PARIS — "Politique à la Bismarck", "ordre allemand", "Europe à la schlague": la détermination d'Angela Merkel à imposer une discipline budgétaire stricte aux pays de la zone zone pour surmonter la crise a ranimé parfois violemment la germanophobie d'une partie de la classe politique française, gauche et Front national en tête.
Arnaud Montebourg, troisième homme de la primaire du Parti socialiste, a plaidé mercredi en faveur d'une confrontation dure avec la chancelière allemande qu'il a accusée d'être en train de tuer l'euro" et de mener "une politique à la Bismarck".
Il a aussi estimé qu'en refusant que la Banque centrale européenne rachète massivement les dettes souveraines des pays de la zone euro, Mme Merkel avait "décidé d'imposer" à ces pays "un ordre allemand".
Dans une tribune jeudi sur son blog, il a souligné que cette comparaison avec celui qui "réalisa l'unité de l'Allemagne et fit la guerre à la France en 1870" était de Sigmar Gabriel, président du SPD allemand (parti socialiste allemand, ndlr) faite "au printemps dernier" lors d'une visite eu siège du PS.
Selon lui, Mme Merkel "cherche à régler ses problèmes intérieurs en imposant l'ordre économique et financier des conservateurs allemands à tout le reste de l'Europe". Face à cela, "la politique européenne de Nicolas Sarkozy, désormais assis sur le porte-bagage de la droite allemande, est une politique de faiblesse face à l'Allemagne".
De son côté, la présidente du FN Marine Le Pen a commenté le discours de Nicolas Sarkozy jeudi à Toulon en dénonçant un "vide sidéral", "une succession de poncifs dont en réalité les seules mesures concrètes ont été l'annonce d'une Europe à la schlague, c'est-à-dire l'Europe qui entraîne la perte de notre souveraineté".
La semaine précédente le député socialiste Jean-Marie Le Guen avait affirmé que la rencontre Sarkozy/Merkel sur la crise de l'euro, c'était "Daladier à Munich".
La déclaration de M. Montebourg a suscité la vive réaction de l'eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit, de nationalité allemande. Montebourg "fait du Front national à gauche", a-t-il dit, regrettant dans "ce type de déclarations à la hussarde (...) des relents de nationalisme".
Le ministre UMP des Affaires étrangères, Alain Juppé, a estimé vendredi que les socialistes "prenaient les risques de ressusciter en France les vieux démons de la germanophobie", jugeant "honteux, par hargne partisane, de fragiliser notre acquis le plus précieux: la réconciliation, l'amitié franco-allemande".
Interrogé vendredi par l'AFP, le politologue Pascal Perrineau estime que ces propos "borderline" s'expliquent "à la fois par la crise et par l'excitation électorale".
"Une partie de la gauche se pose trop en s'opposant, dans une campagne présidentielle qui est en train de se polariser, notamment du fait que Nicolas Sarkozy monte au front, sur l'architecture de l'Europe".
Selon lui, le sentiment germanophobe, "fort dans les années 50, s'était beaucoup atténué. Mais il y a en France des pesanteurs culturelles qui font que certains ressorts de xénophobie peuvent être réveillés". "Attention !", a-t-il lancé.
Avec de telles critiques, "c'est faire croire que l'Allemagne n'aurait pas changé", a-t-il regretté.
Ces propos peuvent-ils gâcher le déplacement de François Hollande lundi à Berlin au congrès du SPD ? "Arnaud a été trop ferme et pas assez respectueux. François Hollande est respectueux, mais ferme. Je ne pense pas que les Allemands pensent avoir été insultés par François", a commenté à l'AFP un cadre du parti.
Si M. Hollande "remporte le scrutin présidentiel, ce sera passionnant d'observer comment il fera pour imposer à Berlin les attentes de la gauche française", a noté vendredi le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung
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