INTERVIEW - Pour le première fois depuis le dépôt des listes municipales, mardi soir, le patron du Parti communiste s'exprime sur les divisions violentes au sein du Front de gauche à Paris. Pierre Laurent explique également ses positions sur Grenoble et Montreuil et appelle François Hollande à attendre un grand débat national avant tout remaniement.
Quel message retirez-vous de ce premier tour ?
La progression de l’abstention et la démobilisation d’une part importante de l’électorat de gauche sont le signe d’une critique très forte adressée au gouvernement sur ses renoncements à ses engagements de gauche. Le message est clair : les Français veulent un changement de cap de la politique nationale. La résolution des grands problèmes sociaux du pays - comme le chômage et la relance des services publics – doit être au centre des choix politiques.
Hollande a-t-il le socialisme honteux ?
C’est plus que cela. Sa conception est celle d’une conversion aux règles de la social-démocratie allemande. Là-bas, cela les a conduits à rejoindre la grande coalition d’Angela Merkel... Il y a chez Hollande un renoncement profond à une ambition de justice sociale. Il n’y a pas de socialisme qui puisse respecter les valeurs de la gauche sans s’attaquer à la finance.
Le Parti communiste peut-il, avec ces municipales, avoir plus de maires qu’avant ?
Le PCF peut sortir de cette élection en maintenant ses positions et peut-être en gagnant quelques grandes villes comme Calais, Aubervilliers, Corbeil ou Montreuil. C’est un signal supplémentaire du redressement du PCF grâce à trois choses : le maintien des atouts du communisme municipal, le renouveau du PCF lui-même et enfin la dynamique du Front de gauche. Ces résultats marquent une inflexion par rapport à la lente décrue que nous connaissions depuis des années.
Vous avez dit à plusieurs reprises que vous étiez prêt à participer à un gouvernement. A quelles conditions ?
Aujourd’hui, ce qui est nécessaire, c’est un changement de cap général. Pour cela, il faudrait un renoncement au pacte de responsabilité et la remise à plat des politiques d’emplois et des politiques fiscales. Il faudrait un changement de cap sur les politiques d’austérité budgétaire et des premières mesures fortes pour relancer le pouvoir d’achat ainsi qu’un signal contre les logiques de rentabilité financières comme l’adoption de la loi d’interdiction des licenciements boursiers.
Donc, sous conditions, vous n’excluez pas de participer au gouvernement ?
Nous n’avons jamais exclu l’idée de prendre nos responsabilités gouvernementales. Mais aujourd’hui le changement de cap n’est clairement pas la pente que prend François Hollande. En même temps, Hollande est en train de s’enfoncer dans une contradiction intenable. S'il continue sa politique, il mènera son propre camp à la catastrophe et pousse la France dans une crise démocratique extrêmement problématique. Pour dénouer ce problème, la meilleure garantie n’est pas d’attendre le salut de l’Elysée mais la mobilisation populaire qui doit amplifier de manière positive le message des urnes. C’est le sens de la marche du 12 avril.
Ne vient-elle pas trop tard ? Après un probable remaniement ?
A l’occasion de la rentrée parlementaire, le gouvernement devrait ouvrir un débat pour remettre à plat les orientations gouvernementales. Ce débat devrait précéder toute décision sur les orientations politiques du gouvernement, sur un éventuel remaniement et sur la composition du gouvernement. Il faut inverser la pratique politique pour redonner la parole à la représentation nationale.
A Paris, le Front de gauche s’est déchiré violemment. A qui la faute ? Le Parti de gauche parle de l’arrogance du PC…
A Paris, il y a eu deux choix différents faits par les formations du Front de gauche. J’ai toujours pensé qu’après ces élections, il faudrait continuer à travailler ensemble. Il n’y a pas d’invectives de notre part mais un choix politique.
En Seine Saint Denis, les résultats signent-ils une défaite politique pour Claude Bartolone ?
En Seine Saint Denis, comme ailleurs, là où le PS a tenté de faire des listes contre nos maires sortants, la leçon est claire : dans 29 situations sur 30, nous sommes arrivés en tête de la gauche. Les gens préfèrent la gauche de combat à la gauche d’accompagnement surtout quand elle joue la division au nom d’intérêts partisans. C’est un des messages que le PS, et singulièrement Claude Bartolone, doivent entendre.
Si la logique est de se rassembler derrière la liste de gauche arrivée en tête, pourquoi à Montreuil, vous ne vous êtes pas rassemblés derrière Jean Pierre Brard ?
Il y a eu une dynamique, derrière Patrice Bessac, qui nous paraît plus porteuse d’avenir. C’est le choix de la jeunesse et du renouvellement.
A Grenoble, le PCF a soutenu le PS au premier tour, face à une liste EELV-PG, finalement arrivée en tête. Regrettez-vous votre choix ? Et qui soutient le PCF pour ce second tour ?
Nous restons présents dans la liste que nous avions choisie même si le meilleur choix aurait été le rassemblement. La fusion a été impossible mais ce n’est pas de notre fait.
Jean-Luc Mélenchon a expliqué que ceux qui vont sous les jupes du PS n’ont rien à y gagner. Il pointait directement le PCF. Que lui répondez-vous ?
Nous n’avons jamais été ni sous l’égide ni sous les jupes du PS. Nous avons toujours revendiqué notre autonomie de décision et nous continuerons à la faire valoir dans les majorités municipales auxquelles nous participeront.
Arthur Nazaret - Le Journal du Dimanche
mercredi 26 mars 2014
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