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6 sept. 2012

L'encadrement des loyers, plus symbolique qu'efficace

Sur moins de 100 mètres, une demi-douzaine d'agences immobilières s'alignent rue d'Alésia dans le 14e arrondissement de Paris. Beaucoup sont restées ouvertes tout l'été. Les annonces de vente sont nombreuses, les locations beaucoup moins. Mais les prix, dans ce quartier commerçant, toujours aussi vertigineux. Un deux-pièces de 40 m2 s'affiche à 1 400 euros par mois, un trois-pièces à 1 800 euros et un 90 m2 "refait à neuf" attend preneur à 2 700 euros !

Un mois après l'entrée en vigueur du décret sur l'encadrement des loyers, signé par Cécile Duflot, ministre du logement, la mesure semble être passée inaperçue. Désormais, dans 38 agglomérations, le bailleur ne pourra plus imposer, lors d'une relocation ou en cours de bail, une hausse supérieure à l'indice de référence des loyers (IRL). "Nous n'avons quasiment pas eu de questions sur le sujet, de la part des locataires comme des propriétaires, explique-t-on à l'agence Scoti. De toute façon, depuis quelque temps, les propriétaires s'en tiennent à l'augmentation de l'indice IRL."

Cet indice, calculé chaque trimestre par l'Insee, correspond à la moyenne sur les deux premiers mois de l'indice des prix à la consommation hors tabac et loyers. Depuis un an, il n'a cessé de progresser passant de 1,60 % au premier trimestre 2011 à 2,20 % au deuxième trimestre 2012 (dernier indice publié en juillet).

UNE MESURE D'ENCADREMENT À CONTRETEMPS

Dans un paysage de la location devenu atone étant donné la cherté des prix, la mesure d'encadrement paraît arriver à contretemps. Chez Garance Immobilier, on explique : "Avec des locataires qui bougent tous les trois, quatre ans, rien qu'en appliquant l'augmentation "légale", les propriétaires s'y retrouvent. Et puis les loyers sont déjà à un tel niveau qu'à un moment se pose la question de la solvabilité du locataire."

Selon l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap), le loyer moyen pour les nouveaux emménagés de 2011 caracole à Paris à 23,4 euros par mètre carré. Mais comme l'attestent les chiffres publiés mardi 4 septembre par l'enquête Clameur (Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux), le marché locatif commence à se retourner. Et les prix à la relocation s'en ressentent.

"En moyenne à Paris, la hausse entre deux locataires est de 8 % mais quand on regarde dans les détails, la situation est plus complexe. En l'absence de travaux, elle n'est que de 1,1 % et de 3,4 % en cas de petits travaux, estime Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université de Paris-Ouest et auteur de l'étude pour Clameur. Seuls les gros travaux font s'envoler les prix, or dans ce cas de figure l'encadrement ne s'applique pas."

TRÈS PEU DE LOCATAIRES S'EMPARENT DE LA MESURE


Tout se passe comme si les locataires ne se faisaient aucune illusion. A l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil), chargée par le ministère du logement de répondre aux questions des locataires ou des propriétaires, via un numéro vert ( 0 805 160 111 ), les appels n'ont pas explosé, loin s'en faut.

Au 28 août, l'agence départementale de Paris a enregistré 85 demandes d'information ; dans les Alpes-Maritimes, où deux communes, Menton et Nice, sont concernées par l'encadrement 35 seulement ; à Bordeaux, tout au plus une vingtaine d'appels. Le site Internet du ministère du logement a aussi comptabilisé très peu de visites. Une campagne d'information nationale ciblée sur les grands sites Internet d'annonces immobilière sera lancée dans quelques semaines.

David Rodrigues, juriste à la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV), une association de défense des consommateurs, s'étonne lui aussi. "Les rares demandes de renseignements émanent plutôt des bailleurs. Très peu de locataires s'inquiètent de la manière dont ils vont pouvoirs'emparer de cette disposition, c'est pourtant le point essentiel."

Pour vérifier si l'encadrement est respecté, le nouvel occupant devra en effet disposer du montant de l'ancien bail. Or aujourd'hui aucun texte n'impose au propriétaire de fournir cette information. "A moins de connaître le locataire en partance ou de faire une enquête auprès des voisins, il va être difficile de comparer", explique ce spécialiste des questions de logement. Sylvain Nouallet, responsable d'une agence Orpi dans le XVIIe arrondissement de Paris, confirme :"Aucun locataire ne m'a jamais demandé des justificatifs pour vérifier le montant du loyer de son prédécesseur. Il faut être réaliste, le rapport de force n'est pas en leur faveur."


DES "SUBTERFUGES" À PRENDRE EN COMPTE


Cette absence de contrôle des bailleurs est une des principales limites du décret."Un propriétaire qui veut contourner le texte pourra le faire en fournissant par exemple de fausses quittances, en demandant un dessous-de-table ou même en décomposant le loyer. Quelqu'un qui loue un appartement avec parking peut, s'il est malhonnête, se "rattraper" en augmentant considérablement la partie parking, qui n'est pas concernée par l'encadrement", poursuit le juriste. "Certes, la grande majorité des bailleurs n'utiliseront pas ces subterfuges mais ils ne peuvent pas être complètement ignorés", estime M. Rodrigues.

En cas de différend, le locataire pourra, une fois son bail signé, saisir une commission départementale de conciliation. Une procédure gratuite mais contraignante. "Il faut être assez procédurier, avoir des éléments de preuve et estimer que le jeu en vaille la chandelle. Pour quelques dizaines ou centaine d'euros, est-ce que les gens vont dépenser du temps et de l'énergie ?", s'interroge David Rodrigues de la CLCV. Si aucun accord n'est trouvé, la personne peut engager une action devant un tribunal d'instance.

Dans l'entourage de Cécile Duflot, on défend l'utilité du dispositif : "Ce décret est imparfait, mais c'est un marqueur politique important et simplement une première étape avant une nouvelle loi sur le logement, prévue en 2013." Une loi que la ministre souhaite suffisamment ambitieuse pour bouleverser les rapports locatifs.

Catherine Rollot


Le décret d'encadrement est effectif depuis le 1er août

Le décret d'encadrement des loyers est entré en vigueur le 1er août pour une durée d'un an. Il concerne 38 agglomérations (27 en métropole et 11 en outre-mer) de zones dites "tendues" (notamment l'Ile-de-France, la Côte-d'Azur, le Genevois français...). Dans ces territoires, lors d'une relocation ou d'un renouvellement du bail, les loyers ne pourront plus excéder le dernier loyer appliqué, qui pourra être revalorisé sur la base de l'évolution de l'indice de référence des loyers.


Le texte prévoit des dérogations à ce dispositif d'encadrement, en cas de réalisation de travaux pour un montant au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer ou en cas de loyer sous-évalué. Dans ce dernier cas, le bailleur pourra alors appliquer une augmentation correspondant à la moitié de la différence entre les loyers habituellement constatés dans le voisinage et le loyer appliqué au précédent locataire.


Un nouveau dispositif Scellier pour début 2013

Il n'y aura pas d'interruption entre la fin du dispositif fiscal Scellier, qui favorise l'investissement locatif et disparaît à la fin de l'année,et le nouveau que prépare actuellement le ministère du logement. Le gouvernement a prévu que ce régime entre en vigueur le 1er janvier 2013. Il devrait tenter de le faire figurer dans le projet de loi de finances 2013, présenté le 24 septembre.


L'objectif du gouvernement est d'avoir un système ayant un caractère plus social, car le Scellier actuel "ne s'adresse pas à des familles à revenus modestes", précise un proche du dossier. Mais rien n'est encore arrêté, ni les conditions de plafond de loyer, ni les zones éligibles. Lundi 3 septembre, la ministre du logement, Cécile Duflot, a précisé que "plutôt que de s'appuyer sur l'ancien zonage, nous utiliserons un observatoire plus fin", qui est en cours de constitution. Cet observatoire délivrera également des données pour définir les zones d'encadrement des loyers.


source : lemonde.fr

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