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3 janv. 2012

Iran : la veuve d'un physicien nucléaire dénonce un acte terroriste

En Iran, "physicien nucléaire" est devenu un métier à haut risque. Ces derniers mois, trois d'entre eux ont péri dans de mystérieux attentats, alors qu'un quatrième a échappé de justesse à la mort. A chaque fois, Téhéran accuse Washington et Tel Aviv d'avoir commandité ces meurtres.

Dans le cas de Massoud Ali Mohammadi, physicien de l'université de Téhéran soufflé par une bombe le 12 janvier 2010, d'autres motifs ont été avancés. Ce professeur était proche du mouvement vert, qui a contesté la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009.


Cependant, des méthodes similaires ont été utilisées le 29 novembre 2010 contre Fereydoun Abbassi Davani, un spécialiste de la technologie des lasers travaillant pour le ministère de la défense. Un explosif a été apposé par des motards sur la portière de sa voiture alors qu'il roulait dans les rues de Téhéran. Il a survécu miraculeusement à l'attentat et a, depuis, été nommé à la tête de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA). Le même jour, Majid Shahriari, responsable du projet des réacteurs nucléaires au sein de l'OIEA, perdait la vie dans une attaque analogue. Plus récemment, le 23 juillet 2011, Daryoush Rezaei, un scientifique de 35 ans qui entretenait des liens avec l'OIEA, était abattu par balles, devant son domicile téhéranais.
Un mois plus tard, un certain Majid Jamali Fashi a été condamné à mort pour l'assassinat de Massoud Ali Mohammadi. Il avait auparavant confessé, à la télévision iranienne, avoir été recruté et entraîné par les services secrets israéliens.
Mansoureh Karami, la veuve du physicien Massoud Ali Mohammadi, était de passage à Paris en septembre pour le VIIe congrès international des victimes du terrorisme, placé sous le haut patronage du président de la République. Elle nous a livré sa version des faits.




Que s'est-il passé ce 12 janvier 2010 ?
Mansoureh Karami : Comme d'habitude, mon mari est parti très tôt de la maison, à 7 h 30. Ce matin là, je l'ai accompagné jusqu'à sa voiture. Après être sorti du parking de la maison, il m'a dit au revoir et c'est là que j'ai entendu l'explosion d'une bombe. Je me suis précipitée dans l'avenue et je l'ai trouvé dans la position de celui qui prie ("inclination devant Dieu", en persan). Quand j'ai pris sa tête sur mon sein, je me suis aperçue qu'elle s'était vidée. J'ai été bouleversée. Cette bombe était si puissante qu'elle aurait pu tuer 300 personnes : les fenêtres alentour étaient brisées, le plâtre sur les murs a été soufflé. Heureusement, à cette heure-ci, il n'y avait personne autour de la maison.
A quoi avez-vous pensé à cet instant, qui avait pu faire ça ?
La police m'a interrogée et a cherché dans l'ordinateur de mon mari pour savoir s'il était menacé. Je me demandais comment il pouvait avoir des ennemis : ses élèves l'aimaient beaucoup, ses parents l'aimaient beaucoup… qui pouvait être son ennemi ? Je ne pensais à personne en particulier.
Même par rapport à son métier ? Que voulez-vous dire ?
Il était professeur à l'université de Téhéran. Un spécialiste des particules élémentaires. Quand l'agent qui a tué mon mari a été arrêté, j'ai compris. Majid Jamali Fashi est un membre d'un groupe de 30 personnes qui travaillait pour le Mossad. Cet Iranien est un mercenaire, il a été payé plus de 120 000 dollars pour tuer mon mari.


Pourquoi votre mari aurait-il été éliminé par le Mossad ?
Parce qu'il était l'un des plus grands professeurs de physique en Iran. Il aimait sa patrie et voulait faire tout ce qu'il pouvait pour son peuple. C'est pour cela que les services secrets israéliens ne pouvaient supporter ses activités à l'égard de son peuple.
Votre mari travaillait-il sur le programme nucléaire iranien ?
Non, pas du tout, il n'était qu'un professeur de physique de l'université.
Est-ce suffisant pour être éliminé par un service secret étranger ?
Il avait déjà été menacé par les Moudjahidines du peuple à plusieurs reprises. Les Moudjahidine entretiennent des relations avec le Mossad, ils ont inscrit le nom de mon mari sur la liste de ceux qui travaillent sur le programme nucléaire en Iran mais il n'y travaillait pas.
La mort de votre mari a-t-elle un rapport avec les attentats contre d'autres scientifiques iraniens ?
Bien sûr ! Majid Jamali Fashi a déclaré dans ses aveux officiels qu'il avait promis au régime israélien de tuer cinq scientifiques iraniens par an. Il a aussi déclaré que le régime israélien lui avait dit que mon mari était en train de préparer des bombes. Mais je ne suis pas du tout au courant du programme nucléaire iranien, ce sont juste les aveux de Majid Jamali Fashi.
Qui est venu aux funérailles de votre mari ?
Toute la nation iranienne. Il y avait une foule immense.
Vous avez reçu des condoléances officielles ?
Presque tous les responsables du gouvernement et de l'Assemblée nationale m'ont envoyé leurs condoléances. Le Guide de la révolution, Ali Khamenei, est venu chez moi, Akbar Hachemi Rafsandjani [président du Conseil de discernement] aussi. Kamran Daneshjou [ministre des sciences], également.
La mort de votre mari a-t-elle été récupérée par le régime ?
Je nie toute relation entre les activités de mon mari et le gouvernement. Il aimait beaucoup le gouvernement, qui l'aimait aussi. Ils entretenaient de bonnes relations. Si le gouvernement voulait tuer celui qui était contre lui, il pouvait tuer Mir Hossein Moussavi ou Mehdi Karoubi [candidats de l'opposition réformatrice à l'élection présidentielle de juin 2009], qui sont des opposants. Je nie ces allégations des télévisions étrangères qui ne sont que de la propagande anti-iranienne. Elles ont propagé la rumeur qui voudrait que mon mari collaborait avec le mouvement protestataire [mouvement vert qui avait animé les émeutes après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad]. A mon avis, ce sont les radios et les télévisions étrangères qui ont vraiment tué mon mari.
Pour quel candidat votre mari a-t-il voté à l'élection présidentielle ?
Vous pensez que c'est très important comme question ?
Vous sentez-vous en sécurité aujourd'hui en Iran ?
Ils ont tué celui qu'ils voulaient, moi je suis en sécurité totale en Iran. Même chose pour mes enfants, ma famille, sa famille. Nous ne pourrons jamais oublier cette souffrance, mais nous essayons de continuer à vivre.
Propos recueillis par Emmanuelle Morau

Source : lemonde.fr

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