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4 janv. 2012

Violence et misére de l’huile de palme

Ou comment les gouvernements baissent leur froc devant les multinationales....

La communauté de Mesuji, dans le sud de Sumatra, a subitement attiré les lumières de l’actualité quand elle est parvenue à rencontrer des députés indonésiens pour leur montrer une vidéo de violences, meurtres et autres décapitations dont elle aurait été la victime dans un conflit l’opposant à une entreprise impliquée dans l’huile de palme…

L’authenticité de ces vidéos a depuis été remise en cause. Mais qu’elles soient véritables ou non, ces vidéos ne doivent pas détourner l’attention de problèmes bien réels, en l’occurrence ceux liés à la propriété et au respect des Droits de l’Homme.
La tragédie de Mesuji, qui selon une coalition d’organisations non gouvernementales est une flagrante violation des Droits de l’Homme, illustre parfaitement l’absurdité de la reforme agraire en Indonésie, la brutalité des lois et des appareils d’Etat, plus enclins à protéger les intérêts capitalistes des corporations que les citoyens. Au coeur du problème de Mesuji se situe la question de l’acquisition de terres par les grandes entreprises d’huile de palme qui recherchent à augmenter leur production pour répondre à la demande globale croissante de cette huile. Cette expansion se heurte inévitablement à la présence de communautés locales ayant occupé ces terrains pendant des générations.


En Indonésie ces problèmes sont sensibles parce que les titres de propriété des populations indigènes sont très largement fondés sur les lois coutumières. Cette loi coutumière, reconnue par les Nations Unies, l’est également par la Constitution indonésienne de 1945. Malheureusement la loi agraire considère les droits coutumiers comme faibles et les terrains impliqués comme propriété d’Etat que les peuples doivent abandonner si l’Etat les requiert pour des projets de développement.

Dès lors, de nombreux exemples d’acquisition de terrains, parmi lesquels ceux impliquant l’industrie d’huile de palme, sont menés sans le consentement ni la compensation des populations indigènes. Le potentiel pour des violations des Droits de l’Homme au profit des industries est ainsi énorme. Malgré les doutes sur la véracité des vidéos ayant engendré ce débat, il n’y a aucun doute sur les agissements de ces grandes entreprises à Sumatra. L’expansion des cultures d’huile de palme a aussi cours à Kalimantan, à Sulawesi et en Papua, mais à une intensité inferieure à celle observée à Sumatra.


Le message lancé par le cas de Mesuji est que l’Indonésie doit résoudre l’absurdité et la brutalité de sa politique agraire, qui bénéficie au développement industriel bien plus qu’aux populations locales. Logiquement, tout investissement devrait créer de la prospérité pour les indigènes. Ce n’est pas le cas en Indonésie, où chaque année 700 à 1000 disputes opposent les investisseurs de l’huile de palme aux communautés locales. Ces pratiques sont un exemple supplémentaire de la crise éthique que traverse l’archipel. Celle-ci touche l’appareil d’Etat au plus haut point. Les habitants de Mesuji ont expliqué avoir averti leurs autorités locales de ces problèmes. Pour rien. Ces peuples ont été sacrifiés sur l’autel des intérêts économiques de l’entreprise. L’autorité publique sur laquelle les populations sont censées s’appuyer pour défendre leurs droits devient étrangère à son propre peuple et sans pouvoir devant la puissance financière.

Même l’administration centrale semble ne rien savoir de ce qui se passe. Il est saisissant de voir le ministre de la Loi et des Droits de l’Homme Amir Syamsuddin refuser de commenter les tueries supposées à Mesuji parce qu’il ne se sent pas assez spécialiste des Droits de l’Homme. Quelle ironie d’observer un ministre sans expertise dans ce qui doit être sa responsabilité quotidienne. Le cas Mesuji n’aurait jamais dû avoir lieu si l’Etat faisait obligation aux entreprises d’appliquer des politiques de responsabilité sociale et culturelle en lieu et place de réponses purement sécuritaires.

Les hasards du calendrier politique ont fait que ces tristes événements se sont déroulés au moment même ou une loi longuement attendue sur l’acquisition de terrains fut adoptée par le parlement indonésien. Cette loi doit faciliter le développement des infrastructures indonésiennes sans sacrifier les droits à une compensation juste des propriétaires de terrains. Ces derniers doivent bénéficier d’une consultation publique et pourront se tourner vers la justice pour des décisions rapides sur d’éventuels conflits.

Reste que la justice indonésienne, comme le reste de la société, est loin d’être un modèle d’éthique. Il sera très intéressant d’observer comment cette nouvelle loi sera appliquée. Si celle-ci ne profite qu’à l’Etat au détriment des individus, ce sera un énième coup d’épée dans l’eau pour le développement juste et égalitaire de l’archipel.


Il en est un qui n’aura pas l’occasion de se rendre compte de l’évolution, ou non, de l’Indonésie vers un Etat plus juste. Sondang était étudiant à Jakarta. Il s’est immolé par le feu devant le palais présidentiel pour protester contre le non respect des Droits de l’Homme en Indonésie et en mourir. Cet acte de courage et de désespoir a fortement ému les Indonésiens. Il y a peu de chances qu’il ait été compris par la classe dirigeante du pays. Puisse néanmoins le geste de Sondang être le dernier de la part de ces dizaines de millions d’Indonésiens devant faire face à l’injustice grandissante et permanente dans leur pays. Que les futurs candidats à la présidence lèvent la main avant 2014 !

Source : http://lagazettedebali.info

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