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2 janv. 2012

Ce que Nicolas Sarkozy a de Jeanne d'Arc en lui

La statue de Jeanne d'Arc à Paris, le 3 avril 2010 (roger.salz)
Les hommes politiques français ont fait de la Pucelle d'Orléans, dont on célèbre le 600e anniversaire en 2012, une icône fourre-tout censée symboliser l'unité nationale.

Il fera l'impasse sur les 600 bougies – cela rappellerait trop le bûcher – mais pas sur la commémoration. Nicolas Sarkozy a prévu de célébrer vendredi prochain l'anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc (cette date du 6 janvier 1412 est contestée par de nombreux historiens, mais passons).

Le président de la République doit se rendre à Vaucouleurs (Meuse), d'où la Pucelle lança sa campagne en 1429. Et, juste avant, à Domrémy (Vosges) pour visiter la maison natale de l'héroïne. Daniel Coince, le maire (divers droite) de la commune, est « très honoré » de recevoir le chef de l'Etat :

« Jeanne vit avec nous tous les jours. Mais le dernier Président reçu ici en visite officielle, c'était Poincaré. C'était pas hier. »

Pour lui, « Jeanne ne peut pas être récupérée » mais « elle appartient à tout le monde ». Il souhaite juste que l'on « respecte l'Histoire ».

Nicolas Sarkozy la respecte-t-il ? Rendre hommage à Jeanne d'Arc n'a rien d'exceptionnel. Mis à part... lui-même (il s'était fait représenter par Rachida Dati en 2008) et Georges Pompidou, tous les présidents, depuis Vincent Auriol ont participé aux « fêtes johanniques » organisées par les Orléanais en l'honneur de leur libératrice. Thème récurrent de leurs discours : l'unité nationale.
« Jeanne, c'est la France »

« Vigilance, résistance, unité, tel est le message de Jeanne d'Arc », scanda François Mitterrand en 1982 avant de réciter du Michelet : « Elle aima tant la France ! Et la France touchée se mit à s'aimer elle-même. »

En 1996, Jacques Chirac entreprend de la disputer au Front national, qui en a fait le symbole de la résistance aux « envahisseurs » :

« Comment ne pas voir combien Jeanne est étrangère à toute idée de mépris ou de haine ? Combien ses paroles sont à l'opposé du discours d'intolérance, de rejet, de violence que l'on ose parfois tenir en son nom ? [...] Les valeurs que Jeanne incarne sont celles de la justice, de l'amour, de la liberté, de la paix. »

Avec Nicolas Sarkozy, cela devient une obsession. A Rouen, le 24 avril 2007, il lance :

« Jeanne, c'est la France. [...] Mais, je pose une question : comment, et je le dis à nos amis de la droite républicaine et du centre, avons-nous pu laisser Jeanne d'Arc confisquée par l'extrême droite pendant si longtemps ? [...]

Si d'autres se sont emparés de Jeanne et des valeurs qu'elle représente, c'est parce que nous n'avions pas eu le courage de défendre ces valeurs et de nous emparer de cette personne qui représente la France. »
Contre-rassemblement de Marine Le Pen

L'historien Nicolas Offenstadt, maître de conférences à Paris-I, observe que l'intérêt de Nicolas Sarkozy pour la Pucelle d'Orléans est réactivé « dans un moment de concurrence accrue » avec l'extrême doite et de « surenchère générale dans le national, y compris le made in France ».

Nul doute d'ailleurs que Marine Le Pen trouvera l'occasion de se délecter du pèlerinage sarkozien au cours du contre-rassemblement qu'elle organise le 7 janvier autour de la statue parisienne de la Pucelle.

Mais le chef de l'Etat ne fait que poursuivre ce grand retour au roman national impulsé par Henri Guaino et Max Gallo, flattant l'âme de la France éternelle, l'embaumant de nostalgie. Et tant pis pour la vérité historique. Offenstadt :

« Nicolas Sarkozy joue à casser les filiations. Il prend des grandes figures, les évide de leur contenu et les utilise pour les enjeux du moment. Il cherche à fabriquer des icônes. C'est ce qu'il a fait avec Guy Môquet. »
Exalter l'identité nationale

Avec Jeanne d'Arc, c'est facile. C'est peut-être la figure la plus fourre-tout de nos livres d'histoire. Déjà Barrès écrivait :

« Chacun de nous peut personnifier en elle son idéal. Êtes-vous catholique ? C'est une martyre et une sainte que l'Église vient de mettre sur les autels. Êtes-vous royaliste ? C'est l'héroïne qui a fait consacrer le fils de saint Louis [...]

Pour les républicains c'est l'enfant du peuple qui dépasse en magnanimité toutes les grandeurs établies... Enfin les socialistes ne peuvent oublier qu'elle disait : “J'ai été été envoyée pour la consolation des pauvres et des malheureux.” Ainsi tous les partis peuvent se réclamer de Jeanne d'Arc. »

Bref : on a tous quelque chose en nous de la Pucelle. Sarkozy pioche donc en elle ce qui lui convient.

Et comme à chaque fois qu'il s'intéresse à l'histoire (du Puy-en-Velay au projet de maison de l'Histoire de France en passant par les grandioses obsèques du dernier Poilu), il s'agit d'exalter l'« identité nationale » puisqu'il reste convaincu que « c'est le dénigrement et l'affaiblissement de la nation qui attisent le nationalisme ».

rue89.com

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