierry Richard.

"NOUS NE SOMMES PAS DES DAUPHINS !"

Les partisans de la naissance dans l'eau soulignent également que cette méthode divise par trois, en moyenne, la durée de l'accouchement par rapport à la classique méthode "aérienne". Les contractions sont également moins intenses et le besoin d'anesthésie locale, la péridurale, "tombe à moins de 10 % au lieu des 40 % réalisés en France de nos jours", assure le docteur Richard.

Les accouchements aquatiques sont aujourd'hui couramment pratiqués dans plusieurs pays d'Europe (Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni), au Canada ou encore en Australie. Bien que le premier accouchement dans l'eau répertorié dans l'histoire le fut en 1803 en France, la pratique est très peu répandue dans l'Hexagone.

Et pour cause, l'accouchement dans l'eau est loin de faire l'unanimité. A Guingamp, l'avenir du Semmelweis n'est pas encore assuré. L'Agence régionale de santé (ARS) a même demandé sa "fermeture immédiate", saisissant le procureur de la République de Guingamp au motif qu'aucune autorisation n'a été délivrée. "Le docteur Richard veut développer une activité d'accouchement régulière et dans un lieu donné, donc pour nous il s'agit d'un établissement de santé, a expliqué Hervé Goby, directeur de l'offre de soins et de l'accompagnement de l'ARS Bretagne, sur France 3. Et toute création d'un établissement de santé demande une autorisation de l'ARS." Thierry Richard, de son côté, assume le fait de "passer en force" et met en avant le fait d'être assuré pour réaliser des accouchements à domicile. "A domicile ou dans le centre, c'est globalement la même chose", assure-t-il.

"Nous ne sommes pas faits pour [naître dans l'eau], nous ne sommes pas des dauphins !", raille le docteur Thierry Harvey, chef de la maternité des Diaconesses, à Paris. Avant d'étayer ses critiques : "C'est peut-être par ignorance, mais je pense qu'il ne faut pas tenter le diable. Dans l'eau, les bébés peuvent boire la tasse, je préfère ne pas le risquer. Et en cas de complications, comment faire ?,s'interroge-t-il. Du travail préparatoire dans l'eau, oui, nous en faisons nous-mêmes, mais dès que commence l'expulsion, nous passons sur la table d'accouchement."

Des arguments que réfute Thierry Richard. "Le risque de noyade, cela fait vingt-cinq ans qu'on nous en parle alors que des études, notamment par des chercheurs britanniques, portant sur des dizaines de milliers de cas, le réfute,affirme le gynécologue guingampais. Et en cas de complications, un système de sortie de l'eau intégré à la baignoire d'environ 1 500 litres permet de retravaillerrapidement dans des conditions classiques."

"PAS DE MÉTHODE IDÉALE"

Mais les études elles-mêmes divergent. En 2005, l'Académie américaine de pédiatrie (AAP) a analysé la littérature médicale disponible sur l'accouchement aquatique et en a tiré des conclusions très mesurées, affirmant que "la sécurité et l'efficacité de [cette méthode] n'ont pas été établies. Il n'y a aucune preuve convaincante de l'avantage pour le nouveau-né mais des inquiétudes de sérieuses nocivités."

Le Collège royal d'obstétrique et de gynécologie du Royaume-Uni a publié en 2006une déclaration commune avec le Collège royal des sages-femmes affirmant qu'"il n'y a pas de preuve de mortalité périnatale supérieure ou davantage d'admission dans les unités néonatales de soins intensifs dans le cas de naissances dans l'eau". Les institutions modèrent toutefois leur propos en soulignant un "manque de données de bonne qualité sur la sécurité" de cette méthode, qu'elles préconisent pour "les femmes en bonne santé" et non pour les grossesses compliquées.

De fait, la sélection est rude avant l'autorisation d'accoucher dans l'eau. Toutegrossesse à risque est écartée. "Pour que la mère puisse accoucher dans l'eau, elle doit être en bonne santé, l'enfant doit être seul – nous n'acceptons pas les cas de jumeaux, triplés... – et ne pas naître prématurément", explique Ilona van der Uloed. En cas de complications, comme à Guingamp, le Geboortecentrum est situé à deux minutes d'un hôpital.

La maternité des Lilas, en Seine-Saint-Denis, dispose également d'une baignoire d'accouchement. Seuls un ou deux bébés y naissent chaque année, sur les 1 600 naissances dans l'établissement. "Ce n'est pas une fin en soi mais seulement un outil parmi d'autres dans l'optique de gestion de la douleur, dans les cas où il n'y a pas de péridurale, explique la chef du service, Marie-Laure Brival. Il y a énormément de contraintes, cela ne répond en aucun cas à une simple demande de la future mère."

"Il n'y a pas de méthode idéale, souligne Marie-Claire Trévisiol, secrétaire générale de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes. Il faut répondre au minimum de sécurité et accompagner sans prendre de risques inutiles. Un professionnel n'hésitera jamais à dire 'non, ce n'est pas possible' à une femme selon le déroulement de l'accouchement, s'il y a un danger."

Alexandre PouchardLe développement des "salles nature"

Parmi les outils disponibles pour l'accouchement figurent les "salles nature", que plusieurs maternité ont adopté. Nulle trace d'herbe ou d'arbre dans la pièce, mais un aménagement particulier qui permet de faire oublier, autant que possible, l'environnement hospitalier : décor chaleureux, baignoire permettant un travail dans l'eau, tabouret d'accouchement ou encore la possibilité pour le couple d'apporter de la musique.

source : Lemonde.fr

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