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5 juil. 2012

Exemple du fait que les musulmans peuvent se fondre dans la culture occidentale

©Helene Jayet
Titre original : 
Une mosquée si discrète

A Saint-Pierre-des-Corps, la religion pousse là où on ne l’attend pas. Nous vous parlions récemment de cette salle de prière évangélique aménagée par la communauté des gens du voyage dans un ancien laboratoire pharmaceutique, juste à côté de l’aire d’accueil réservée aux nomades. Les musulmans de la commune possèdent eux aussi un endroit où nul ne soupçonnerait la présence d’un lieu de culte : le sous-sol d’une maison traditionnelle, en plein centre-ville. La bâtisse ressemble à ses voisines, peuplées de familles avec enfants et de retraités attachés à leur petit confort. 

Cinq fois par jour, entre la prière de l’aube et celle du soir, plusieurs dizaines de fidèles se rassemblent dans ce qui devait être autrefois le garage et la buanderie de la maison. La plupart viennent à pied ou à vélo depuis les immeubles des environs. Jeunes, vieux ou personnes d’âge mûr, la discrétion est leur point commun. Depuis un an que ce blog a été ouvert, nous avons longtemps cherché où était située cette mini-mosquée dont nous ne connaissions l’existence que par ouïe dire. En vain. Il a fallu qu’on nous y emmène.

Dotée de "jolis volumes" comme on dit dans les agences immobilières et d’un terrain d’environ 1000 m2, la maison appartenait auparavant à un couple de retraités bien connu à Saint-Pierre-des-Corps, M. et Mme Moisy, propriétaires d’une entreprise de transport dont l’activité perdure encore. Mis en vente en 2009 sur Internet, le bien est alors acheté au prix de 272.000 euros par Solidarité aux familles, une association locale à vocation culturelle. "Culturelle" et non "cultuelle" : la précision est d’importance.

Forte de 400 familles adhérentes issues majoritairement du quartier de la Rabaterie, Solidarité aux familles a été créée en 1998 dans le but d’apporter une aide matérielle aux foyers en difficulté, notamment quand survient un décès. Organisation du repas du défunt, assistance administrative pour les obsèques, contribution au rapatriement du corps si nécessaire… L’association prodigue également des cours d’arabe à destination des enfants des 2e et 3egénérations d’immigrés. A la rentrée, elle proposera du soutien scolaire.


Aménager un lieu de culte ne figurait pas, au départ, parmi ses objectifs. "Cela faisait quinze ans que les habitants du quartier en réclamaient un et qu’ils nous mettaient la pression en ce sens. Nous refusions régulièrement car un tel projet nous paraissait trop lourd à porter", raconte Mohammed Benbedra, le président de Solidarité aux familles. Un élément fera basculer le bureau de l’association : la construction d’une grande mosquée, à l’ouest de l’agglomération tourangelle.

Actuellement, le principal lieu de culte musulman de Tours est situé à l’est de la ville, à environ trois kilomètres du quartier de la Rabaterie. S’y rendre – notamment le vendredi pour la principale prière de la semaine - est relativement pratique depuis Saint-Pierre-des-Corps. Mais qu’en sera-t-il demain quand l’endroit sera remplacé par la nouvelle mosquée (3.000 m2 pouvant accueillir 2.500 fidèles) ? "Les personnes âgées, qui font le gros des pratiquants, auront du mal à y aller tous les jours. On a finalement préféré prendre les devants", explique Mohammed Benbedra.

Un parcours du combattant attend alors l’association. Une première recherche immobilière la conduit devant une ancienne station-service, fermée depuis plusieurs années. Les négociations vont aller bon train, on discutera promesse de vente et rendez-vous sera même pris en mairie pour exposer le projet de salle de prière… Mais arrivé devant le notaire, patatras ! Le propriétaire ne veut subitement plus vendre. Ou plutôt : il a semble-t-il proposé son bien en parallèle à un autre acheteur potentiel, le bailleur social ICF Atlantique qui emportera la mise au final. La possible "pression des riverains" a-t-elle joué, comme on le pense en mairie ? Mohammed Benbedra n’en sait rien.

Le responsable associatif poursuit ses recherches et tombe donc sur cette maison de ville située au pied des grands ensembles de la Rabaterie. Tope-là ! L’association casse sa tirelire remplie de deniers du culte et de dons accumulés au fil des années, mais aussi de ventes de calendriers, d’organisations de brocantes et autres tournois de foot. Des travaux sont nécessaires : ce sera l’occasion de montrer ce que le mot solidarité veut dire. Tout ce que la communauté compte d’électriciens, de peintres et de maçons met la main à la pâte. "En faisant ainsi nous-mêmes une partie des travaux, on a dû économiser entre 50.000 et 80.000 euros", estime Mohammed Benbedra. Les anciens, de leur côté, créent un potager à l’arrière de la maison, là où l’entreprise Moisy garait ses camions. Des figuiers, des cerisiers et des pêchers seront plus tard plantés. Côté culte, un ancien imam, retraité de la mosquée de Tours, est invité à reprendre du service.

Mais l’association ne veut pas en rester là. Dans son élan, elle envisage aujourd’hui de construire une extension d’au moins 200 m2 dans laquelle seraient aménagés une seconde salle de prière, un bureau pour l’imam, une pièce réservée aux ablutions, une salle de cours… Coût de l’opération : 300.000 euros. Mais sans doute beaucoup moins si tout le monde s’y met à nouveau.

Et à condition que le projet aboutisse sur le plan administratif... La demande de permis de construire traine en effet en longueur depuis trop longtemps. Il manque toujours une pièce au dossier et les subtilités juridiques ont de quoi décourager les plus vaillants bénévoles. Le dernier obstacle ? L’obligation d’installer un ascenseur dans le futur bâtiment.

Mohammed Benbedra ne cache pas une certaine lassitude. "En même temps, c’est bien : cela nous permet d’apprendre plein de choses. Car nous sommes très attachés à tout faire dans les règles pour construire un lieu qui soit digne de la République et qui réponde aux normes d’accessibilité, de sécurité et autres. Il va sans dire que nous n’avons demandé aucune financière ni quoi que ce soit d’autre. Nous voulons y arriver par nous-mêmes. Beaucoup de personnes ne nous en croyaient pas capables car ils ne voyaient en nous que des retraités, des Rmistes ou des petits salariés", raconte cet ouvrier de l’usine SKF de Saint-Cyr-sur-Loire (leader mondial du roulement à billes).

La mairie ne s’est pas opposée à la vente de la maison, ni au projet d’extension. Sa seule crainte est que la salle de culte attire des pratiquants d’autres communes qui viendraient perturber les plans de stationnement et de circulation. "Seuls les musulmans de Saint-Pierre-des-Corps fréquenteront la nouvelle salle de prière", assure Mohammed Benbedra. A l’en croire, les relations avec les habitants les plus proches sont au beau fixe. Régulièrement, des pâtisseries orientales sont offertes aux voisins – voisins que Mohammend Benbedra connaît d’ailleurs bien, lui qui n’a jamais quitté le quartier depuis son arrivée ici en 1967.

"Je sais que l’islam fait peur en ce moment, conclut-il. Mais il vaut mieux qu’un projet comme celui-ci soit porté par des gens de la ville, comme nous, plutôt que par des inconnus."

source : LeMonde.fr





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