Des ingénieurs de l’armement ont mis au point et produit des agents toxiques pour doter notre pays d’un arsenal meurtrier. Pour la première fois, un des hommes clés parle. Par Marie-France Etchegoin et Vincent Jauvert.
Sous couverts de travaux de protection (ici des gendarmes en tenue contre des attaques chimiques), les ingénieurs du centre du Bouchet produisaient des agents toxiques militarisés. (Jack Guez-AFP)
Cet ingénieur militaire a été tenu au secret-défense pendant des décennies. Il parle ici pour la première fois. Ce qu’il sait n’est connu que d’une poignée d’initiés. Durant près d’un demi-siècle, il a été au cœur d’un chapitre noir de l’histoire de France : les essais d’armes chimiques menés près de Paris, tout au long de la Ve République, jusqu’à une période très récente. Désormais à la retraite, Daniel Froment, 72 ans, a accepté de rencontrer plusieurs fois « le Nouvel Observateur » chez lui, en région parisienne.
Pendant des heures, ce chimiste longiligne, non dénué d’un certain humour, a raconté la vie au centre d’études du Bouchet, un établissement militaire secret situé dans l’Essonne, dans lequel il a travaillé de 1965 à 2006 et dont personne avant lui n’a jamais rien dit.
Le but : doter la France d’un arsenal chimique
Il décrit d’un ton égal les essais qu’il a menés sur des animaux, y compris dans les années 1990, et les effets terribles des différents produits qu’il a fabriqués au fil des années, à l’abri des regards. Officiellement, il travaillait à la protection des soldats. En réalité, il mettait au point des agents toxiques militarisés. Le but jamais avoué : pouvoir doter la France, en quelques mois, d’un vaste arsenal chimique.
Brisant des décennies de non-dits, il parle aussi, dans le long entretien publié dans le « Nouvel Observateur », des accords secrets qui ont lié la France aux Etats-Unis dans le domaine de la recherche militaire chimique, permettant à l’armée américaine de réaliser des tests en France, à Mourmelon, dans les années 80. Il dit ce qu’il sait des fameuses armes de destruction massive qui ont « justifié » l’invasion de l’Irak en 2003 et ce qu’il connaît de l’assaut meurtrier au gaz toxique dans un théâtre à Moscou l’année précédente. Enfin, il raconte ses diverses missions confidentielles à l’étranger, en Yougoslavie comme en Libye. [...]
Source: tempsreel.nouvelobs.com
Disponible en version complète sur Les brindherbes
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