L'Arabie saoudite a annoncé, mardi soir, la fin de sa campagne aérienne contre le Yémen, presqu'un mois après son lancement, sans avoir atteint aucun des objectifs qu'elle s'était fixée. Cet échec aura des répercussions importantes sur les rapports de force régionaux... au détriment du royaume wahhabite.
Presque un mois après avoir lancé sa campagne aérienne contre le Yémen, l'Arabie saoudite a subitement annoncé, mardi soir, la fin des raids, arguant du fait que les opérations militaires avaient atteint leurs objectifs. Le porte-parole saoudien, le général Ahmed al-Assiri, a expliqué que la campagne a été stoppée «à la demande du gouvernement et du président du Yémen», Abed Rabbo Mansour Hadin, réfugié à Riyad. Selon le ministère saoudien de la Défense, les raids aériens sont parvenus «avec succès à éliminer les menaces pesant sur la sécurité de l'Arabie saoudite et des pays voisins». Il a fait état de la «destruction d'armes lourdes et de missiles balistiques, qui avaient été saisis par la milice Houthie et les forces de (l'ex-président) Ali Abdallah Saleh dans des bases et camps de l'armée».
Ce sont de bien maigres résultats comparés à ceux qui avaient été affichés au tout début de la guerre, le 25 mars dernier. Lorsque l'Arabie saoudite a lancé ses avions contre son voisin, elle s'est fixée trois objectifs. Le premier, rétablir la «légitimité», représentée par le président démissionnaire Hadi. Le deuxième est le désarmement d'Ansarullah. Le troisième, enfin, empêcher l'Iran (à travers ses alliés) d'arriver à Bab al-Mandab, par où transitent tous les jours 3,8 millions de pétrole brut ou raffiné. Vingt-huit jours et 2500 sorties aériennes plus tard, aucun de ces objectifs n'a été atteint. Abed Rabbo Mansour Hadi est toujours réfugié à Riyad après avoir fui Aden. «Nous allons bientôt retourner dans notre patrie, à Aden et à Sanaa», a-t-il assuré. Mais si les avions saoudiens ont été incapables de le réinstaller au pouvoir, il ne pourra certainement pas rentrer par ses propres moyens. Par ailleurs, l'armée yéménite, appuyée par Ansarullah et les comités populaires, ont étendu leur contrôle à de larges pans du territoire, y compris dans le sud du pays, notamment à Aden, Chabwa, Maareb, Taëz et Dhaleh. Ce mercredi, l'armée et ses alliés se sont même emparés du camp d'une brigade fidèle à Hadi, dans la province de Taëz, à l'issue de violents affrontements ayant fait «des dizaines de morts et de blessés» de part et d'autre, a indiqué à l'AFP un officier. Enfin, l'Armée yéménite et ses alliés sont arrivés à Bab al-Mandab et comptent bien y rester. Les centaines de raids aériens ne les ont pas délogés et n'ont pas réussi à enrayer leur progression.
Cessez-le-feu annoncé par l'Iran
Mais la gifle la plus forte assénée au royaume wahhabite est venue d'Iran. En effet, l'Arabie saoudite avait annoncé le déclenchement de la campagne «Tempête décisive» à partir de Washington. Mais c'est de Téhéran que le cessez-le-feu a été annoncé. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Hussein Abdollahian avait révélé, dès mardi matin, que la cessation des raids serait décrétée dans les heures qui viennent. La suite des événements lui a donné raison.
Dans cette guerre, l'Arabie saoudite a commis une série d'erreurs d'appréciation et de jugement qui lui coûteront énormément sur la scène régionale. Profondément imprégnée par la doctrine israélienne de la supériorité aérienne, elle a sous-estimé la capacité de résistance des Yéménites et leur détermination à défendre leur pays, quels que soient les sacrifices. Pendant que les avions saoudiens détruisaient l'infrastructure du Yémen et tuaient les civils, l'armée yéménite et Ansarullah ont décidé que la meilleure riposte à l'agression était d'affermir leur contrôle sur le terrain, notamment dans le sud.
De plus, Riyad a cru pouvoir entrainer de grands «pays sunnites» dans «sa» guerre, et a pensé que les armées du Pakistan et de l'Egypte seraient de simples mercenaires au service des Saoud. Or Islamabad a officiellement opté pour la neutralité et Le Caire n'a offert qu'un appui verbal. La tentative de donner à la «Tempête décisive» la dimension d'un conflit entre sunnites et chiites a échoué.
Enfin, les images des civils tués par centaines et des infrastructures détruites ont provoqué un vif émoi au sein de l'opinion publique mondiale. La situation humanitaire a en effet atteint un niveau alarmant. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde mardi contre un effondrement imminent des systèmes de santé, en raison de pénuries de médicaments et de coupures permanentes d'électricité. L'OMS a fait état d'un bilan de 944 morts et 3487 blessés, des civils en majorité, jusqu'au 17 avril.
L'échec saoudien aura aussi des répercussions sur les équilibres internes au sein de la famille des Saoud. Il s'agit d'une défaite personnelle pour le nouveau ministre de la Défense, Mohammad Ben Salman, adepte de la manière forte. Le décret royal demandant à la Garde nationale, dirigée par Meteeb Ben Abdallah, de défendre les frontières du royaume, est une sorte de réhabilitation du représentant de l'aile rivale au sein de la dynastie.
Dès le premier jour du conflit, le leader d'Ansarullah, Abdel Malek al-Houthie, mais aussi le leader de la révolution iranienne, l'Ayatollah Ali Khamenei et le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, avaient prévu l'échec de l'agression saoudienne. Ils ont eu raison, et Riyad a été contraint de revenir à l'option politique.
L'aventure yéménite des Saoud a abouti à l'élargissement de «l'axe de la résistance», qui compte désormais un nouveau pays. Le Yémen a bien mérité sa place, au prix de milliers de morts et de blessés.
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