Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a lancé dimanche 9 juin la contre-offensive face aux dizaines de milliers de manifestants qui réclament depuis dix jours sa démission. Alors que les protestataires ont une nouvelle fois occupé la rue à Istanbul, Ankara ou Izmir, le chef du gouvernement s'est dit impatient devant la persistance de la contestation.
Tout au long de la journée, il a multiplié les discours télévisés devant des foules de partisans réunis par son Parti de la justice et du développement (AKP) pour occuper l'espace médiatique, un enjeu vital dans l'affrontement qui l'oppose aux manifestants qui défient son autorité. A son arrivée en fin de journée à Ankara, M. Erdogan a laissé paraître son impatience devant la persistance de la contestation. «Nous restons patients, nous sommes toujours patients, mais notre patience à des limites», a-t-il menacé. «Nous ne rendrons pas de comptes à des groupes marginaux mais devant la nation (...) la nation nous a amenés au pouvoir et c'est elle seule qui nous en sortira», a-t-il poursuivi devant la foule chauffée à blanc qui scandait «La Turquie est fière de toi».
Le premier ministre a donné rendez-vous à ses adversaires aux élections municipales de mars 2014. «Soyez patients encore sept mois au lieu d'occuper le parc Gezi à Istanbul ou le parc Kugulu à Ankara», a lancé M. Erdogan. Un peu plus tôt, il avait demandé à ses troupes réunies à Adana, dans le sud du pays, de donner à la jeunesse qui conteste son pouvoir «une première leçon par des voies démocratiques, dans les urnes». Depuis le début du mouvement, les manifestants accusent le chef du gouvernement, leur principale cible, de dérive autoritaire et de vouloir «islamiser» le pays.
Affrontements à Ankara
Alors que le premier ministre prononçait son énième discours de la journée à Ankara, la police est intervenue en soirée à quelques kilomètres de là pour disperser un rassemblement de plusieurs milliers de personnes à grand renfort de canons à eau et de gaz lacrymogènes. Plusieurs personnes ont été interpellées.
Des dizaines de milliers de manifestants ont également occupé tout l'après-midi la place Taksim d'Istanbul pour un concert-meeting où les harangues anti-Erdogan ont succédé aux chansons assourdissantes et aux slogans « gouvernement, démission !» repris par la foule. Taksim et le petit parc Gezi, dont la destruction annoncée a lancé la fronde le 31 mai, avait enregistré samedi soir sa plus forte affluence depuis le début du mouvement, dopée par la présence de milliers de supporteurs des clubs de football rivaux de la ville, Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas, réconciliés pour l'occasion.
Des incidents violents ont déjà eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche à Ankara. Et, selon les médias turcs, des échauffourées ont été signalées à Adana, à l'issue d'une manifestation entre opposants et partisans du premier ministre.
Orhan Pamuk pessimiste
Ces incidents et la stratégie de la confrontation à nouveau adoptée par M. Erdogan suscitent questions et inquiétudes sur la suite du mouvement et les risques d'escalade entre les deux camps. Le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, une voix respectée en Turquie, a lui-même confié son désarroi après plus d'une semaine d'une contestation sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP en 2002. «Je suis inquiet car il n'y a toujours pas en vue de signes d'un dénouement pacifique», a déclaré l'écrivain lors d'une conférence à Rome, cité par la presse turque, «Je comprends la façon de protester des gens».
L'AKP a d'ores et déjà prévu d'organiser deux réunions publiques de masse samedi prochain à Ankara et le lendemain à Istanbul, officiellement pour lancer sa campagne pour les élections municipales de l'an prochain. La vague de contestation qui secoue depuis dix jours la Turquie a affaibli son gouvernement, critiqué par des alliés clés comme les Etats-Unis ou l'Union européenne pour la brutalité de la répression policière.
Source : agences
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