Valentin, 21 ans :"Vous n'auriez pas des fauteuils à refaire, par hasard ?" © Karim El Hadj / LeMonde.fr |
Valentin a 21 ans. En juin 2011, il est sorti diplômé de l'Ecole Grégoire Ferrandi à Paris, son bac professionnel en poche, section tapissier-garnisseur. Son rêve: rejoindre le tour de France des Compagnons. "Le problème, c'est qu'aujourd'hui tout le monde va chez Ikea. Et quand le fauteuil est cassé, on le jette et on en achète un autre. C'est pour ça qu'il faut être le meilleur dans ce boulot. Les Compagnons, c'est l'élite. Il faut dix ans pour faire un bon tapissier. Moi, j'ai envie de travailler sur du beau, pas sur des fauteuils de Mémère".
Pour rejoindre les Compagnons, explique-t-il, il a besoin de trouver un contrat de professionnalisation. "Je n'imaginais pas que ce serait aussi dur. J'ai cherché à Paris, à Lyon, à Rennes, à Toulouse, à Nice, pour l'instant, je n'ai rien. Les artisans n'ont pas de commande. De toute façon, il suffit d'allumer la télé, on n'entend que ça: la crise, la crise, la crise".
Fin septembre, Valentin a retrouvé ses copains de promo à Paris. Sur la dizaine, il n'y en avait qu'un qui avait trouvé un travail dans la tapisserie. "Ceux qui ont fait maroquinerie, ils galèrent aussi. Même chez Louis Vuitton, cette année, on n'embauche pas. Il paraît que c'est à cause de Fukushima, qui a fait s'effondrer le marché japonais".
En attendant, Valentin passe son permis - "Ici, si tu n'as pas ça, tu es sans bras ni jambes" - et récupère ça et là des sièges à retapisser.
Il lève son visage parsemé de taches de rousseur et demande gentiment :
- Vous n'auriez pas des fauteuils à refaire, par hasard ?
On s'est senti un peu Mémère, tout à coup.
PS: ce matin, dans l'Yonne Républicaine, un article est consacré à la hausse du chômage: "Dans l'Yonne, la hausse a atteint 2% en octobre. Rien de réjouissant et la fin de l'année ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices, ainsi que l'année 2012 que les experts prévoient assez sombre. Comme si les candidats aux présidentielles avaient oublié sa présence et sa puissance, le chômage, rejeton d'une crise qui ne tombe assurément pas du ciel, frappe donc désormais comme un sourd à leur porte (...) Les plus touchés sont les jeunes (+3%)"
Le Monde
29 novembre 2011
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