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27 janv. 2012

La négation de la Shoah ne sera pas punie aux Pays-Bas

Face à la recrudescence de l’antisémitisme aux Pays-Bas, un député proposait de criminaliser la négation de l’holocauste. Le gouvernement est hostile au projet, au nom de la sacro-sainte liberté d'expression. Une position qui contraste avec la récente adoption, en France, de la loi pénalisant la négation du génocide arménien.


Un parlementaire néerlandais, Joël Voordewind (parti protestant Christen Unie), avait proposé une loi criminalisant non seulement la négation de l’holocauste, mais aussi sa minimisation. Le gouvernement néerlandais vient de se prononcer contre.
Recrudescence inquiétante de l’antisémitisme
Voordewind justifiait son projet de loi par la recrudescence récente de l’antisémitisme aux Pays-Bas. Et pas uniquement dans les quartiers majoritairement habités par des populations musulmanes, comme le déclarent volontiers Geert Wilders et autres populistes du PVV. Dans les sphères sportives et culturelles aussi, comme en témoigne l’affaire de l’ADO-La Haye.

En mars 2011, les supporters du club de La Haye, après leur victoire contre le club de l’Ajax, ont entonné une chanson "nous allons à la chasse aux Juifs". Deux vedettes du club, Lex Immers et Charlton Vicento, se sont jointes aux supporters et ont même dansé sur le chant antisémite en présence de leur entraîneur et de son assistant, qui n’ont pas cru bon de réagir…

Même si, dans le jargon des supporters de La Haye, "juif" signifie en réalité "joueur de l’Ajax", la fédération néerlandaise de football ne l’a pas entendu de cette oreille et a imposé au club la plus lourde amende infligée aux Pays-Bas. Les joueurs et l’entraîneur ont ensuite présenté leurs excuses.

Ce cas est loin d’être isolé. Au point que Frits Bolkestein, ancien commissaire européen et ex-ministre libéral conseillait aux "Juifs de quitter les Pays-Bas". Ce que 60 % d’entre eux envisageraient selon une enquête réalisée par Giulio Meotti et relayée par le site de droite Xandernieuws…
La liberté d’expression, fondement du modèle néerlandais

Mais la liberté d’expression est un fondement du modèle néerlandais, élaboré au cours des siècles par des communautés religieuses d’abord (luthériennes, catholiques, calvinistes), politiques ensuite (libéraux, socialistes) qui, à travers le respect absolu de l’opinion d’autrui, ont pu maintenir la cohabitation de groupes souvent antagonistes.

Depuis les années 1960, l’afflux massif d’immigrants en provenance des anciennes colonies néerlandaises (Indonésie, Antilles néerlandaises, Surinam) et de tous les coins du monde, ont donné lieu à une refonte de ce modèle en "société multiculturelle", très contestéeaujourd’hui.

Dans ce modèle, il n’y a (théoriquement) pas de place pour l’antisémitisme ou toute forme de racisme ou de xénophobie. Mais les tensions entre les différentes communautés s’accroissent, débordant parfois en violences physiques.
La liberté d’expression y compris pour les extrêmes

"La liberté d’expression vaut-elle aussi pour les racistes?", se demandait déjà en 2009 le politologue néerlandais Meindert Fennema1. Il y dénonçait le climat de tensions communautaires et la tentative de certains d’étouffer le débat au nom des droits de l’homme ou de la liberté religieuse.

C’est la justice néerlandaise qui a répondu à la question le 23 juin 2011: elle acquittait en effet Geert Wilders de tous les chefs d’accusation - que ce soit la discrimination ou l’incitation à la haine. Wilders avait, selon la cour, exprimé son opinion sur une religion - l’islam, qu’il avait traité de "religion fasciste" - et non pas discriminé ou appelé à la haine contre un groupe de personnes.

Certains y on vu la fin de la tolérance néerlandaise, mais pour la plupart des médias du pays, c’était la liberté d’expression qui avait gagné ce jour-là.

C’est donc ce respect absolu de la liberté d’expression qui a prévalu dans les critiques émises par le Conseil d’Etat à l’encontre de la proposition de loi de Joël Voordewind. Et dans le refus du gouvernement de donner suite à une criminalisation de la négation de l’Holocauste.
Contraste étonnant avec la France

Cette position contraste violemment avec la position française, où le Parlement puis le Sénat ont voté une nouvelle loi contre la négation ou la minimisation du génocide arménien. Une loi qui empêche désormais journalistes et historiens d’enquêter sérieusement sur le sujet et de mettre au jour une vérité historique divergente - si modestement soit-il - de la "vérité légale".

Ce type d’intervention est très mal compris aux Pays-Bas. Les partisans d’une telle loi sont très peu nombreux, à gauche comme à droite. Geert Wilders, pourtant fervent partisan d’Israël et qui se prononçait dernièrement pour que le gouvernement néerlandais présente ses excuses aux Juifs pour son inaction lors des déportations de la deuxième guerre mondiale,suggère d’envoyer "les négateurs de l’Holocauste chez le psychiatre" plutôt que de légiférer en la matière…
Quatre génocides reconnus par l'ONU

La sanction pénale à l’encontre des propos négationnistes n’est pas le simple fait des États, mais bien une prescription communautaire. Dans sa décision cadre de 2008 sur "la lutte contre le racisme et la xénophobie", l’Union européenne signifie aux États que sont punissables en tant qu’infractions pénales "l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publique des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre tels que définis dans le Statut de la Cour pénale internationale".

Si la CPI ne les énonce pas, l’ONU reconnait quatre génocides:
La Shoa,
Le génocide arménien de 1915,
Le génocide rwandais,
Et celui des Musulmans de Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine.

Le rapport de l'association Liberté pour l'Histoire, présidée par l'historien Pierre Nora, fait le point sur l'adoption de cette directive dans les différents pays européens. Il y a donc d’abord ceux qui s’y tiennent, totalement ou partiellement. La France vient de faire un pas de plus dans ce sens, après le vote du Sénat ce lundi, qui ouvre la voie à une loi pénalisant la négation du génocide arménien de 1915.

Il y a surtout l’Allemagne. Depuis 1994, quiconque "justifie, nie ou minimise" publiquement les crimes commis "sous le régime nazi" (art. 130.3 du Code pénal) sont passibles d’une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement ou d’une amende. Les crimes commis en dehors de sa propre Histoire et des crimes jugés par le Tribunal de Nuremberg ne sont en revanche pas soumis à ce dispositif pénal.

L’Autriche, la Belgique ou la Roumanie punissent également de manière spécifique la négation de l’Holocauste, sans mention des autres génocides.

Plus volontaristes, l’Espagne, le Portugal, Malte, ou encore la Hongrie pénalisent le négationnisme de tout génocide ou crime contre l’humanité, sans exception.
Ceux qui rejettent la pénalisation du négationnisme

Cinq pays ont décidé de ne pas recourir au pénal. Le Royaume-Uni a botté en touche la décision-cadre de l’UE, arguant que son Public Order Act la couvrait d’ores et déjà. En réalité, ce texte, daté de 1986, se contente de réprimer tout acte d’incitation à la haine raciale, sans mention du négationnisme de génocide.

L’Irlande (Prohibition of Incitement to Hatred Act de 1989), les Pays-Bas (article 137, alinéas c, d et e, du Code pénal), le Danemark (article 266.b, CP) et la Suède (chapitre 16, section 8, CP) ont fait de même.

Ces quatre États sont fermement opposés à la décision-cadre de l’UE dont ils refusent les références à des événements historiques précis. Et ce pour une et même raison: la liberté d’expression.

[1] Geldt de Vrijheid van Meningsuiting ook voor Racisten? H.J. Schoo-lezing, Amsterdam, 2009.
Source:myeurop.info

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