Depuis 1979, date de la création de la Journée mondiale de l'alimentation, des dizaines de réunions ont été tenues, des théories ont fait leur apparition, des associations ont été fondées, des activités ont été lancées et des fonds ont été consacrés, le tout pour lutter contre la pauvreté et réduire le nombre de personnes qui, chaque année, meurent de faim par dizaines de millions dans le monde.
35 ans après, et loin de marquer un progrès effectif sur ce plan, la Journée mondiale de l'alimentation a été célébrée le 16 octobre dernier à Rome en sa qualité de siège de l'Organisation mondiale pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
En ouverture des cérémonies, le directeur général de la FAO, José Graziano da Silva, a préféré regarder «le verre à moitié plein» : En 2013, il ne restait au monde que 842 millions de personnes qui souffrent encore d'un «déficit alimentaire chronique», leur nombre étant évalué à un milliard de personne en 2009.
Un progrès sensible sans aucun doute. Pourtant et même si l'on admet l'exactitude des chiffres, rien ne porte à croire qu'il se poursuivrait jusqu'à l'anéantissement de la faim d'ici quelques années.
Il en est ainsi car c'est la moitié «vide» du verre qui donne à s'inquiéter : La perception du problème et des solutions annoncées par les milieux qui se proposent de le résoudre, surtout lorsqu'on constate que leurs programmes paraissent plutôt enclins à aggraver le problème au lieu de le restreindre.
En effet, ces milieux posent le gaspillage comme étant la principale cause du problème. Le seul fait de mettre en exergue des données selon lesquelles la moitié ou le quart de la production alimentaire mondiale finissent à la poubelle, et que le tiers de ces produits gaspillés suffit pour nourrir les 842 millions d'affamés, est en soi une grande mystification. Et elle le reste même si elle suffit pour persuader beaucoup de monde parmi ceux qui sont fascinés par le capitalisme et sa civilisation. Non parce que les chiffres ne sont pas exacts, mais parce que leur exactitude n'apporte rien à la solution du problème.
Il serait peut-être possible, au cas où l'on administrait de fortes doses de magnanimité dans la conscience des habitants des pays riches, de faire en sorte à ce que les consommateurs en Amérique du Nord et en Europe occidentale, se limitent à n'acheter que les produits dont ils ont réellement besoin, pour ainsi épargner le prix de ce qu'ils gaspilleraient ordinairement, et le donner par l'intermédiaire d'une institution ou organisation aux affamés du Tiers-monde.
Toutefois, et même si le facteur moral est présent, des obstacles qu'imposent les modes de vie et les occupations de la vie quotidienne s'interposent pour empêcher l'application d'une telle mesure : La personne qui, après avoir acheté une pizza pour son diner, reçoit de la part de ses amis une invitation pour passer la soirée dans un restaurant, est acculée à jeter sa pizza dans la poubelle rien que parce qu'elle ne peut aucunement la porter et voyager en Inde, en Afrique ou au Bengladesh pour la donner à un pauvre.
Et à supposer que les pays riches en arrivent à mettre au point des moyens «rationalisés» pour ramasser dans chaque maison ou restaurant les produits gaspillés, puis pour les conserver afin de les transporter et les redistribuer aux affamés, ils ne manqueraient pas de constater que les frais d'une telle opération dépassent sensiblement ceux de fournir aux affamés du Tiers-monde des repas chauds préparés dans les plus fastueux restaurants en Suisse. Une grande multinationales basée en Suisse et spécialisée dans l'alimentation s'est portée candidate, il y a quelques années, d'investir dans la lutte contre la famine, en avançant le plus sérieusement au monde, des propositions pareilles !
Une autre proposition de ce genre a été à l'honneur dans les cérémonies de la Journée mondiale de l'alimentation : Outre les 842 mille personnes qui souffrent d'un déficit alimentaire chronique, le monde compte deux milliards d'humains qui souffrent d'une ou plusieurs carences en «micronutriments» et en produits nutritionnels «spécialisés» (vitamines et autres) dont le repérage exige l'intervention de laboratoires, d'analyses et d'équipes de travail et permet aux investisseurs des rentes juteuses.
Les propositions de solutions ne s'arrêtent devant aucune limite : Le groupe des 8 avait il y a quelques années promis 20 milliards de dollars pour aider annuellement les agriculteurs pauvres au Tiers-monde. Une promesse qui n'a pas été tenue mais grâce à elle, le paysan pauvre aurait pu gagner 6 dollars par an !
Les propositions arrivent même à dépasser les limites des bizarreries lorsqu'on constate que la lutte contre la faim interpelle le dialogue des civilisations et exige l'arrêt de la ségrégation entre les hommes et les femmes ?!
De la sorte, toutes les instances concernées se montrent unanimes à dissimuler la principale cause de la famine et de la pauvreté : Est-ce un hasard si la famine et la pauvreté sévissent dans les pays du Tiers-monde, alors que les richesses et la satiété s'accumulent dans les pays «avancés» ? Cela n'est-il pas en rapport avec les longs siècles de l'invasion et du pillage colonialistes suivis par des décennies d'«indépendances» non moins dévastatrices pour les peuples ? N'est-il pas encore temps pour les peuples défavorisés et leurs dirigeants conscients de penser aux moyens d'assurer leur sécurité alimentaire loin des dictats et des conseils des instances internationales qui cultivent les misères ?
Source : Al-Ahednews
Akil Cheikh Hussein
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