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17 nov. 2011

Il n'y a eu aucune révolution en 2011!

Ce que la grande majorité des médias et des biens pensants appellent leprintemps arabe, mimant aveuglément les discours des oligarches au pouvoir, n'est autre qu'une succession de coups d'état en cascade. Les peuples se sont révoltés, l'insurrection des consciences à commencé, certes, mais le fait est qu'il n'y a eu aucune révolution en 2011, AUCUNE, aucun changement radical de paradigme, AUCUN.

Ci-dessous, je vous propose de lire le témoignage poignant et éclatant de vérité de Zakaria Bouguira, qui nous relate les atrocités et l'inhumanité dont il a été victime à l'aéroport de Tunis.

Un pas, une porte qui s’ouvre, une respiration, encore un pas. Non ce n’est pas une seule personne, c’est tout un groupe. La cadence s’accélère et mon cœur s’emporte avec. J’entends encore le bruit sourd de mes pulsations qui résonne dans mes oreilles. Mes pupilles se dilatent et mes poils s’hérissent. Je sens la tension qui monte. Mes boyaux se déchirent et ma gorge se resserre. Signes que mon corps est fin prêt à endurer la nouvelle salve.

Des cris, des pleurs, des hurlements. Ouf, ce n’est pas pour moi cette fois, c’est pour les marocains. Je me sens coupable d’éprouver une satisfaction à être épargné mais ce n’est pas mon être qui est au commande c’est mon corps.

Ca fait déjà 3h que je suis là. 3h qui m’ont paru une éternité. Le temps paraît suspendu pour ne rien me laisser oublier. Chaque pensée, chaque bruit, chaque mouvement, semble figé comme si le destin voulait s’acharner doublement sur moi.

Mais je m’étale. Revenons plus en avant...


Il est 18h, j’embrasse mon amie, elle met son sac sur le dos, fait la bise aux autres et part sans se retourner comme happée par la porte d’embarcation. De là sort un premier policier avec un gars attaché. Il le roue de coups sur la tête et sans que cela ne suffise il se retourne vers l’officier à la porte d’embarcation et lui dit : "frappes, frappes, c’est un marocain" (plutôt pas frappes mais niklou omou)!! Puis tout un groupe de policiers (une vingtaine à peu près) sortent avec d’autres marocains en sang. Ils bousculent les voyageurs sans faire attention à personne pour laisser le hall supérieur libre pour leur jeu macabre. Les marocains sont en sang, c’était des gamins. Leurs pulls étaient déchirés et certains n’avaient plus de chaussures. Un des marocains tombe par terre pensant peut être diminuer la cadence des coups mais au lieu d’avoir trois policiers sur lui, c’est maintenant une dizaine qui se ruent sur son corps à coup de brodcains sur le dos. Ils le relèvent et le trainent avec les autres en bas des escaliers. L’aéroport est sans dessus dessous, les passagers et leurs familles courent dans tout les sens, affolés par le spectacle. J’entends des femmes crier aux policiers d’arrêter. Moi par contre je suis scotché sur place, je n’arrive plus à bouger. Ma mère se retourne vers moi et me dit: "Il faut que ça cesse, quel pays de merde". Elle me dit de filmer ça pour que plus jamais ils ne se croient impunis. J’arrache le téléphone d’un ami et je cours descendre filmer le reste de la scène.

Le téléphone m’énerve, j’arrive pas à trouver le caméscope. Je cherche, je tâtonne, merde, ils sont presque sortis. Ah, c’est bon, voila la vidéo. Je lève mon bras pour commencer à filmer... Putain c’est pas en train d’enregistrer, je... Quelqu’un m’attrape par derrière, Aïe! Une gifle. Je suis fait, un policier en uniforme m’a attrapé. Il arrache mon téléphone et me maîtrise. Il appelle ses amis: « Un traitre Un traitre » qu’il dit, « Il veut nous mettre sur Facebook ». Et commence alors une danse macabre entre moi et les policiers. Une danse faite de va-et-viens, de coups et d’évitements. Leur nombre ne cesse d’augmenter. Je crie dans un dernier espoir que je suis innocent, que je n’ai rien fait, qu’ils n’ont pas le droit (mais comme j’étais dupe). Des souvenirs d’enfance me reviennent à ce moment la. Un traumatisme ressurgi. Je me vois à 5 ans en train de fuir une ruche d’abeilles. Mais les abeilles sont de plus en plus nombreuses. Leur bruit est de plus en plus strident. Les piqûres de leur dars me font de plus en plus mal. Je tombe par terre, un policier m’a fait un croche pied. Une 20aine commencent à me chooter. Je revois les visages éclatés et les lèvres déchiquetés de mes amis Amine Rekik et de bachkouta (Walid Ibn Said) à la fac apres les manifestations de mai. Je les revois me dire « Protèges toi le visage ne penses qu’à ça ». Je tire mon blouson comme bouclier et me recroqueville dans ma carapace de fortune. Les coups n’arrêtent pas. J’ai envie de me tortiller de douleur mais je me maîtrise. Je ne leur laisserai pas mon visage ! Je ne leur laisserai pas mon visage !! Je crie, je hurle, j’attends que quelqu’un vienne cesser tout ça.

Ils me relèvent, me sortent de l’aéroport. Un agent de sécurité leur dit: "Lui aussi c’est un marocain" ."Non", lui répond celui qui m’agrippe par le cou, "Lui c’est un tunisien, il veut nous mettre sur Facebook". Et voilà qu’une autre salve de policiers en civils et en uniforme courent vers moi, sommant leurs amis d’attendre. Ils veulent tous y participer. Ils sont 30 autour de moi chacun voulant sa part du gâteau. Un coup de matraque m’atteint à la jambe gauche. Je tombe de douleur et voila que recommence un autre cycle de coups de bottes sur le corps. Cette fois-ci mes mains ne sont pas libres. Ils peuvent m’avoir à la tête ! J’enfonce ma tête contre le sol et j’encaisse sans broncher. Ils finissent par se lasser et me trainent vers le poste. Ils me poussent dans des escaliers. Je monte en prenant attention de ne plus tomber pourtant ma tête tourne, ma vision est trouble et mon équilibre n’est plus. Chaque policier qui passe à coté donne sa contribution.


Enfin je suis dans la salle !! Les marocains sont tous là !! Je m’assois sur une table. "Non", s’écrit un policier "Toi, ta place est dans le coin par terre", en me donnant un coup de poing en plein visage. J’obéis (je ne peux faire que ça). Ils sortent et ferment la porte derrière. Je revis !!


"Y’a un tunisien ??", "Il voulait filmer ??". La porte s’ouvre. 4 policiers baraqués me regardent et me disent: "C’est toi le tunisien ?" Naïf comme je suis, je leur réponds oui. "Non, toi tu n’es pas tunisien ! Toi tu es un traître ! Toi tu es un israélien". Ils me relèvent et se liguent contre moi. Un marocains s’écrit "Non laissez le il a rien fait il n’était pas avec nous". D’un cou de botte à la gueule un des policier le fait taire puis se retourne un sourire à la bouche vers son zémil et lui dit: "Tu vois, quand je te disais qu’ils sont amis". J’essaye de parer leurs coups, je les bloque avec mes avant bras mais je ne les évite pas. Ma chaire doit encaisser leurs coups plutôt que le mur (les représailles seraient terribles). Ils m’emmènent dans la pièce d’à coté et m’installent sur une chaise. Mon calvaire ne s’arrête pas, voilà qu’un gros bonhomme s’approche sournoisement de moi. Il était trapu, petit de taille, si bien qu’assis il ne me dépassait que d’une tête Il avait la cinquantaine, moustachu et un gros bide de bière. Il me dit tout doucement "N’aie pas peur, je vais rien te faire. Tu es tunisien ?? Tu voulais filmer les policiers ??" Je baisse ma garde et je hoche la tête.

Un coup, deux coups, trois coups. Ma tête raisonne sous les chocs, je ne sens plus mon visage. Un poing percute ma tête au niveau de la bouche, mes lèvres éclatent dans une éclaboussure de sang. "Rabbek, tu veux bruler le pays ?? Les policier sont devenus des moins que rien a cause de votre Facebook et de votre révolution !! Les marocains vont sortir et toi tu croupiras ici pour haute trahison !! Seul Béji Caied Sebsi te sortira de là".

Ce nom pourtant me redonna un souffle, un souffle qui m’a permis d’encaisser les autres coups. C’était pour moi le repère. Ma haine pour cet homme me rappela que j’étais là pour une cause. Que ce n’était pas moi le méchant. Que je n’étais pas le traître qu’ils disaient !!

Je suis resté assis là pendant trois heures encaissant les salves de coups les unes après les autres. 6 équipes en tout sont passées sur mon corps pétrifié de douleur. A chaque ouverture de porte je voyais la faucheuse me sourire. A chaque ouverture de porte je m’en voulais d’être né tunisien car la question "C’est lui le tunisien ?" était devenue synonyme de beigne, de raclée. A chaque ouverture de porte j’espérais que le gars qui frappera (car il frappera) n’éprouve rien, que ce soit des coups automatiques et non des coups sadiques. Dans ce commissariat j’ai compris que les plus humains d’entre eux sont ceux qui sont vraiment cruels car les autres ne sont que machines. Que des engins mécaniques, des appareils de torture, des instruments de mort.

Voila la dernière équipe qui entre ! L’un d’eux se retourne vers moi et me dit "C’est toi le fils de Madame Bouguira ??" J’ai compris qu’il était mon sauveur. Il leur dit "Sa mère est médecin. Je la connais. Elle est très inquiète. Elle est diabétique". Les larmes ruissellent le long de mon visage. Je ne suis plus. Je pense à l’état de mes proches ne sachant ce qu’il m’arrive. Il leur dit que je fais également médecine, que je suis en 5eme année, que je ne suis pas un gars à problèmes, pensant alléger ma sentence. Un de ceux assis à mon chevet se lève alors et me dit: "Tu fais médecine ?" Je lui réponds que oui. Il se mord la lèvre, hésite, se retourne la langue et me donne un coup de poing en plein estomac. "Ceux qui font médecine ne filment pas les policier ! Tu mens ! Toi tu n’es rien, tu es un moins que rien même! Tu ne peux même pas avoir eu le bac!" L’autre (le gentil) l’arrête, le pousse en dehors de la salle et leur demande de ne plus me frapper. Il revient après avec une bouteille d’eau et mets un policier à coté de moi pour me protéger. Les coups se sont arrêtés à ce moment là.

Mais certaines choses sont peut être pire que les coups. Leurs mots sont parfois plus dures qu’un coup de poing, leurs ricanements plus dégradant qu’une gifle. Je les entends encore me répéter qu’ils m’enlèveront mon pantalon, que je dormirai en jupe, que sous prétexte que je suis blond, je plairai beaucoup au gars de Bouchoucha…

D’autres choses sont tout aussi pénibles. Savoir qu’on est impuissant quand dans la pièce d’à coté des êtres humains sont en train de se faire torturer, de se faire les jouets de policiers frustrés, qu’on les oblige à dire que Mohamed V est une pédale (oui c’est Mohamed VI le roi mais nos policier sont tellement cultivés qu’ils ignorent cette information). D’ailleurs une scène restera a jamais gravée dans ma mémoire. Alors que j’étais aux toilettes pour me laver le visage, un marocain était en train de vomir. Un policier (le baraqué qui est passé à la télé disant qu’il s’est fait agressé) entre et demande à son collègue "C’est un des marocains ?". Ayant appris son identité, il court vers lui et saute avec ses deux pieds sur le marocains écrasant sa tête sur la cuvette. Il lui écrasa encore la face à plusieurs reprises avec un pied contre la cuvette jusqu'à le laisser dans son sang, corps inanimé et tête dans les toilettes. Il sort ensuite des toilettes et court vers la chambre des marocains où son entrée ne causa que cris de douleurs et hurlements de paniques.

Arriva ensuite le temps de la grande mascarade sous les feux des projecteurs. Ayant appris qu’il se pourrait que des témoins aient filmé la scène à l’aéroport l’équipe de télévision a été dépêchée. Al-Watania a été la première à arriver suivi de prés par Hannibal. Mon choc n’a été que plus grand je ne pouvais croire mes yeux. Ces journalistes n’étaient en fait pas les victimes de Ben Ali ou du Système. Non, ces journalistes sont les complices des bourreaux et des tortionnaires. Ces journalistes demandaient aux flics de nettoyer le sang des marocains, de leur donner des pulls propres pour qu’il n’y ait pas de problème pour les policiers. Ces journalistes ayant su qu’une cargaison de munition a été arrêtée chez un libyen n’ont pas hésité à demander à filmer ces cartouches pour orienter encore plus le téléspectateur…

A 22h enfin, mon avocate arrive. Les policiers commencent à sourire. Loin déjà est le temps où ces même policier me ruaient de coups. Loin déjà est le temps où les insultent fusaient. Loin déjà est le temps où j’étais traité tel un objet sans vie. Elle parle deux minutes au big boss On me fait signer un papier (je sais toujours pas ce qu’il y a d’écrit dedans). On me rend le téléphone et je sors !!

J’ai certes été libéré à ce moment là, mais suis-je pour autant devenu libre ?

Zakaria Bouguira
Littéralement,
Badi Baltazar
Source : lebuvardbavard

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