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26 janv. 2012

Mais où est donc passé l’amendement Siré ?

Cela fait plus de deux mois maintenant que le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, a été adopté à l’assemblée nationale par le seul groupe UMP majoritaire. Les députés n’ont pas eu conscience de l’émoi jeté dans le monde de la restauration par l’amendement de Fernand SIRÉ, car à la tribune, au moment des explications de vote, pas un seul des quatre orateurs n’y a fait la moindre allusion. 

Pourtant, chez les blogueurs culinaires, comme sur les réseaux sociaux, les professionnels et amateurs du secteur n’ont parlé que de cela. Si les syndicats ont eu l’air un moment de ne pas savoir sur quel pied danser, Monsieur Denamur a fait sauter les bouchons de champagne et le Chef SIMON s’est écrié : « Que la bête meure ! ». Donc il suffisait de deux lignes au Journal officiel pour que le mal qui ronge la restauration, que dis-je ? La façon de se nourrir de tout l’occident, mette un genou à terre… pourquoi donc ne l’avoir pas fait plus tôt ? Ou est passé le lobby de l’industrie agroalimentaire, – que l’on disait si puissant, qui a laissé sans réagir un député Sarkozyste déposer un amendement qui lui ferait forcément du tort ?

Il faudra attendre, bien sûr, le décret d’application, car le texte est plutôt flou, et je m’en étonne : « disposer d’une information claire leur permettant de savoir si les plats qui leur sont proposés dans les établissements de restauration ont été on non confectionnés dans l’établissement et basés sur des produits frais ». Le premier point, qui pour y répondre, impose de facto la présence d’au moins un cuisinier par restaurant est nécessaire. Petit à petit, comme le titre de Maître Restaurateur, il amènera à des comportements qualitatifs par l’exemple.

Le deuxième point est beaucoup plus problématique pour les restaurants, petits ou grands, qui ont pour mission de nourrir les millions de Français qui, chaque midi, sont obligés de manger hors de leur foyer à un prix compatible avec leur budget. Dans un billet précédent, j’ai expliqué en détail comment des produits bruts crus, surgelés ou sous vide, épluchés et taillés pour les légumes, filetés pour des poissons, désossés et piècés pour des viandes, pouvaient aider à maintenir un prix de revient assez bas ; notamment par des économies de temps, et l’absence de gaspillage. La discussion parlementaire semblait vouloir dénoncer tout particulièrement les surgelés, alors qu’un bon produit surgelé vaudra toujours mieux qu’un produit frais qui aurait traîné sur un étal ou sur la glace. Un recul du surgelé en petite restauration, et c’est le risque d’intoxication qui remonte !

Faisons un peu de prospective… que va faire le client ? J’espère qu’il se détournera des quelques milliers d’escrocs installés dans les centres touristiques qui lui font souvent payer à prix d’or de la nourriture industrielle. Pour le gros des bataillons qu’est la petite restauration, je n’ai pas de certitudes, mais des craintes. Étudions maintenant les diverses possibilités :

– Il ne change rien à ses habitudes. à douze ou quinze euros de budget pour le repas de midi, il n’a guère le choix, car rares seront les restaurants, qui à ce prix, pourront revendiquer cette production entièrement maison et fraîche. D’ailleurs il l’aime bien « son » restaurant ; et pour lui, le bio et la fraîcheur sont des préoccupations de riches.

– Il prend conscience d’une réalité qu’il ignorait ; il se détourne de la petite restauration au quotidien, en préférant « manger à la gamelle ». Pour des raisons économiques, c’est une pratique qui s’est réinstallée dans de nombreux bureaux. Convenons que ce serait un coup dur pour l’emploi !

– Il estime que, tant qu’à manger des produits surgelés, ou avoir à déchiffrer les signes sur les cartes, autant fréquenter les restaurants de chaîne dont il connait depuis longtemps le concept et le rapport qualité prix qui ont fait leurs preuves. Une part de marché supplémentaire pour les grands groupes.
Venons-en maintenant à ce que vont faire les tenanciers des endroits où l’on mange partiellement, ou totalement, de la cuisine d’assemblage ou surgelée :

– Vont-ils prendre soudainement conscience de leur vilenie et embaucher aussitôt un ou deux cuisiniers qualifiés afin de faire de la vraie cuisine ? Il en manque déjà au moins 60 000 dans toute la France.

– Vont-ils pousser les murs de leur cuisine de bistrot totalement inadaptée au travail en frais ?

– Vont-ils se mettre aux épluchages et allumer les fourneaux à sept heures du matin pour servir des plats dignes de leur renommée, dès midi ?

Certains pourront heureusement s’adapter s’ils ont le personnel nécessaire et le débit suffisant. Notamment ceux qui n’avaient pas encore compris qu’il faut en finir avec les cartes à rallonge… Ceux-ci seront peu nombreux, car pour rentabiliser un établissement à ticket moyen assez bas, il faut dans ces conditions au moins cent couverts par jour.

Donc la majorité des petits restaurateurs indépendants va continuer comme avant ; faute de pouvoir faire autrement, par manque d’imagination et surtout afin de rester concurrentiels. Ils mettront des astérisques sur leurs menus, les plus petits possibles, en espérant que le client n’en tienne pas compte…

Cette loi fera-t-elle émerger une nouvelle restauration économique chez nous ? Peut-être que oui, car cela existe déjà dans certains pays à culture écologique forte, comme l’Allemagne. On y trouve des restaurants décorés en blanc et en vert pomme, frais comme ce qu’ils mettent en avant dans leur cuisine : de nombreux plats végétariens, pas d’OGM, du Bio, de l’allégé, et un mur de caisses d’orange et d’ananas pour attester que les jus de fruits sont naturels.

Pour le reste, l’aspect frais, coloré et aérien de chaque plat semble avoir été préféré au goût somme toute très banal. Il n’y a bien sûr pas de service, car cela reste des fast-foods dont les cuisines sont certainement centralisées. Il est évident que quand on rajoute de la difficulté, ce sont encore les Chaînes de restauration qui sont les plus à même d’anticiper et d’imaginer les concepts qui garantiront, et même développeront leur part de marché. Est-ce bien cela que veulent les défenseurs de cette loi ? C’est une fausse bonne idée car le mal vient de plus loin : la malbouffe ne se limite malheureusement pas à la restauration qui peut-on au moins l’espérer s’améliorera en même temps que l’ensemble de l’alimentation. Certains me diront que je rabâche, mais le titre de Maître Restaurateur me semble une première étape qui va dans le bon sens, parce qu’il met en avant un véritable travail de cuisinier.

Pour conclure : ce qui peut paraître anecdotique, étant donné le nombre de clients servis, c’est le fait que la grande gastronomie est totalement opposée à l’amendement Siré. Elle a mandaté Régis Marcon pour aller le proclamer sur toutes les tribunes. L’obligation de dire la vérité limiterait-elle la créativité ou serait-elle briseuse de rêve ?… Cela me donne à penser que ce sont ces restaurants de la grande gastronomie que fréquentent souvent nos ministres et nos législateurs. Quelque chose me dit que les décrets d’applications ne vont pas sortir tout de suite !

à suivre...

agoravox.fr

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