L'Iran a régulièrement fourni des conseils au président syrien depuis le début du soulèvement. C'est ce que semble montrer une énorme masse de mails reçus et envoyés par Bachar El-Assad, et interceptés par l'opposition. On y voit aussi la famille Assad mener une vie luxueuse, coupée de la crise que vit le pays. (ndlr) Tout comme nos dirigeants démocrates si soucieux d'égalité.
Bachar El-Assad a demandé conseil à l'Iran sur les moyens de réagir au soulèvement contre son régime. C'est ce qui ressort de quelques-uns des milliers de courriels envoyés, semble-t-il, par le dirigeant syrien et son épouse. Il aurait également été averti par des rapports détaillés de la présence de journalistes occidentaux dans le quartier de Baba Amr à Homs.
Ces révélations proviennent de plus de 3 000 documents qui, à en croire des militants, auraient été téléchargés à partir de comptes privés appartenant à Assad et son épouse Asma. Ces messages, queThe Guardian a pu se procurer, auraient été interceptés entre juin et février par des membres du Conseil suprême de la révolution, un groupe de l'opposition. Ils font surface au moment du premier anniversaire d'une révolte qui a causé la mort de plus de 8 000 Syriens, et brossent le portrait d'une famille étonnamment coupée de la crise grandissante, qui continue à mener grand train. L'épouse du président aurait dépensé des milliers de dollars par Internet pour acheter des produits de luxe, pendant que son mari transférait des liens de divertissement sur son iPad et téléchargeait de la musique sur iTunes. (ndlr) Il est certain que venant du président Mr Sarkozy exhibant sa rolex, et de sa femme Mme Bruni ayant un penchant pour la chirurgie, ce même comportement est grandement moins révoltant vis-à-vis du peuple qui affronte quotidiennement la crise !
The Guardian s'est efforcé d'authentifier ces courriels en comparant leur contenu à des faits établis et en contactant dix personnes dont les coordonnées apparaît dans ce gisement de messages. Ces vérifications semblent confirmer l'authenticité des courriels, mais il n'a pas été possible de valider chacun d'entre eux.
Les activistes prétendent qu'une taupe au sein du cercle privé du président leur aurait fourni les noms d'utilisateur et les mots de passe utilisés par le couple. Les adresses électroniques passent par le nom de domaine alshahba.com, un groupe de sociétés appartenant au régime. A partir du 7 février, l'accès aux comptes a été interrompu, après la réception d'un message de menace dans la boîte qu'Assad aurait utilisée. L'existence de ces comptes avait en effet été dévoilée quand le groupe Anonymous a, de son côté, piraté plusieurs adresses électroniques du gouvernement syrien. Le jour même, toute correspondance cessait de et vers ces deux adresses.
Ces messages semblent montrer qu'Assad aurait été conseillé à plusieurs reprises par l'Iran ou ses alliés pendant la crise. Avant un discours en décembre, son conseiller médiatique lui aurait préparé une longue liste de sujets, soulignant qu'il se fondait sur des "consultations avec un grand nombre de personnes, dont le conseiller médiatique et politique de l'ambassadeur iranien". La liste était accompagnée de recommandations invitant le président à user d'un langage "puissant et violent" et à faire preuve de gratitude envers des "Etats amis" pour leur soutien. Il était par ailleurs conseillé au régime de laisser "filtrer davantage d'informations quant à [ses] capacités militaires" afin de convaincre l'opinion publique que la Syrie était en mesure de résister à une menace militaire.
Le président a en outre bénéficié de l'appui d'Hussein Mortada, un influent homme d'affaires libanais entretenant des liens étroits avec Téhéran. En décembre, Mortada aurait enjoint Assad de ne plus accuser Al-Qaida d'être responsable de ce qui était, semble-t-il, un double attentat à la voiture piégée à Damas. "Il n'est pas dans notre intérêt de dire qu'Al-Qaida est derrière cette opération parce que cette affirmation [exonèrera] le gouvernement américain et l'opposition syrienne, aurait écrit Mortada peu après les attentats. J'ai eu des contacts avec l'Iran et le Hezbollah, et ils m'ont avisé de ne pas dire qu'Al-Qaida était responsable de l'opération. C'est une erreur tactique et médiatique flagrante."
Depuis le début du soulèvement, il y a un an, l'Iran et le Hezbollah ont été accusés de fournir un soutien sur le terrain à la répression menée par le régime, et même d'envoyer des hommes se battre aux côtés des forces du régime, ainsi que des spécialistes chargés d'aider à identifier les activistes qui se servent d'Internet. Téhéran et le Hezbollah nient l'un et l'autre être allés au-delà d'un soutien moral.
Tout au long de l'année 2011, il semble que l'épouse du président ait entretenu une correspondance régulière avec Mayassa El-Thani, fille de l'émir du Qatar. Mais leurs relations se seraient refroidies au début de 2012, Thani ayant suggéré ouvertement que le dirigeant syrien démissionne. "Mon père considère le président Bachar comme un ami, en dépit des tensions actuelles, aurait-elle écrit le 11 décembre. Il y a déjà longtemps que l'on est passé à côté de la possibilité d'un véritable changement. Quoi qu'il en soit, quand une porte se ferme, d'autres s'ouvrent - et j'espère qu'il n'est pas trop tard pour réfléchir et pour sortir de cet état de déni."
Dans un deuxième courriel daté du 30 janvier, elle se montre plus directe, incluant même une offre tacite de départ en exil. "Viens juste de suivre les derniers développements en Syrie ... en toute honnêteté - face à la marche en avant de l'histoire et à l'escalade des événements récents - nous constatons deux résultats - des dirigeants qui démissionnent et qui obtiennent l'asile politique, ou des dirigeants qui sont agressés brutalement. Je pense honnêtement que c'est une bonne occasion de partir et de redémarrer une vie normale. Je suis sûre que vous pouvez vous tourner vers bien des endroits, y compris Doha."
Les mails semblent aussi montrer qu'Assad avait constitué un réseau d'hommes de confiance qui lui rendaient des comptes directement via son compte privé. Cette façon d'être en prise immédiate avec l'information, indépendamment des services de renseignement et de l'armée de l'Etat policier, était un trait caractéristique du père du président Hafez El-Assad, qui a gouverné la Syrie pendant trente ans jusqu'à sa mort en 2000. Hafez El Assad était connu pour avoir mis en place un système de renseignement multiple, les informations lui parvenant par des responsables de la sécurité et des conseillers fidèles, dans l'espoir d'éviter que l'un ou l'autre service devienne trop puissant et finisse par le menacer. Son fils aurait fait preuve du même instinct depuis qu'il est au pouvoir.
Dans le domaine médiatique, Assad s'appuie beaucoup sur deux jeunes Syriennes formées aux Etats-Unis, Sheherazad Jaafari et Hadeed El-Al. Toutes deux rappellent régulièrement au président l'importance des réseaux sociaux et des interventions dans les discussions en ligne. D'après les courriels, cette équipe aurait également persuadé Twitter de fermer des comptes qui prétendent représenter le régime syrien.
Des semaines après que l'adresse sam@alshahba.com a été compromise en février, une chaîne de télévision officielle syrienne a diffusé deux reportages niant que cette adresse avait été celle de Bachar El-Assad. Selon les militants de l'opposition, cela aurait eu pour but de discréditer toute nouvelle fuite éventuelle en provenance de ces comptes.
courrierinternational.com
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