Malgré les efforts de Moscou à développer sa coopération avec Téhéran, les différends qui existent depuis longtemps entre les deux pays empêchent la promotion rapide des relations entre l’Iran et la Russie.
Depuis la dégradation des relations entre la Russie et l’Occident en raison de la crise dans l’Est de l’Ukraine, la Russie a redoublé ses efforts pour améliorer ses relations avec Téhéran et développer une coopération privilégiée avec ce pays. Mais malgré des avancées obtenues sur cette voie, des différends qui existent depuis longtemps empêchent la promotion rapide des relations entre Téhéran et Moscou.
Le Centre Woodrow Wilson aux Etats-Unis a publié récemment un article signé par Mark Katz, portant sur la situation actuelle des relations et des coopérations entre la Russie et l’Iran. Nous reproduisons ici un extrait de cet article.
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Tandis que les relations entre la Russie et l’Occident (notamment les Etats-Unis) se dégradaient en 2014, Moscou a redoublé les efforts pour développer ses relations avec l’Iran, pays qui n’a pas eu de relations amicales avec les Etats-Unis depuis la révolution de 1979. Dans ce sens, la prise de position contre la politique étrangère des Etats-Unis dans le monde, est un élément qui pourrait renforcer les coopérations politiques entre la Russie et la République islamique d’Iran. En réalité, Moscou et Téhéran ont des affinités importantes dans leurs politiques étrangères respectives depuis fort longtemps. Aujourd’hui, le soutien qu’ils accordent, l’un comme l’autre au gouvernement du président syrien Bachar al-Assad est l’exemple le plus emblématique.
- Moscou s’inquiète d’une amélioration éventuelle des relations entre l’Iran et les Etats-Unis :
Bien que les deux pays soient hostiles tous les deux aux politiques des Etats-Unis, les relations entre Moscou et Téhéran ont souvent connu des tensions vives et des conflits importants. Et maintenant, le Kremlin peut craindre que l’amélioration éventuelle des relations entre Téhéran et Washington porte atteinte aux relations entre l’Iran et la Russie. Cela semble avoir amené le président russe Vladimir Poutine à vouloir accélérer l’approfondissement des relations avec l’Iran depuis le début de 2014.
- Obstacles devant le développement des relations Téhéran-Moscou
1- Défense :
En janvier 2015, le ministre russe de la Défense a visité Téhéran et il a signé avec son homologue iranien un accord de coopération militaire et défensive. Les détails de cet accord n’ont pas été annoncés officiellement, mais il paraît qu’il porte essentiellement sur la formation militaire, la coopération antiterroriste et une coopération maritime.
Selon certains rapports, la Russie reprendrait aussi la vente de systèmes balistiques de défense aérienne à l’Iran. Mais il faut se rappeler qu’en 2010, l’ancien président russe Dimitri Medvedev avait suspendu le contrat de vente des missiles S-300 à l’Iran à la demande des Etats-Unis, sous prétexte des sanctions onusiennes contre l’Iran. En outre, le 19 janvier 2015, la presse russe a révélé les rapports qui indiquent que dans le cadre d’un accord secret entre Moscou et Tel-Aviv, la Russie s’est engagée à ne pas vendre ces missiles aux Iraniens et au gouvernement syrien.
2- Commerce :
Téhéran et Moscou négociaient un contrat de 1.5 milliards de dollars par mois, selon lequel l’Iran livrerait chaque jour 500.000 barils de brut à la Russie en échange des marchandises russes. A présent le commerce entre les deux pays se limite aux produits agroalimentaires, les produits miniers et métalliques. Mais Téhéran préfère vendre son brut à la Russie en échange du dollar américain, étant donné que les produits russes ont souvent une qualité inférieure à ceux fabriqués dans les pays occidentaux.
Les taxations russes et la qualité inférieure des produits agroalimentaires russes sont d’autres obstacles devant le développement des échanges commerciaux entre la Russie et l’Iran. Cependant les deux pays ont longtemps négocié de la possibilité de la suppression du dollar américain dans leurs échanges. Mais la faiblesse de leurs monnaies nationales respectives rend difficile la réalisation d’un tel projet.
3- Nucléaire :
L’Iran et la Russie se sont entendus sur la construction de deux autres réacteurs nucléaires en Iran. Mais Moscou a trainé pendant près de 20 ans les travaux de la construction de la centrale nucléaire de Boushehr. La partie iranienne est très mécontente de ce retard dont la répétition pourrait avoir un effet négatif sur les contrats que les deux pays ont signé pour la construction d’autres centrales atomiques en Iran.
4- Sanctions :
La Russie a toujours prétendu d’avoir tout fait pour alléger les sanctions que le Conseil de sécurité de l’ONU a imposées à Téhéran en raison de son programme nucléaire civil. Mais ce que les responsables iraniens reprochent aux Russes c’est d’avoir voté pour ces sanctions au Conseil de sécurité de l’ONU au lieu d’y apposer leur veto. Quant aux négociations nucléaires entre l’Iran et les 5+1 dont la Russie est un membre, la partie iranienne estime que les Russes y ont toujours joué un rôle très faible sans intervenir convenablement pour défendre les positions de l’Iran dans ses négociations avec les pays occidentaux du groupe 5+1.
5- Relations entre l’Iran et l’Occident :
La Russie ne veut pas que l’Iran ait accès à l’arme atomique. Les Russes préfèrent que les centrales nucléaires iraniennes dépendent le plus longtemps possible du combustible atomique russe et de l’assistance technique des sociétés russes. En même temps, les dirigeants russes ne veulent pas non plus que l’Iran arrive à améliorer ses relations avec les puissances occidentales surtout les Etats-Unis, dans le cadre d’un accord nucléaire avec les grandes puissances. Un rapprochement politique entre Téhéran et l’Occident pourra relancer aussi les échanges économiques et commerciaux entre l’Iran et les sociétés occidentales, ce qui portera atteinte aux intérêts économiques de la Russie en Iran. En outre les dirigeants russes estiment que si les Etats-Unis et les l’Iran pouvaient s’entendre pour le règlement politiques des crises régionales au Moyen-Orient, Moscou n’aurait d’autre choix que de se soumettre aux décisions communes de Téhéran et de Washington dans la région.
- Moscou préfère que les relations entre Téhéran et l’Occident restent tendues :
L’un des pires scénarios pour les Russes c’est que la finalisation des accords nucléaires avec l’Iran mettent fin aux sanctions occidentales au secteur du gaz et du pétrole de l’Iran. Dans ce cas, les sociétés internationales développeront sans doute leurs investissements dans le secteur d’énergie en Iran. Téhéran pourra envisager aussi la vente de son gaz naturel aux pays européens qui souhaitent depuis longtemps pouvoir réduire le taux de leur dépendance vis-à-vis de l’énergie qu’ils achètent à la Russie, en diversifiant leur approvisionnement.
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