La Maison Blanche a annoncé, mercredi que 450 soldats américains de plus seront envoyés, en Irak, comme «formateurs» et «conseillers», ce qui porte les effectifs américains, officiellement, reconnus, dans le pays à plus de 3.500. Cette dernière escalade de l’intervention militaire renouvelée de Washington, dans un pays, décimé par la guerre et huit ans d’occupation, commencée en 2003, vient, exactement, un an après la chute de la deuxième plus grande ville d’Irak, Mossoul, aux mains des combattants islamistes du groupe État islamique d’Irak et de Syrie, (EI).
Dans le sillage de cette débâcle sidérante de la politique américaine, dans la région, et, en premier lieu, de l’armée nationale irakienne, armée et entraînée par le Pentagone, qui y avait consacré près de 10 ans et 20 milliards de dollars, le gouvernement Obama a lancé sa nouvelle intervention, 3.000 soldats américains, pour former et conseiller les troupes gouvernementales irakiennes, ces forces ont montré peu de résolution, qu’elle leur soit propre ou non. Elles se sont dérobées, le mois dernier, devant un assaut de l’EI, sur Ramadi, la capitale de la province d’Al-Anbar, comme elles l’avaient fait, en juin de l’année dernière, à Mossoul.
Une fois de plus, des quantités massives d’armes, de véhicules et d’équipement américains sont tombées aux mains de la guérilla islamiste, qui est, de fait, maintenant l’un des plus grands utilisateurs d’armement américain de toute la région. Au début de la semaine, le Président Barack Obama a fait un aveu surprenant, lors du Sommet du G-7, en Allemagne: «Nous ne disposons pas, encore, d’une stratégie complète», tout en indiquant qu’il attendait des hauts gradés du Pentagone et de leurs homologues du renseignement américain qu’ils lui disent ce que serait cette stratégie.
Le problème, dont souffre la stratégie américaine, est qu’elle est en proie à une foule de contradictions flagrantes, dont, et ce n’est pas la moindre, le désir de Washington de mener sa politique agressive, au Moyen-Orient, par le biais de meurtres, par drones, d’opérations de ces escadrons de la mort que sont les commandos et des forces locales, qui mènent sa guerre, par procuration, tandis qu’il s’engage, dans un «pivot» de ses principales forces militaires, vers la confrontation avec ses principaux rivaux géostratégiques, la Russie et la Chine, en particulier. Si, pour cette raison, le gouvernement Obama a été réticent à déployer un plus grand nombre de troupes terrestres américaines, en Irak, la logique des événements l’attire dans une intervention, toujours, plus large. En menant sa guerre contre l’EI,
Washington évoque, surtout, un docteur Frankenstein, cherchant à détruire le démon, qu’il a, lui-même, créé. L’EI, qui a commencé, sous le nom d’Al-Qaïda, en Irak, a émergé comme un sous-produit direct de l’invasion et de la dévastation américaines, en Irak, y compris, les divisions sectaires, délibérément, fomentées entre Sunnites et Chiites, dans le cadre d’une stratégie, consistant à diviser, pour mieux régner, de la part des forces d’occupation américaines. Le groupe EI d’aujourd’hui a pris forme, dans le contexte des guerres américaines, d’abord, en Libye, contre Mouammar Kadhafi, sous la forme d’une campagne aérienne des États-Unis et de l’OTAN, puis, en Syrie, avec la guerre, par procuration, pour renverser le Président Bachar al-Assad. Dans les deux cas, les États-Unis et leurs alliés ont beaucoup compté sur les forces islamistes, composées de l’EI et de milices sunnites du même genre.
Longtemps après que Washington eut pris conscience du fait que les «rebelles» syriens étaient, majoritairement, constitués de l’EI et d’éléments d’Al-Qaïda, (comme le démontre le rapport secret du renseignement américain d’août 2012, récemment déclassifié), la CIA a continué à coordonner l’acheminement d’armes et de fonds, provenant, également, des monarchies pétrolières du Golfe, vers ces groupes. En soutenant les islamistes, en Syrie, les États-Unis cherchaient à renverser Assad, afin d’affaiblir les alliés les plus proches du régime de Damas, l’Iran et la Russie.
Maintenant, en Irak, ils s’appuient sur les milices chiites, soutenues par l’Iran, pour mener l’essentiel des combats contre l’EI, tout en déplorant, verbalement, leur rôle. Le nouveau déploiement, annoncé mercredi, est censé concentrer le dernier contingent de «formateurs» et de «conseillers», dans une vaste ex-base américaine, dans la province d’Al-Anbar, où ils devront former les forces sunnites et superviser une campagne, pour reprendre Ramadi et le reste d’Al-Anbar, qui est, largement, sous le contrôle de l’EI.
Cela ne fera que donner du grain à moudre à Washington, pour une intervention militaire directe, encore, plus agressive, dans la région, non seulement, pour vaincre l’EI, en Irak, mais aussi, pour achever le renversement d’Assad, en Syrie. Tout cela est mené, dans le dos du peuple américain, qui est, majoritairement, hostile à la guerre. Le Congrès américain, qui a évité un vote, sur l’opportunité d’autoriser, (après coup), l’utilisation de la force militaire, est, directement, complice d’une intervention militaire en cours, qui est, à la fois, anti-constitutionnelle et en violation du droit international. Les médias jouent leur rôle, celui de dissimuler les profondes implications du militarisme américain, tout en promouvant, sans cesse, la prétendue menace terroriste, afin de justifier l’agression militaire des États-Unis.
Les sentiments belliqueux de la classe dirigeante américaine ont trouvé leur expression, dans le témoignage livré à un panel du Congrès américain, la semaine dernière, par Anthony Cordesman, un conseiller de longue date du Pentagone travaillant au Centre d’études stratégiques et internationales, un groupe de réflexion, à Washington. «Il faut que les États-unis tirent une leçon-clé de la guerre du Vietnam», a déclaré Cordesman, au Congrès. «Générer ou rassembler des forces à l’arrière ne suffit pas, et c’est une garantie, quasi-certaine, d’échec. Les forces nouvelles ou faibles ont besoin d’équipes de conseillers, en position offensive, pour les aider à combattre, réellement». En d’autres termes, les troupes gouvernementales irakiennes ne se battront que, si elles sont dirigées par des «conseillers» américains, envoyés au combat avec eux.
On pourrait penser que la plus grande leçon du Vietnam est que ces recours tactiques ne peuvent pas résoudre le problème sous-jacent, celui d’obtenir l’engagement d’une force indigène à se battre, au nom d’un régime fantoche corrompu, imposé par l’impérialisme américain. La deuxième prescription de Cordesman est que le Pentagone abandonne ses «restrictions sur l’utilisation de la puissance aérienne» et accepte les «dures réalités de la guerre». «Les États-Unis ne peuvent pas se donner l’objectif stratégique d’éviter de faire des victimes civiles», a-t-il insisté, ajoutant: «Sauver un petit nombre de vies civiles, et, ainsi, exposer de nombreuses petites et grandes villes à la menace d’une occupation prolongée par des ennemis», tels que l’EI, «n’a rien d’humanitaire».
Étant donné que les rapports établis par des journalistes indépendants mettent le nombre de civils irakiens et syriens, tués dans les frappes aériennes, menées par les États-Unis et ses alliés, entre 418 et 850, ce que Cordesman préconise est un massacre de l’ampleur de celui de la campagne aérienne, au Vietnam. Il exprime les idées des couches influentes de l’élite dirigeante et du Pentagone, qui veulent une résolution rapide de la crise, en Irak, afin qu’ils puissent tourner leur attention sur la préparation de guerres beaucoup plus catastrophiques contre la Russie et la Chine, toutes deux détentrices d’armes nucléaires.
Bill Van Auken
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