Dans un récent article, l’analyste américain Michael Klare révèle les trois axes de la stratégie d’une future guerre froide qui se dessine dans les centres de planification de la politique étrangère des États-Unis, dans le but de pérenniser leur hégémonie sur le monde et d’empêcher les forces concurrentes de poursuivre leur ascension .
Ces trois axes sont : la puissance militaire [Hard Power], la puissance douce [Soft Power], et la puissance énergétique [Energy Power] ajoutée aux outils stratégiques après analyse du pari consistant à provoquer la baisse des prix du pétrole par l’intervention concertée entre l’Arabie saoudite et Washington, afin d’influer négativement sur les ressources financières de la Russie et de l’Iran.
Premièrement :
Ces dernières années, l’empire américain s’est évertué à restaurer sa « puissance militaire » après les revers subis en Irak et en Afghanistan, le constat de l’impuissance d’Israël et de sa dépendance croissante aux États-Unis dans toutes ses guerres depuis celle de 2006 ; et aussi, le constat de la course effrénée à l’armement dans le monde avec des technologies militaires industrielles gigantesques, l’émergence d’arsenaux énormes et de forces modernes bien entraînées dans de nombreux pays, notamment en Russie, en Chine et en Iran ; le lancement de la marine militaire en mer de Chine avec la possibilité de la voir se diriger vers le Yémen et les côtes de l’Afrique étant devenue une obsession majeure, ajoutée à celle motivée par la force des missiles en perpétuel développement en Iran et les capacités de combat de ses forces spéciales, et à celle motivée par le développement remarquable de toutes sortes d’armes modernes en Russie. Sans oublier une dernière obsession US engendrée par les progrès techniques de ces trois pays, dans le domaine de la conquête de l’espace.
Quant aux outils de la « puissance douce » au service de l’hégémonie US, ils ont été renforcés par le développement des systèmes de sanction, des techniques de pénétration des sociétés médiatiquement et culturellement, des procédés d’accroche d’espions ou de partis et de coalitions politiques à sa machine de guerre. Et, c’est par cette deuxième puissance que Washington essaye de dépasser l’énorme fiasco consécutif à ses expériences de prétendus printemps arabes et de soi-disant révolutions colorées, lancées depuis les années quatre vingt dix du siècle dernier pour récupérer l’héritage de l’Union soviétique.
Ceci, alors que le plan étatsunien pour la possession de « la puissance énergétique » vise plus spécifiquement la mainmise des compagnies géantes US sur les réserves de pétrole et de gaz mexicains et canadiens en vue de l’édification d’un pôle nord-américain géant, sur le marché mondial de l’énergie, garantissant l’autosuffisance des États-Unis et dérobant le marché européen à la Russie. Et c’est là le cœur de la future guerre froide : empêcher l’ascension de la Russie en frappant sous la ceinture !
Deuxièmement :
Il est difficile de trouver des différences essentielles entre les deux partis US, Démocrate et Républicain, soumis à l’impératif majeur prohibant les guerres et les aventures militaires du type de celles qui ont caractérisé les deux mandats de Georges W. Bush.
Depuis l’effondrement de l’Union soviétique et l’entreprise hégémonique US, des rivières de sang ont coulé en ce monde qui a vu nombre d’inversions d’équilibre, de changements et d’évolutions dans les domaines économique et militaire ; avec émergence de puissances montantes à l’Est, face au vacillement des puissances de l’Ouest accompagné de la dépression de leur influence sur les pays du monde.
Sujets d’ailleurs traités par nombre d’écrivains, de théoriciens et d’économistes occidentaux, qui ont analysé ce transfert de richesse de l’Ouest vers l’Est, après des siècles de la première révolution industrielle qui a inauguré les guerres pour toutes sortes de ressources et les conquêtes coloniales ayant mené vers deux guerres mondiales.
Et alors que les guerres coloniales du XXème siècle ont mené à des catastrophes innombrables et indescriptibles, le monde contemporain paie le prix de l’obstination US à refuser de reconnaître les nouvelles réalités et de s’adapter aux changements établis quant à la carte des ressources mondiales et à ce qu’elle impose de modifier dans l’équilibre des forces et la nature les relations internationales.
En d’autres termes, devant la défaite de leur logique de monopolisation du capital, de la technologie et de la force, les États-Unis sont déterminés à tenter toutes les chances de sabotage des États et Blocs internationaux qui leur feraient concurrence, pour sauvegarder leur hégémonie ; et ce, même sur des tas de ruines, de gravats et de crânes.
Troisièmement :
Le « Centre Stratfor » est couramment décrit comme une société privée américaine qui œuvre dans l’ombre de la CIA [Central Intelligence Agency], ses prévisions et rapports étant suspectés de plutôt « vendre » les plans conçus par l’Agence, que de prédire sur une base d’analyse des données et des lois régissant les conflits du monde.
Or, fin février, Stratfor a publié un rapport sous la forme de prévisions concernant la situation mondiale entre 2015 et 2025 [2]. L’essentiel de ces « prévisions » porte sur :
• la désintégration de la Russie et de la Chine après une phase de désordre et de violence sanglante qui démarreraient de la rébellion de certaines régions asiatiques ;
• l’embourbement des pays arabes dans des guerres tout aussi sanglantes et usantes, avec désintégration des États nationaux et des Armées ;
• la montée en puissance de la force turque qui étendrait son influence, notamment en Asie centrale ;
• la désintégration de l’Union européenne suite à la sortie de nombreux pays de ses rangs.
Le résultat global escompté étant, bien entendu, la pérennité de l’hégémonie des États-Unis sur le monde.
Image virtuelle de la future situation mondiale, fondée sur les plans d’une guerre froide conçue pour brider les capacités économiques russe et chinoise et, aussi, sur la détermination des États-Unis à continuer d’utiliser l’Organisation Mondiale des Frères Musulmans et ses produits takfiristes et terroristes pour le démantèlement des pays arabes, tout en la préparant à des guerres par procuration en Asie centrale contre la Russie et la Chine. Ceci, sans oublier le rôle essentiel d’une Turquie agressive, sur laquelle misent les planificateurs et stratèges US pour leurs guerres à venir.
Il y a évidemment maintes failles et faiblesses dans ce rapport. Nous les aborderons plus tard. Mais la leçon la plus importante est que les États-Unis se préparent à dix années de guerre froide et parient dessus pour protéger leur domination unilatérale sur le monde.
Par conséquent, ce pari pose en lui-même un défi aux États et aux peuples ciblés, surtout à nos pays arabes, que l’esprit agresseur US traite telles des scènes de jeu ouvertes à ses outils de guerre hard ou soft, légitimant la mainmise d’un mélange de sociétés occidentales géantes et ensauvagées sur la formidable force énergétique de notre région et lâchant les hordes terroristes qui pratiquent un pillage, sans précédent, du pétrole et du gaz en Irak, en Syrie et en Libye, en partenariat avec des pirates occidentaux et turcs sous l’égide de l’OTAN et de sa direction US.
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