15 janv. 2013
Nouveau palais de justice de Paris : le contrat sera renégocié
Le premier ministre a tranché : le nouveau Palais de justice de Paris sera bien construit aux Batignolles, dans le 17e arrondissement de Paris, par le groupement Arelia, mené par Bouygues Bâtiment Ile-de-France, à un coût pharaonique.
Christiane Taubira n'était pas enthousiaste, et entend bien renégocier le contrat."Aux termes de ce contrat de 27 ans, en 2043, avait indiqué la garde des sceaux le 30 octobre 2012, l'Etat, deux générations après nous, aura payé 2,7 milliards d'euros pour un investissement de 679 millions. Comme démonstration de bonne gestion, je crois qu'on a déjà fait mieux."
La ministre avait réclamé trois rapports : à l'inspection générale des finances, à l'inspection générale des services judiciaires, et à Jean-Paul Jean, avocat général à la Cour de cassation. Il fallait faire vite: les lettres de mission, envoyées le 27 juillet 2012, exigeaient une prompte réponse, au 30 septembre, avant le débat budgétaire. Les trois rapports sont restés confidentiels. Ceux des inspections sont très techniques, celui de l'avocat général plus politique : il conclut que si la cité judiciaire des Batignolles est sans conteste une mauvaise affaire pour l'Etat, il est possible d'en renégocier une partie.
PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ
"Cette renégociation, que nous entamons ici à la chancellerie avec bien entendu l'appui du ministère de l'économie et des finances, a indiqué le 15 janvier Mme Taubira, devrait nous permettre d'alléger sur la durée le coût pour les finances publiques, puisque c'est notre souci principal." Le déménagement du Palais de justice de Paris, à l'étroit dans l'île de la Cité, est une vieille affaire ; il ne devrait plus, à terme, abriter que la cour d'appel et la Cour de cassation.
Deux occasions ont été manquées, l'une à l'Hôtel-Dieu, l'autre à Tolbiac. Après l'échec en 2005 de la candidature de la capitale aux JO, le maire de Paris s'était dit que le village olympique mort-né, sur la ZAC des Batignolles, pourrait bienaccueillir la nouvelle cité judiciaire. Nicolas Sarkozy l'a annoncé le 29 avril 2009, et l'Etat a signé, faute d'argent, le 15 février 2012, un partenariat public-privé avec Bouygues pour un beau projet de Renzo Piano, qui avait construit Beaubourg il y a trente-cinq ans.
Voir la vidéo du projet et le portfolio du futur palais de justice.
L'architecte a vu haut : quatre bâtiments empilés, d'une hauteur de 160 m. Après 39 mois de travaux, le palais devrait être livré en novembre 2016, et mis en service l'année suivante. Le coût du bâtiment serait pour Bouygues de 570 millions d'euros (hors taxes), plus 92,8 millions d'emprunts, pour un total estimé à 790,80millions d'euros TTC. A charge pour le consortium de gérer la maintenance, et de restituer la cité judiciaire en parfait état en... 2043. L'Etat, en échange, devra lui verser un loyer de 90 millions d'euros chaque année – 84,7 millions en 2017, mais 114,5 en 2043 – soit au total, entre 2,45 et 2,68 milliards d'euros.
PLUSIEURS COÛTS ONT ÉTÉ OMIS
C'est évidemment très cher, le projet Tolbiac, en maîtrise d'ouvrage public, était évalué à 575 millions. Et le budget de la justice étant en 2013 de 7,7 milliards d'euros, dont un peu plus de la moitié absorbée par l'administration pénitentiaire, comment dégager une centaine de millions d'euros tous les ans pour le seul tribunal de Paris ?
D'autant, soulignent les rapports, que plusieurs coûts ont été omis. La sécurité, d'abord : celle du palais de la Cité est assurée par la gendarmerie, qui a fait savoirqu'elle n'irait pas en plus s'occuper des Batignolles gracieusement. Coût estimé : 3,6millions par an. Le transfert des 20 tribunaux d'instance parisiens, ensuite : rien n'est résolu dans le contrat. S'il faut le modifier, il faudra payer un surcoût. La restructuration de l'actuel Palais de justice, enfin, évaluée par une entreprise privée (mais le chiffre est contesté) à plus de 30 millions. Sans compter le colossal déménagement, qui n'a été chiffré par personne. En revanche, les différents locaux loués par le ministère à Paris reviennent à une vingtaine de millions par an, qui seront économisés.
Il y a évidemment une possibilité de rompre le contrat, en vertu d'une "clause d'intérêt général", qui doit être fortement motivée, et une association d'avocats, La Justice dans la cité, a attaqué le projet devant le tribunal administratif. Mais plus les travaux avancent, plus c'est cher : au 14 janvier, le dédit était estimé à 80 millions d'euros. Et si la chancellerie négociait avec Bouygues un projet alternatif, elle pourrait être attaquée par Vinci, candidat malheureux de l'appel d'offres : le risque contentieux est estimé à 100 millions d'euros.
C'est ainsi qu'en raison de "la continuité de l'Etat", des dépenses déjà engagées par le précédent gouvernement (145 millions en achat de terrain et ses aménagements, dont 52 restent à verser), Matignon s'est résolu à poursuivre le contrat léonin avec Bouygues. Si on ajoute le report de l'aménagement du quartier, qui lui n'est pas à la charge du ministère de la justice, la facture approcherait, selon la ministre, les 400 millions. "Nous veillerons à ce que la renégociation soit substantielle", a assuré Mme Taubira.
Source : Le Monde.
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