Interview Alexandre Artamonov
Un groupe de Français du Novopole, un organisme de soutien à Donbass, s'est rendu à Moscou pour voir de leurs propres yeux comment se passait le 70ième anniversaire de la victoire sur le fascisme allemand
La journée du 9 mai est une journée un peu mystique en Russie. Les Russes et d'autres peuples de l'ex-URSS se rendent en foule dans les cimetières et sur les places publiques pour apporter leur gerbe de fleurs sur les tombeaux de leurs ancêtres, participants à la Seconde Guerre Mondiale qui y ont très souvent trouvé la mort. Il faut vraiment ressentir cela au niveau épidermique pour, après un long hiver, au moment de la résurrection printanière des plaines et vallées russes, avoir l'âpre sentiment de vie grâce au sacrifice payé par ceux qui ne sont plus. La religion en Russie n'est ni superficielle, ni réservée à des illuminés, car ce sentiment des deux mondes — de ceux qui sont partis et de ceux qui vivent encore — est répandu en l'air de façon éthérée.
Rien de mieux que de se rendre à Moscou à l'occasion de la Fête de la Victoire pour sentir cette décharge d'énergie nationale. Le même sentiment meut les Orthodoxes le jour de la célébration de Pâques mais le 9 mai toute la nation toutes religions confondues se sent profondément concernée
Un groupe de Français du Novopole, un organisme de soutien à Donbass avec André Chanclu à leur tête, s'est rendu à Moscou pour voir de leurs propres yeux comment se passait le 70ième anniversaire de la victoire sur le fascisme allemand. En principe, c'est du nazisme qu'il s'agit mais en Russie ce mal est plutôt connu sous son nom italien.
André Chanclu. C'est un vieux projet monté en compagnie d'anciens militaires, tous amis. C'est vrai que pour eux cette période de l'année — la fête du 8 mai — est particulièrement intéressante. Et je voulais surtout faire partager la ferveur que l'on a pu vivre à l'occasion de cette date-anniversaire qui est, à mes yeux, exceptionnelle et, si j'utilise un mot un peu plus fort, historique! On a vécu en plein cœur de Moscou un grand rassemblement du peuple russe: c'était très important et on a été heureux et fier d'y participer. On est un groupe de 11 personnes: les vieux de la vieille. Un groupe partagé pour les tranches d'âge avec le plus âgé qui a 74 ans et le plus jeune — une soixantaine d'années. C'est vraiment une bande de vieux briscards comme on dit en France qui ne connaissaient pas la Russie. Pour la plupart, cela a été le premier voyage. Moi qui la connais depuis pas mal d'années, je voulais leur faire partager cette découverte.
Guillaume D'Aram. André connaît la Russie depuis déjà beaucoup d'années. Il est marié avec une Russe. Moi, j'ai une démarche un peu plus géopolitique pour avoir passé quelques années en armée. Je voulais sortir du schéma de perception de l'armée française c'est-à-dire d'une vision bipolaire que l'on rencontre encore aujourd'hui tandis que nous vivons depuis longtemps dans un monde multipolaire. L'Europe est bien fracturée et c'est ça que j'ai voulu voir, moi! Je voulais voir aussi la démonstration qui cette année a été encore plus importante pour ce qui est du contingent militaire. Je voulais aussi voir le peuple russe derrière son chef d'Etat.
Je constate, bien malheureusement, que l'on va vers la déculturilisation! On devient un peuple aculturé!
Pour ce qui est de nos relations, l'amitié franco-russe n'est pas un vain mot! Les élites françaises aujourd'hui sont devenues des supplétifs du Pacte Trans-Atlantique! On ne le dit pas assez!
L'Armée française, même si elle avait tellement dérogé, compte toujours des analystes honnêtes comme le général Pinard-Legry
André Chanclu. Notre opération dure maintenant depuis plusieurs années. Dès qu'il y a eu le renversement du président Ianoukovitch, nous avons protesté pour montrer notre désapprobation par rapport à ce qui se passait dans cette partie du monde. Et en fait, pendant l'année qui a suivi, cela n'a été qu'un chapelet des meurtres, des bombardements, des choses terribles, d'1 Million de personnes déplacées majoritairement en Russie! Tout cela est bien lourd parce que largement occulté en Europe et en France, particulièrement. On n'en parle pas du tout et très peu de 6 milliers de morts dans cette guerre! C'est une véritable guerre et nous, on n'y a participé de manière directe et indirecte. Puisque l'on a des amis qui sont venus taper à notre porte en nous demandant comment faire pour rejoindre les rangs de l'armée là-bas — des troupes républicaines séparatistes! Et puis bon an mal an! ces gens ont rejoint au fil de l'année les rangs. On a des amis qui sont venus gréer les bataillons cosaques. On a d'autres personnes qui sont dans la garde nationale. On a toute une équipe qui a rejoint les équipes de soin dans les hôpitaux… On a apporté notre petite pierre à l'édifice. Et en plus de ça, on fait quotidiennement des appels aux dons puisque l'on a des amis français qui participent financièrement et qui donnent avec leurs petits moyens. Bien malheureusement, on n'a pas d'oligarques dans nos rangs! C'est des retraités, des gens simples qui donnent 10 euros, 20 euros, voilà! Mais les petits ruisseaux font toujours les grandes rivières!
On avait même été sollicité pour aller le 9 mai à Donetsk mais on avait déjà pris des mesures ici, pour être présents au défilé militaire à Moscou. Mais peut-être l'année prochaine nous y irons, à Donetsk! C'est important d'apporter notre soutien et notre amitié à ce peuple qui est déchiré et martyrisé.
Tout au long de cette période moscovite on avait parlé à une multitude de Russes même: ils comprenaient notre langage, notre discours et notre orientation. Dès qu'on leur disait que l'on soutenait Novorossia, tous les visages s'éclairaient! Et là aussi, au sein du peuple russe il y a une immense amitié qui nous a fait chaud au cœur mais cela n'a pas été une surprise pour nous! On aimerait qu'il y ait la même amitié qui commence à fleurir chez les Français! Et là, on avancerait beaucoup!
Commentaire de la Rédaction. Un poète russe, Robert Rojdestvenski, écrivait qu'il vivait pour lui et pour le compte d'un autre garçon, mort pendant la guerre. Cette perception aigue de la vie rachetée par la mort des autres hante la conscience nationale du pays. Les Russes ont beau ressembler à leurs cousins européens: ils gardent dans leur for intérieur ce trait distinctif qui explique peut-être le progrès spectaculaire de l'Eglise après la fin du communisme. André Chanclu et sa bande de vieux militaires français semblent avoir compris de quoi il s'agit. La France autrefois en avait aussi dans ses veines. Mais pour pouvoir être une vraie nation, comme c'est le cas des Russes aujourd'hui, avec leur mobilisation nationale, leurs idéaux en commun, etc. il faut d'abord passer par la période des guerres et des pertes en payant sa dîme à la mort. La nation française est-elle prête à payer le prix fort pour le ralliement national? A voir. En tout cas les Français savent compatir et aider ceux qui sont dans le besoin. Comme c'est le cas des gens de Donbass soutenus par le peuple français vivant à des milliers de kilomètres de ces Slaves. Ce mouvement de compassion prouve que le cœur de la nation française bat toujours. On ne peut que le saluer!
Source; Sputnik
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