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19 mai 2013

A peine achetés, bons à jeter ?


Apple store, la Défense - PRM/SIPA

Alors que le ministre Benoît Hamon présente sa loi sur la consommation, un débat fait rage autour de « l'obsolescence programmée » : les constructeurs limitent-ils délibérément la durée de vie de leurs appareils pour nous obliger à les renouveler plus souvent ? Pas si simple...

Va-t-on assister au déclin de la folle croissance d'Apple ? se demandent les milieux boursiers. Rendez-vous compte : la marque à la pomme a vu son bénéfice (en or massif) reculer pour la première fois en dix ans ; plus grave, elle n'a sorti aucune nouveauté depuis... six mois ! 

Samsung, de son côté, vient de créer l'événement en lançant la quatrième génération de son Galaxy, le smartphone le plus vendu au monde. La précédente version n'a pas encore fêté son premier anniversaire... Qu'importe, les Français remplacent leurs mobiles tous les dix-huit mois en moyenne, alors qu'ils sont conçus pour fonctionner entre cinq et sept ans. Tout neufs, et pourtant déjà dépassés, rendus obsolètes au bout de quelques mois par une nouvelle offre. 

Camille Lecomte, responsable du dossier au sein de l'association écologiste Les Amis de la Terre, explique : « L'obsolescence commerciale, qui fait délaisser un produit qui marche encore, est plus vicieuse qu'une simple baisse de la durabilité des produits. » 

Elle s'applique principalement aux équipements informatiques et high-tech - en premier lieu la téléphonie mobile - dont l'esthétique est un critère d'achat fort. 

« Le premier iPhone, en 2007, a représenté une réelle avancée, commente Gilles Garel, professeur d'innovation au Cnam. Depuis, la firme a su jouer sur l'applemania et la ringardise pour imposer chaque année un nouveau modèle qui n'a rien de révolutionnaire. »Les constructeurs se sont également ingéniés à rendre leurs produits irréparables ou trop coûteux à réparer. 

Ainsi des batteries de téléphone soudées à la coque, des imprimantes plus chères à réparer qu'à acheter neuves, mais aussi des lave-linge dont on ne peut changer les roulements sans la cuve. Sans parler des appareils intégrant de nouveaux modèles de vis impossibles à démonter sans les outils adéquats. 

Mais, alors que le projet de loi porté par Benoît Hamon, le ministre délégué chargé de l'Economie solidaire et sociale et de la Consommation, est attendu dans les semaines à venir et que le sénateur vert Jean-Vincent Placé a poussé - en vain - une proposition de loi pour lutter contre l'« obsolescence programmée », le débat fait rage autour d'une question plus dérangeante : les constructeurs fabriquent-ils délibérément des appareils plus fragiles qu'autrefois pour contraindre le consommateur à les renouveler plus souvent ? 

Flash-back. Avez-vous entendu parler du cartel Phœbus ? En 1924, les représentants des grands fabricants d'ampoules se réunirent à Genève pour limiter l'utilisation des lampes à incandescence à mille heures, soit 100 fois moins que ce que les brevets laissaient espérer. 

Quelques années plus tard, en 1932, le riche philanthrope Bernard London encourageait dans ses écrits l'obsolescence programmée - en clair, la mise en œuvre de procédés techniques visant à réduire la durée de vie d'un produit -, y voyant la seule façon de sortir de la grande crise de 1930. 

Aujourd'hui, qui n'a pas pesté contre un réfrigérateur qui lâche sans prévenir au bout de trois ans, alors que le même, acheté dans les années 50, durait cinq fois plus longtemps ? Bon marché à l'achat, ruineux à réparer. Avec les vents mauvais de la crise et la baisse du pouvoir d'achat, les soupçons de mise à mort industrielle délibérée s'amplifient. 
Illustration - RICHARD B. LEVINE/NEWSCOM/SIPA
Le Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager (Gifam) reconnaît que la durée de vie du gros électroménager a baissé en dix ans. 

Mais à peine, moins d'un an à tout casser. L'utilisation a changé, explique le syndicat, qui avance, par exemple, l'augmentation du nombre de cycles demandés à un lave-linge ou de l'astringence de la lessive. 

Peu importe, 85 % des personnes interrogées par l'Observatoire société et consommation (Obsoco) approuvent l'affirmation selon laquelle les fabricants font tout pour baisser la durée de vie de leurs produits, sans qu'on leur en fournisse la preuve. 

Certes, pour citer un exemple devenu célèbre, une gamme d'imprimantes Epson intégrait dans ses cartouches d'encre une puce électronique faisant disjoncter l'appareil au bout de 18 000 copies. 

Et Bernard Arru, le directeur des Ateliers du Bocage (ADB), une entreprise de réparation et de revente (en occasion) de matériel informatique et de téléphonie mobile, évoque, quant à lui, les condensateurs bas de gamme qui envoient rapidement certaines marques d'écrans plats au tapis : « C'est indéniablement une façon de forcer à changer d'appareil. » 

Mais, au total, le dossier de l'obsolescence technique a besoin d'être étayé. Benoît Hamon a ainsi chargé la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d'enquêter sur tout ce qui pourrait s'apparenter à une tromperie délibérée. 

Il est une autre obsolescence peu répertoriée, celle liée aux bas prix que les consommateurs se sont habitués à payer. « Il n'y a pas de miracle. Un lave-linge "no name" [comprenez sans marque, généralement vendu en grande surface], qui coûte trois fois moins cher qu'un Miele, par exemple, ne donnera jamais autant de satisfaction, souligne Philippe Robin, qui dirige deux structures de réparation de gros électroménager du réseau Envie. Dans le bas de gamme, tout est possible. » 

Il parle des fabricants chinois qui économisent, notamment, sur les composants et le diamètre des fils de cuivre. Camille Lecomte, aux Amis de la Terre, se veut réaliste : « Quand on achète du petit matériel à moins de 50 €, il faut se demander quelle est la part affectée à la qualité, une fois déduits les coûts de la fabrication, du transport et de la distribution. » 

Des mannequins masculins posent dans les vitrines des galeries Lafayette dans le cadre d'une campagne de publicité pour les produits électroménagers, 2004 - DE RUSSE AXELLE/SIPA
Le marketing, la publicité et les préoccupations commerciales se sont emparés du marché de masse. 

En 2013, les industriels savent tous que, s'ils ne devaient compter que sur une réelle innovation pour présenter de nouveaux produits, leurs usines ne tourneraient pas. 

Selon la firme américaine Booz & Company, sur 100 produits, moins de 10 % sont des innovations réelles. Le reste constitue ce que les experts appellent de la rénovation, promise au superbe destin de la feuille morte en automne. 

Thierry Saniez, délégué général de l'association de consommateurs Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), explique : « L'obsolescence programmée fait partie de l'ADN du système où, pour exister, chacun doit viser à rendre obsolescents non seulement les produits de ses concurrents, mais aussi les siens. » 

Ainsi se dessine le modèle économique d'un business entraîné dans une course à l'échalote sans fin, où les consommateurs sont, eux aussi, responsables de ce qu'ils dénoncent. Jamais la France n'a produit autant de déchets - 540 kg par tête et par an, dont de 16 à 20 kg de déchets d'équipements électroniques et informatiques. « Le système est devenu intolérable », s'indigne Philippe Moati, professeur d'économie à l'université Paris-VII et cofondateur d'Obsoco, qui est tout sauf un décroissant. 

Paradoxalement, la crise pourrait avoir du bon. Serrés au portefeuille, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à prôner le retour de produits peut-être plus chers à l'achat mais plus durables. Signe des temps, même la mode, ce temple de l'éphémère, n'échappe pas à une certaine remise en cause. 

Evelyne Chaballier, directrice des études économiques de l'Institut français de la mode (IFM), relève que, « après des années d'achat à tout-va, les clients se sont mis à comparer la qualité et les prix ». En octobre 2011, un tiers des sondés de l'IFM - principalement des 25-34 ans - étaient prêts à acheter moins de vêtements mais qui dureraient plus longtemps. 

Autre signe encourageant : après les écolos, Damien Ravé, le développeur de commentreparer.com, un site qui s'adresse aux amateurs, a vu arriver une deuxième vague d'internautes plus intéressés par la réparation pure et dure que par le sauvetage de la planète.

ET SI ON RÉPARAIT ?
Vélos, fauteuils, vêtements, téléphones portables ou électromenager, la grande vente annuelle d'objets récupérés et rénovés par les Compagnons d'Emmaus - DURAND FLORENCE/SIPA
Pour contrer l'obsolescence commerciale, Benoît Hamon s'intéresse à deux pistes. La première est l'affichage de la durée de vie. Mais sur quelles bases et sur quels critères ? Tout est au stade du débroussaillage. En dehors de la durée de vie affichée sur les ampoules basse consommation, rien n'est fait. 

« Notre but est d'arriver à une norme de durabilité qui soit, ensuite, étendue à l'Union européenne », explique Alain Geldron, responsable du projet à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). 

Pour d'autres experts, le plus simple serait d'allonger les garanties. Mais qui sait, par exemple, que Bruxelles impose déjà deux ans de garantie pour tous les produits ? Camille Lecomte voudrait aller plus loin, et rappelle qu'Ikea garantit certains de ses produits jusqu'à vingt-cinq ans. 

L'autre piste est de muscler les services de réparation. L'Ademe déplore le manque de structuration du secteur : malgré le développement des réseaux d'insertion comme Les Ateliers du Bocage ou Envie, de sites Internet tel commentreparer.com ou des 200 professionnels agréés par le Gifam, la réparation souffre d'un manque de visibilité, d'une absence d'informations concernant la disponibilité des pièces détachées et de graves lacunes en matière de cahiers techniques. 

« Tout cela nuit au lancement d'actions politiques à long terme », commente Alain Geldron. 

Philippe Moati voit beaucoup plus loin. La fin de l'obsolescence programmée correspondra à la vente de service en remplacement des produits : « Quand on vendra du lavage, du transport individuel ou du confort domestique, à la place de lave-linge, de vélos ou de canapés, alors nous en reviendrons à des équipements durables et réparables. » D'ici là, on aura changé 120 fois de smartphone. 

DURÉE DE VIE MOYENNE 

Réfrigérateur 11 ans 

Congélateur 15 ans 

Lave-linge 11 ans 

Lave-vaisselle 11 ans 

Téléviseur (cathodique) 7 ans 

Téléviseur (plasma) de 10 à 12 ans (estimation) 

Téléviseur (LCD) de 18 à 20 ans (estimation) 

Grille-pain 5 ans 

Fer à repasser de 3 à 5 ans 

Ordinateur (entreprise) 3 ans 

Ordinateur (particulier) de 5 à 6 ans 

Ordinateur (portable) de 3 à 4 ans 

Téléphone portable de 3 à 7 ans 

Sources : Gifam, Univers Conso, WiPro Product Strategy And Services.

ENFIN UNE ACTION DE GROUPE À LA FRANÇAISE ? 

Attendu mi-juin au Parlement, le projet de loi Consommation défendu par le ministre Benoît Hamon était présenté jeudi en Conseil des ministres. Parmi toute une série de mesures visant à rééquilibrer les pouvoirs entre clients et vendeurs, notons le renforcement de la lutte contre les clauses abusives, la modification des conditions de résiliation des contrats d'assurance auto ou immobilière (à tout moment et sans frais, après un an d'engagement), ou le doublement du délai de rétractation pour les achats en ligne (porté à deux semaines). 

Mais c'est la mise en place de l'action de groupe, véritable serpent de mer du droit français, qui forme la pierre angulaire du projet de loi. Cette procédure permet à des personnes ayant subi le même préjudice d'engager une action collective devant la justice civile, pour obtenir réparation. 

Deux bémols : elle ne concernera que les entorses au droit de la consommation et de la concurrence (par exemple, un conflit avec un opérateur de téléphonie ou une compagnie d'assurances), mais pas les affaires de santé et d'environnement, et ne pourra être engagée que par l'intermédiaire d'une des 16 associations de consommateurs agréées.

source : marianne.net

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